Deux refus de visa
Par deux fois, les autorités américaines ont refusé leur demande de visa dans le sillage des mesures anti-immigration de Donald Trump entrées en vigueur le 30 juin dernier. C'est finalement grâce à l'intervention du président américain, sous la pression du public, que ces jeunes filles originaires de la région d'Hérat, dans l'ouest de leur pays, ont obtenu in extremis le précieux sésame.
En Afghanistan, la sélection avait été rude : 150 lycéens s'étaient inscrits pour tenter de décrocher un billet pour le concours de Washington, explique Alireza Mehraban, entraîneur de l'équipe. Sans compter que les adolescentes avaient aussi dû surmonter des problèmes de logistique spécifiques, comme le manque d'équipements de base : "Nous avons recyclé du matériel et avons utilisé des déchets", souligne Alireza Mehraban, expliquant qu'un dispositif d'aspiration avait ainsi été conçu avec une bouteille de Coca-Cola.
Médaille d'argent
"Une fois le robot construit, elles ont dû l'envoyer immédiatement aux Etats-Unis et n'ont pas eu le temps de bien se familiariser avec leur engin", indique Roya Mahboob, entrepreneuse afghane qui a contribué à l'organisation du voyage. Cela n'a pas empêché l'équipe de remporter de justesse sa première manche, une épreuve où les robots devaient ramasser des balles et les placer dans des boîtes, tout en évitant des pénalités.Du dimanche 16 au mardi 18 juillet, des génies en herbe, comme elles, ont fait la démonstration de leurs compétences en faisant évoluer leurs inventions sur scène, tandis qu'un commentateur sportif analysait en direct leurs performances techniques. En coulisses, les concurrents s'échangaient conseils et astuces sur la façon d'exploiter au mieux leurs robots.
Le verdict du jury est tombé voici quelques heures : les jeunes Afghanes remportent la médaille d'argent. Outre leurs qualités techniques, c'est aussi le courage de leur démarche et leur ténacité qui est récompensée, a annoncé le jury.
Despite Visa Obstacles, Afghan Girls’ Robotics Team Allowed To Compete:https://t.co/GKlqhJlfMw @schneidercp pic.twitter.com/zqcSQ1veh1
— MOST Resource (@MOSTResource) July 19, 2017
Plus qu'un simple concours
Au-delà de leur résultat final, la simple présence de ces adolescentes dans cette compétition semble déjà être une victoire. "Il y a quinze ans, les femmes afghanes ne savaient pas lire et écrire et n'avaient aucun droit. Maintenant, grâce à l'aide de la communauté internationale, des femmes vont à l'école ou à l'université et deviennent ministres", se réjouit Roya Mahboob, qui figurait en 2013 sur la liste des personnalités les plus influentes dans le monde du magazine Time. "Nous sommes comme les garçons, il faut nous donner les mêmes chances qu'eux", poursuit-elle. "Peu importe votre sexe, si vous avez accès à l'éducation et la technologie".
Afghanistan, mais aussi Iran, Soudan...
De fait, la présence de ces jeunes Afghanes, venues d'un pays ultra-conservateur, est hautement symbolique. Et c'est avant tout leur difficulté à entrer aux Etats-Unis qui a attiré l'attention. Le 30 juin, la Cour suprême a autorisé une entrée en vigueur partielle du décret anti-immigration controversé du président Trump, interdisant l'entrée des ressortissants de six pays à majorité musulmane (Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen), ainsi que de tous les réfugiés, à l'exception de ceux pouvant prouver une "relation valable avec une personne ou une entité aux Etats-Unis".
L'Afghanistan n'est pas directement visé, mais les six jeunes filles, qui avaient travaillé plusieurs mois à la conception de leur robot, se trouvaient embarquées dans le processus officiel et elles n'avaient pas obtenu le feu vert pour entrer sur le sol américain.
Au final, les 163 équipes candidates ont toutes obtenu leurs visas, y compris celles venues d'Iran, du Soudan et l'équipe formée de réfugiés syriens.