Fil d'Ariane
Les femmes sont moins diagnostiquées et moins soignées que les hommes. Et cela a un coût : 920 milliards d'euros par an. Une facture qui pèse lourd dans les économies mondiales. C'est le constat d'un nouveau rapport publié à Davos, en Suisse, alors que les plus riches de la planète s'y réunissent.
La santé des femmes – enfin – sur la table des plus riches de la planète, réunis à Davos, lors de la 54e conférence annuelle du Forum économique mondial. L'améliorer permettrait de faire des économies, selon rapport publié le 17 janvier 2024.
"En plus d'améliorer la qualité de vie des femmes, garantir aux femmes l'accès aux innovations en matière de soins de santé est l'un des meilleurs investissements que les pays puissent faire pour leurs sociétés et leurs économies", analyse Shyam Bishen, responsable des soins de santé au Forum économique mondial.
Garantir aux femmes l'accès aux innovations en matière de soins de santé est l'un des meilleurs investissements que les pays puissent faire pour leurs sociétés et leurs économies. Shyam Bishen, responsable des soins de santé au Forum économique mondial
Ainsi donc, l'égalité hommes femmes est parvenue à se faire une petite place cette année à Davos... Se préoccuper et améliorer la santé des femmes – jusqu'ici passée au second plan – serait bénéfique pour l'économie. Serait-ce la raison qui expliquerait pourquoi les plus riches de la planète s'intéressent enfin à ce qui concerne la moitié de l'humanité ?
A l'origine de cet intérêt "soudain", un rapport de 42 pages publié alors que des centaines de chefs d'entreprises et des dizaines de chefs d'Etat et de gouvernement se réunissent cette semaine pour la 54e conférence annuelle du Forum économique mondial dans la très chic station alpine de Davos en Suisse.
Cette enquête menée avec la contribution de la société suisse Ferring Pharmaceuticals (qui commercialise notamment des produits de gynécologie) et le McKinsey Health Institute dresse un constat – qui ne surprend guère ici car déjà longuement traité dans les colonnes de Terriennes. Si les femmes vivent plus longtemps que les hommes, leur qualité de vie est moins bonne, en raison d'une attention inégale accordée aux deux sexes par la recherche médicale et les traitements.
Investir dans la santé des femmes ne donne pas seulement de meilleurs résultats pour les femmes, mais constitue également un investissement direct dans les familles, les communautés, les sociétés et les économies. Anita Zaidi, présidente de la Division de l'égalité des sexes à la Fondation Bill et Melinda Gates
La réduction des écarts de santé entre les sexes permettrait à davantage de femmes de vivre une vie plus saine et de meilleure qualité, et donnerait un coup de pouce sans précédent à l'économie mondiale à hauteur de 1000 milliards de dollars par an d'ici 2040, précise le rapport. Et d'ajouter que chaque dollar américain investi dans la santé des femmes rapporterait en retour trois dollars de croissance, cela s'expliquant en partie par le retour de femmes malades sur le marché du travail.
"Les disparités auxquelles les femmes sont confrontées en matière d’accès et de réception de soins de santé de qualité ne sont pas seulement inéquitables : elles sont injustes. Investir dans la santé des femmes ne donne pas seulement de meilleurs résultats pour les femmes, mais constitue également un investissement direct dans les familles, les communautés, les sociétés et les économies", analyse de son côté Anita Zaidi, présidente de la Division de l'égalité des sexes à la Fondation Bill et Melinda Gates.
Selon le rapport, les femmes passent en moyenne 25 % de plus de leur vie en mauvaise santé que les hommes. L’étude a également examiné dans quelle mesure les traitements et diagnostics ont davantage profité aux hommes qu’aux femmes. Ainsi les inhalateurs pour l'asthme sont plus efficaces sur les hommes que les femmes, affirme-t-il.
Investir dans la santé des femmes doit être une priorité pour chaque pays. Shyam Bishen, responsable des soins de santé au Forum économique mondial
Des recherches antérieures ont montré que les femmes sont diagnostiquées plus tard que les hommes pour 700 maladies différentes. "Investir dans la santé des femmes doit être une priorité pour chaque pays", insiste Shyam Bishen.
Phagni Poyam, 23 ans, enceinte de neuf mois, débarque d'une ambulance à moto pour un examen dans un hôpital d'Orchha, au centre de l'Inde, le 16 novembre 2022. Ces ambulances, déployées pour la première fois en 2014, atteignent des villages inaccessibles pour amener les femmes enceintes vers un centre de référence proche de l'hôpital où les femmes enceintes peuvent rester sous observation.
Remédier aux inégalités liées à l’endométriose et à la ménopause – qui touchent uniquement les femmes et ont longtemps été peu étudiées – pourrait contribuer à hauteur de 130 milliards de dollars au PIB (Produit intérieur brut) mondial d’ici 2040, estime le rapport.
Le Forum économique mondial a annoncé le lancement de l'Alliance mondiale pour la santé des femmes, avec jusqu'à présent la promesse d'investir 55 millions de dollars (50 millions d'euros). Anita Zaidi, présidente de la Division de l'égalité des sexes de la Fondation Bill et Melinda Gates, présidera le conseil d'administration de cet organisme, elle sera notamment accompagnée de Catherine Russel, directrice générale de l'UNICEF et de Shyam Bishen, entre autres, précise le site internet du Forum mondial. Le Rotary International lancera notamment le Rotary Healthy Communities Challenge, une initiative qui fournira 30 millions de dollars pour la prévention et le traitement des maladies ainsi que la santé maternelle et infantile en République démocratique du Congo, au Mozambique, au Nigeria et en Zambie.
Une étude qui n'est pas sans rappeler "les travaux de l'économiste américaine Claudia Goldin qui s'est vue décerner le prix Nobel d'économie en 2023 pour ses travaux sur les inégalités économiques entre les hommes et les femmes au niveau mondial", estime le journal La Tribune. Le jury Nobel avait estimé que les recherches de cette professeure d'Harvard, aujourd'hui âgée de 77 ans, avaient "fait progresser notre compréhension de la situation des femmes sur le marché du travail".
Comme le rappelle le journal économique, à l'échelle mondiale, environ 50% des femmes participent au marché du travail, contre 80% des hommes. Or les femmes gagnent moins et "ont moins de chances d'atteindre le sommet de l'échelle professionnelle", se heurtant au « plafond de verre » avait noté Randi Hjalmarsson, membre du comité Nobel.
Claudia Goldin, prix Nobel d'économie : femmes au travail et inégalités, "un problème systémique"