"Crash tests" au féminin : protéger les conductrices aussi

Aujourd'hui encore, les tests automobiles sont uniquement réalisés avec des mannequins de morphologie masculine. Or les statistiques le montrent : le facteur déterminant de la gravité des blessures en cas d'accident, c'est le genre. Pour mieux protéger les femmes au volant, la Suédoise Astrid Linder a créé la première mannequin d'essai.

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Astrid linder et 2 mannequins

Astrid Linder près d'un mannequin féminin et un mannequin masculin.

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Elle s'appelle Eva – SET 50F de son nom technique – et est née en Suède. La première mannequin d'essai de choc automobile (crash test) du monde a une poitrine, des mensurations et un centre de gravité correspondant à une femme moyenne. Elle n'est pour l'heure qu'un prototype, mais son inventrice Astrid Linder compte bien ne pas s'arrêter là. Son objectif : aider à concevoir des sièges de voiture qui protègent mieux les femmes.
 

Anachronisme

De fait, la législation dans l'univers automobile n'impose, aujourd'hui encore, d'essais qu'avec des mannequins traditionnels aux proportions masculines – un modèle hérité des années 1970, une époque où la conduite était surtout une affaire d'hommes. Aujourd'hui, kilométrage et temps de parcours confondus, les femmes représentent 49% des conducteurs et les hommes 51%. 
Nous visons une société durable et inclusive et nous avons actuellement une législation qui exclut les femmes. Astrid Linder
"Nous visons une société durable et inclusive, explique Astrid Linder, mais nous avons actuellement une législation qui exclut les femmes. La norme minimale requise pour la mise en vente d'une voiture spécifie : vous devez utiliser le modèle d'un homme moyen pour tous les tests, point final", déplore-t-elle. 

Et pourtant, les chiffres sont sans appel : les femmes sont plus exposées en cas d'accident. "Les hommes comme les femmes doivent être représentés pour établir la protection des passagers d'une voiture en cas d'accident. C'est seulement de cette façon que les données prendront tout le monde en compte," poursuit-elle. 
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Une morphologie différente

Testée depuis fin 2022 en Suède, le prototype Eva, composé de caoutchouc, de métaux et de plastique, est équipé de 24 capteurs et mesure 1,62 m pour 62 kg, soit 15 cm et 15 kg de moins que le modèle masculin classique. Ses épaules sont aussi plus étroites et ses hanches plus larges. Ces mensurations, ainsi qu'un centre de gravité plus bas, jouent un rôle important pour l'évaluation des risques que courent les femmes en voiture.

La femme a des épaules plus étroites et des hanches plus larges. La distribution de la masse est différente dans le buste, ce qui se concrétise par un centre de gravité plus bas. Astrid Linder

"Voici une femme type : elle a le torse, les hanches et le bassin d'une femme. Avec la taille et le poids moyen, bien entendu. Pour ce qui est de la géométrie du torse, la femme, comparée à l'homme, a des épaules plus étroites et des hanches plus larges. La distribution de la masse est différente dans le buste, ce qui se concrétise par un centre de gravité plus bas chez la femme que chez l'homme," explique Astrid Linder. 

Essai de choc

Sanglée à un fauteuil, un mannequin est lancé à 16 km/h sur un rail métallique dans un entrepôt de Linköping, au sud de Stockholm, avant que sa course ne s'arrête avec fracas. Un écran diffuse au ralenti les images du corps malmené au moment du choc, laissant apparaître la forme d'une poitrine.

 "Les muscles du cou sont généralement plus faibles chez une femme donc si on compare avec un mannequin de crash test masculin, on voit ici que le cou est plus flexible, qu'il y a plus de mouvements si l'on conduit exactement le même essai, à la même vitesse et avec la même accélération, précise l'ingénieur Tommy Pettersson. L'objectif est de rendre possible la fabrication de meilleurs sièges pour les hommes et les femmes. C'est la raison pour laquelle nous avons créé un homme et une femme."
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Le genre, déterminant en cas d'accident

D'après une étude de 2019 de l'université de Virginie aux Etats-Unis, les femmes ont 73% de chances de plus que les hommes d'être blessées en cas de collision frontale. Elles sont par ailleurs deux fois plus susceptibles de souffrir d'entorses cervicales en cas d'accident, notamment à cause de la morphologie de leur cou et du maintien offert par le siège. 
Pour les blessures qui ne sont pas mortelles, mais qui peuvent être à la source de handicaps, le facteur déterminant, c'est la différence entre hommes et femmes. Astrid Linder
"Pour les blessures qui ne sont pas mortelles, qui peuvent être à la source de handicaps, les statistiques montrent que le facteur qui est toujours déterminant c'est la différence entre hommes et femmes, souligne Astrid Linder. Les souffrances qui en résultent peuvent durer toute la vie, il est essentiel d'établir comment chacun est protégé."

 

mannequins crash test

Le secrétaire aux transports américain Anthony Foxx, avec de nouveaux mannequins d'essai appelés "THOR", lors de l'annonce de plans visant à mettre à jour le système de notation de sécurité des nouvelles voitures à Washington, le 8 décembre 2015. 

©AP Photo/Pablo Martinez Monsivais

Un marché à la traîne

Développée grâce à des subventions de la Commission européenne, Eva est déjà utilisée par certains constructeurs, comme Volvo, en Suède, mais rien dans les régulations internationales ne l'impose. Une proposition sera soumise à la Commission européenne pour un projet de développement des outils d'évaluation des sièges, autrement dit les mannequins d'essai, dans le cadre d'un vaste projet traitant des conséquences à long terme des blessures causées par les accidents de la route." 
La culture a évolué mais malheureusement les règles de sécurité n'ont pas suivi le mouvement. Emily Thomas
Astrid Linder a été récompensée par un prix en 2023 qui distingue les femmes qui font avancer le secteur automobile, mais le marché ne suit pas encore. 
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"Longtemps, les conducteurs étaient surtout des hommes", rappelle Emily Thomas, directrice du service dédié aux tests automobiles dans l'organisme américain Consumer Reports, une structure indépendante à but non lucratif qui représente les consommateurs. "La culture a évolué mais malheureusement les règles de sécurité n'ont pas suivi le mouvement", déplore-t-elle.
 
Astrid Linder, elle, souhaite désormais fabriquer d'autres copies d'Eva/SET 50F pour la faire connaître ailleurs dans le monde. 
 
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