Fil d'Ariane
Femme, lesbienne, grosse... La Française Barbara Butch, au centre du tableau "festivité" présenté à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques 2014 à Paris, subit, depuis, un déferlement d'insultes et agressions en ligne pour ce qu'elle est. Aux yeux de certains, elle ne peut représenter la France.
Barbara Butch
Flanquée de travestis et de danseurs, la DJ et productrice Barbara Butch trônait en reine du tableau incarné par des drag queens lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, le 26 juillet 2024 à Paris. Quelques jours plus tard, elle porte plainte pour cyberharcèlement aggravé, menaces de mort et injures publiques aggravées. Un déferlement de haine provoqué par une prestation jugée iconoclaste par certains, mais aussi par la personnalité de Barbara Butch.
Ceux qui s'en prennent à Barbara Butch le font car ils ne supportent pas qu'elle puisse représenter la France, parce que c'est une femme, lesbienne, grosse, juive... Audrey Msellati
Militante féministe, lesbienne, l'artiste dénonce sur Instagram être, depuis sa performance, "la cible d'un énième cyberharcèlement – particulièrement violent". "Menacée de mort, de torture et de viol" et cible "de nombreuses injures à caractère antisémite, homophobe, sexiste et grossophobe", elle a décidé de déposer plainte, affirme son avocate Me Audrey Msellati dans un communiqué. "Si, dans un premier temps, j'ai décidé de ne pas prendre la parole pour laisser les haters ("haineux") s'apaiser, les messages que je reçois sont de plus en plus extrêmes", justifie l'artiste.
"Ceux qui s'en prennent à Barbara Butch le font car ils ne supportent pas qu'elle puisse représenter la France, parce que c'est une femme, lesbienne, grosse, juive... Le problème, c'est leur intolérance et leur obscurantisme", dénonce Me Audrey Msellati. "En s'attaquant à elle, ils s'en prennent aux valeurs, aux droits et aux libertés de la France, qu'elle représente par son existence dans l'espace public et notamment par le fait qu'elle performe pour son pays sur une scène mondiale".
Barbara Butch figurait dans le tableau intitulé "festivité", qui commençait par l'image d'un groupe à table, dont plusieurs célèbres drag queens (Nicky Doll, Paloma et Piche, reconnaissable à sa barbe blonde). Une séquence mal reçue autour de la planète par certains conservateurs, partis d'extrême droite et cercles catholiques, qui l'ont interprétée comme une caricature du dernier repas de Jésus avec ses apôtres, la Cène.
Cette séquence a, entre autres, déclenché l'ire des politiques d'extrême droite, notamment en France et en Italie. Donald Trump, lui aussi, se dit outré, tandis que l'épiscopat français déplore "des scènes de dérision et de moquerie du christianisme". Le directeur artistique de la cérémonie d'ouverture, Thomas Jolly, dément de son côté s'être inspiré de La Cène de Léonard de Vinci et affirme qu'il s'agissait "plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l'Olympe".
L'influenceur Andrew Tate lors d'une manifestation dénonçant le tableau "festivité" de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris, près de l'ambassade de France à Bucarest, en Roumanie, le 28 juillet 2024.
Acteur lui aussi de ce tableau qui voulait célébrer Dionysos, Philippe Katerine, trublion de la chanson française, a interprété sa nouvelle chanson, Nu, lui-même quasiment dans le plus simple appareil, le corps peint en bleu. Et voilà Philippe Katerine, rebaptisé "l'artiste Schtroumpf", popularisé sur les réseaux sociaux chinois, avec des dessins ou des figurines en pâte d'amande inspirés de sa prestation. Le clip de Nu, distinct de la cérémonie des JO, avec un orchestre naturiste jouant pour l'artiste, a été mis en ligne dans la foulée et s'approche doucement du million de vues sur YouTube. Le chanteur, lui, n'a pas fait état de harcèlement ou de menaces après sa prestation.
Les organisateurs des Jeux olympiques se sont excusés auprès de toute personne ayant pu être offensée par le tableau "festivité", évoquant La Cène lors de la cérémonie d'ouverture. Le comité d'organisation des JO a néanmoins "fermement condamné" le cyberharcèlement dont est victime "l'équipe artistique" de la cérémonie : "Nous sommes à leurs côtés et nous les soutenons", a ajouté la directrice de la communication du Cojo, Anne Descamps, lors du point presse quotidien du comité.
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