Dans "Tempête de sable" d'Elite Zexer, une jeune Bédouine d'Israël voudrait choisir sa vie

Avec Tempête de sable, choisi pour représenter Israël aux Oscars 2017, la réalisatrice Elite Zexer suit le combat d'une étudiante bédouine du Neguev pour décider de son destin. Un film subtil, ni blanc, ni noir, sur les écrans en France le 25 janvier 2017. 
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Tempête de sable
Layla, énergique étudiante, cherche à repousser les murs virtuels qui l'empêchent d'aimer ou d'étudier.
(c) Vered Adir
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La lumière de Tempête de sable est ocre et grise, à l'image de cette terre bicolore, mélange de sable et de pierre, si caractéristiques du Néguev, une région et une population passées sous les administrations successives qui ont façonné le Proche-Orient.

Nomades sédentarisés, à l'inverse des autres Palestiniens, après 1948, les Bédouins acceptèrent d'être gouvernés par des Israéliens, avec ni plus ni moins d'enthousiasme que par les Egyptiens. La condition de cette paix sociale ? Leur permettre de vivre selon leurs traditions, en dépit des lois nationales, au premier rang desquelles mariages forcés et polygamie. La polygamie est illégale en Israël depuis 1977. Et pourtant, le député bédouin Taleb Abu Arar (Liste arabe unie) siège à la Knesset alors qu'il a deux femmes.

Prisons de sable

Avec un père qui la pousse dans ses études, la tance lorsque ses résultats sont insuffisants, lui apprend joyeusement à conduire sur les routes chaotiques du désert, Layla, l'héroïne du film d'Elite Zexer, pouvait espérer échapper à un destin tout tracé, entre union arrangée et maternité. Mais au fil du scénario, cet allié l'abandonne, tandis que sa mère, gardienne rigide des traditions, en apparence, finit par aider sa fille à poursuivre ses rêves.

C'est la rencontre avec une jeune Bédouine qui a inspiré à Elite Zexer le personnage de Layla. Quelques jours avant la sortie de son film, la jeune réalisatrice, 37 ans, était de passage à Paris. Elle nous a raconté l'histoire de la "vraie" Layla, qui est aussi celle de beaucoup d'autres jeunes femmes dans ces villages du désert :

Le modèle de Layla, comme dans le film a choisi d'épargner sa famille. Et puis elle nous a dit, pour ma fille ce sera différent.
Elite Zexer, cinéaste

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Dans ce premier long métrage, Elite Zexer a réussi à tisser un huis clos au grand air, où chacune et chacun se débat dans des enfermements multiples : celui qui oblige un mari et un père aimant de trois filles à épouser une deuxième femme pour avoir un fils ; celui qui assigne à la première épouse d'accueillir avec bienveillance la nouvelle ; celui qui conduit une jeune femme brillante à abandonner ses études et à renoncer à son premier amour pour ne pas déshonorer sa famille.

Le père....

Ce sont les contradictions de Suliman, le père de Layla, qui sont peut-être les plus surprenantes, mais pour la réalisatrice, il est tout aussi prisonnier de son rôle et des circonstances que les femmes :

Il se considère comme un excellent père de famille, il aime ses filles, sa femme, il veut leur offrir tout ce qu'il y a de mieux
Elite Zexer, cinéaste

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Les Bédouins invisibles

La réalisatrice laisse sentir aussi un encerclement plus diffus, celui d'un Etat peu amical, en quelques plans - un abri-bus au milieu de nulle part, un hall d'université, une conversation au sujet de maisons détruites par l'armée israélienne... La position des bédouins en Israël n'est pas le sujet du film, mais elle en compose l'omniprésente toile de fond : "Sur les routes qui passent près de ces villages, passent des milliers de voitures chaque jour. Jamais personne ne s'arrête. Dans 95% de la bande son du film, on entend les voitures passer en bruit de fond. Les Bédouins n'ont ni électricité, ni gaz. Ils n'ont pas de route. "

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La cinéaste a profondément ressenti l'isolement des Bédouins en Israël : "Personne ne sait exactement ce qui se passe dans ces villages, dit-elle. L'accès que j'ai eu à cette société est unique. Il faut prendre le temps, et rares sont ceux qui en font l'effort. Si j'ai fait ce film, c'est parce que je voulais donner un aperçu réaliste de ce qui se passe dans ces villages. Je voulais que, la prochaine fois qu'ils passeront en voiture près d'un village bédouin, les Israéliens pensent aux gens qui vivent là, au-delà des stéréotypes. Je voulais éveiller leur curiosité." Mission accomplie, semble-t-il, car d'après les premiers retours qu'a eu la réalisatrice, c'est exactement ce qui s'est produit.

Et pourtant, la volonté de rapprochement et d'intégration des Bédouins est palpable, explique encore Elite Zexer : "Pendant le tournage, tous voulaient m'inviter chez eux. Je sentais qu'ils avaient terriblement envie de créer un lien." C'est en accompagnant sa mère photographe auprès des communautés bédouines d'Israël qu'Elite Zexer a tissé les rencontres décisives pour ce projet.

Mes rencontres avec les Bédouins ont façonné chaque plan de ce film
Elite Zexer, cinéaste

Elle se souvient de la genèse de son film, grand prix du jury au Festival du cinéma indépendant de Sundance (Etats-Unis, 2016), sacré meilleur film aux "Ophir" israéliens (2016), l'équivalent des Césars, et appelé à concourir pour les Oscars 2017 :

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De ces allers retours, la cinéaste dit : "Pendant des années, j’ai eu la chance de rencontrer des femmes formidables dont l’histoire m’a profondément bouleversée. Certaines sont devenues des amies très proches. Le film est presque entièrement le fruit de ces échanges. Les personnes que j’ai rencontrées, les histoires que l’on m’a racontées, tout cela transparaît à l’écran plus que tout autre chose. Mes rencontres avec les Bédouins ont façonné chaque plan de ce film." Ecoutez-la : 

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Suivez Sylvie Braibant sur Twitter @braibant1