Fil d'Ariane
Son père musulman est un réfugié de Syrie venu au Danemark après avoir été emprisonné et torturé pour son opposition au régime. Sa mère chrétienne a déménagé à Copenhague pour travailler comme infirmière. Après avoir passé une année à étudier à Damas, Sherin Khankan retourne à Copenhague en 2000. Elle décide alors de créer un lieu de prière dédiée aux femmes. Ce sera la mosquée Mariam située au coeur de la ville, au dessus d'un magasin de jouets.
Les hommes y sont les bienvenus mais la prière du vendredi soir y est réservée aux femmes. Aucune volonté de heurter quiconque : "L'idée est de déclencher une réponse dans les mosquées en montrant qu'il peut y avoir de nouvelles perspectives mais la majorité des imams danois ne veulent pas de collègues féminines. D'après le Coran, hommes et femmes sont pourtant des partenaires spirituels égaux" " dit-elle.
L'ouverture d'un tel lieu est un soulagement et un indiscutable progrès pour les nombreuses pratiquantes dans le pays, qui compte environ 270 000 musulmans.Comme elle s'y attendait, cet indiscutable progrès a suscité l'ire du Parti populaire danois, droite populiste hostile à l'immigration, mais aussi le mépris silencieux des autres imams masculins qui n'acceptent pas le "e" qu'il convient désormais d'apposer à sa fonction. Aucun d'eux n'a, à ce jour, accepté de répondre aux journalistes.
Ce "e" l'imame Sherin Khankan y tient plus que tout : "Revendiquer ce titre n’a rien d’anecdotique. Il m’ancre dans une tradition et me place dans une position de stricte égalité avec les hommes. C’est un signal très fort. Le pouvoir se prend !" justifie-t-elle dans le quotidien "Le Monde".
Cette imame, la quatrième dans le pays, observe les enseignements du soufisme, un visage méconnu de l’islam qui se transmet de maître à disciple et, parce que cette sensiblité de l'Islam incarne l’ouverture, le respect et la fraternité, Sherin Khankan célèbre des mariages interconfessionnels, où sont même prévus des contrats qui interdisent la polygamie, les violences conjugales et reconnaissent le droit des femmes au divorce.
A retrouver dans Terriennes sur ce sujet :
> Quand le soufisme conjugue la paix au féminin
Dans son livre, elle ose aborder la question sensible de l'homosexualité : " Parfois, les poètes soufis décrivent même l’amour de Dieu à travers la métaphore d’un homme se languissant d’un autre jeune homme, transcendant ainsi, ou remettant en question la conception traditionnelle de la sexualité et des genres. "
Des mosquées où des femmes dirigent les prières existent déjà aux Etats-Unis, en Belgique, au Canada, en Allemagne, en Chine ou aux Etats-Unis. Mais Sherin Khankan entend mener une révolution douce à Copenhague. "Nous sommes toujours en train d'apprendre. Nous sommes en route et nous n'avons fait que le premier pas ", déclarait Khankan, au moment de l'ouverture de la mosquée. Elle espère maintenant que la sortie de son ouvrage fera bouger les mentalités et que son action inspirera les femmes d'autres pays : " Ce qui se passe dans une mosquée va bien au-delà de la mosquée elle-même - cela affecte la société " assure-t-elle.