Fil d'Ariane
Dans son dernier roman, De cinq à sept, qu'Olivia Koudrine annonce comme "une histoire de femmes", elle raconte quatre parcours de vie différents, quatre femmes, toutes reliées par un cancer du sein.
Le titre, que l'auteure a choisi "comme on choisit le titre d'un recueil de nouvelles" reprend l'expression française bien connue quand on parle d'un rendez-vous coquin, habituellement hors mariage, entre 17 et 19h. C'est le cas de Charlotte, le premier personnage du roman. Elle se rend à son cinq à sept, pour retrouver son jeune amant.
Mais le sujet du livre, c'est le cancer du sein, sujet encore tabou aujourd'hui. "C'est un sujet très grave, mais on aborde beaucoup de sujets graves dans les romans, pourquoi pas celui-là ? Ça n'a pas beaucoup été traité. Il y a beaucoup de prévention, mais elle est assez désincarnée. On se dit que ça n'arrive qu'aux autres. Ou alors, on a des biographies, où on est beaucoup trop dans l'empathie", explique Olivia Koudrine sur le plateau d'Estelle Martin.
J'ai voulu raconter des histoires de femmes, que l'on s'attache à elles, qu'on apprenne à les connaître.
Olivia Koudrine, romancière.
L'auteure précise néanmoins sa volonté première de faire un roman avant tout : "J'ai pensé que c'était intéressant d'en faire un sujet de roman. On connaît tous une femme ayant eu un cancer du sein. Il y a quand même une femme sur huit qui serait touchée. J'ai voulu raconter des histoires de femmes, que l'on s'attache à elles, que l'on apprenne à les connaître. Je ne voulais pas qu'on soit tout de suite en contact avec des malades. Les connaître va nous permettre de comprendre leurs différentes réactions, comment elles vont appréhender la maladie.
Elle évoque un travail de documentation en amont de l'écriture pour que le livre soit le plus réaliste. Statistiques, traitements proposés, effets secondaires, Olivia Koudrine a creusé toutes ces informations avant de travailler son histoire : "Ça a été trés documenté. J'ai interviewé une dizaine de femmes et j'ai travaillé avec deux cancérologues, qui ont même relu mon livre avant sa publication. Il fallait que ça soit juste. Je parle aussi des traitements."
Elle revient ainsi sur certaines inégalités sociales que la maladie accentue, notamment le prix des perruques. En effet selon l'Institut National du cancer, les premiers prix des perruques en cheveux synthétiques tournent autour du forfait remboursé par l'Assurance maladie (125 euros), et peuvent atteindre parfois les 600 euros. Si on veut une meilleure qualité et donc une perruque en cheveux naturels, les prix démarrent alors autour de 700 euros et peuvent atteindre plusieurs milliers d'euros pour des perruques faites à la main ou sur mesure.
Perdre ses cheveux, se faire enlever un sein, c'est toucher à la féminité. Ce n'est pas rien.
Olivia Koudrine
La perte des cheveux, ou l'ablation des seins sont des moments marquant, très intimes pour les femmes atteintes d'un cancer. Olivia Koudrine revient sur ce point: "Ce sont les femmes que j'ai interviewées qui m'en ont parlé. Souvent quand on fait de la chimiothérapie, on perd ses cheveux (pas tout le temps), et pour certaines femmes, c'était terrible. Perdre ses cheveux, se faire enlever un sein, c'est toucher à la féminité. Ce n'est pas rien. C'est pour ça que j'ai voulu raconter leur vie avant, et leur vie après pour voir ce qui avait changé. Certaines m'ont dit que parfois, cela change la vie, mais en mieux. c'est ce qui est passionnant."