Interpellé, aussi bien en tant que sociologue, philosophe mais surtout en tant qu'homme par la déferlante #MeToo, le voilà donc entré en investigation. Tweet après tweet, il explique avoir remonté le fil de cette libération de la parole des femmes, harcelées, violées, véritable tsunami provoqué en octobre 2017 par le séisme Weinstein. Alors se pose la question de la légitimité de cette enquête et surtout de l'enquêteur. Lui-même, dès les premières pages de l'ouvrage, confie s'être interrogé sur ce point.
> #MeToo #BalanceTonPorc : contre les violences sexuelles, partout les femmes passent à l'offensive
Raphaël Liogier, chercheur
Débat et présentation de mon dernier livre à l'invitation du Centre Georges Pompidou demain mercredi 21 mars à 18h30 : https://t.co/RAbQgd9Pn1
— Raphaël Liogier (@raphael_liogier) 20 mars 2018
Les femmes face à l’histoire de l’humanité
C'est alors Raphaël Liogier, l’antropologue, qui nous explique comment les femmes « étaient exclues des activités nobles, dès les temps les plus primitifs. Au Paléolitique, elles étaient chargées de la cueillette, activité fournissant l’essentiel de la nourriture ». Pendant ce temps, les hommes eux, allaient à la chasse, activité bien plus glorifiante mais pourtant nettement plus aléatoire pour nourrir la tribu. On apprend que, comme le démontrent plusieurs études scientifiques, depuis près de 750 000 ans, les femmes ont été systématiquement privées de nourriture carnée, voilà qui expliquerait l'origine de cette « frêle morphologie féminine » (hypothèse cependant sérieusement contestée par nombre d'anthropologues, femmes ou hommes).« Au Paléolithique, les femmes ont été d’emblées exclues de la nourriture carnée et protéinée, de graisses et de lipides, pour les inférioriser en terme de statut, même symboliquement. (…) Elles étaient exclues de la nourriture, en particulier quand elles étaient enceintes, ce qui provoquait des carences extrêmement fortes. C’est ce qui a provoqué une pression évolutive, imposée par les hommes, qui les ont rendues plus petites et plus fragiles », écrit Raphaël Liogier.
Le plongeon originel est d'autant plus vertigineux qu’il est effrayant. Les femmes de par même leur nourriture et le contrôle de leur corps se seraient-elles retrouvées dès la naissance de l'humanité, contraintes, et assignées à une situation de faiblesse, d’infériorité ?
Comme l'illustrateur JUL, on en viendrait presque à rêver à un mouvement Femen au temps des cavernes, manifestant seins nus en scandant "Nature misogyne ! Darwin complice !".
Mythologies, contes pour enfant et culture du viol
Il était une fois, une princesse endormie … Raphaël Liogier remonte aux racines de la plus profonde et de la plus longue injustice de l’histoire humaine, celle véhiculée par les mythes fondateurs des grandes civilisations, les contes romantiques, la littérature, Don Juan, Casanova, ventant les mérites d'une virilité négatrice de la volonté des femmes. L'auteur nous (re)fait la lecture de quelques textes mythologiques et autres contes pour enfant. L’inceste et le viol y sont pratiques courantes voire, banales, à l'image de certaines périodes de l’histoire d’ailleurs, où l'on mariait bien des frères et sœurs, et des rois à leurs filles…
Pour Raphaël Liogier, cette emprise de l’homme sur le corps de la femme peut être assimilée à une excision mentale. On connaît la mutilation physique, qui reste pratiquée encore aujourd'hui, au nom de la tradition par certaines communautés sur les fillettes dans des dizaines de pays dans le monde. Le sociologue évoque lui une autre excision, psychologique, celle qu'inflige l’homme qui de tout temps a cherché à empêcher la femme de jouir de son corps, de son esprit, bref de jouir tout cours. Pour Raphaël Liogier, la négation du consentement des femmes et leur rabaissement systématique trouvent leur source dans une « angoisse (masculine) de la superpuissance féminine ».
Raphaël Liogier, extrait Descente au coeur du mâle

Dans sa tribune au #JDD ce dimanche, comme dans son livre @editionsLLL, @raphael_liogier explore la banalité du mâle. Il est l’une des rares voix masculines à se joindre au mouvement #MeToo pour réclamer «la fin de la vision archaïque d’une virilité qui nie le désir féminin». pic.twitter.com/jCHWPEqn1j
— PierreLaurent Mazars (@plmazars) 18 mars 2018
L'orgasme féminin, l'ultime bastion ?
Ainsi donc malgré les conquêtes gagnées (ou injustices vaincues) au cours de ces dernières décennies, du droit de vote, d'ouvrir un compte en banque, de diriger une entreprise, et même malgré le droit d'avorter, le noeud du problème qui reste à défaire selon Raphaël Liogier, consiste en cette liberté ultime que l'homme refuse aux femmes, contrairement à ce que pourrait laisser croire une soi-disante libération sexuelle : celle de disposer de leur corps, de leur sexe, de leur jouissance.#ObjectifMonde - "Le coeur du problème, c'est le regard des hommes sur le corps des femmes", explique le sociologue et philosophe @raphael_liogier #meetoo
— TV5MONDE Info (@TV5MONDEINFO) 21 mars 2018
➡️ Voir l'émission : https://t.co/W4OkmTRVm7 pic.twitter.com/58Fp4yNCAZ
Un peu comme après une descente aux enfers, on ressort de cette prise de conscience sans doute nécessaire que veut être cette Descente au coeur du mâle, difficilement indemne, que l'on soit une femme ou un homme.
Cela dit, le débat reste ouvert aussi, quand à la faculté des hommes à se revendiquer féministes, et que l'on fait intervenir en boucle un certain 8 mars dans les médias. Ce qui n'a pas échappé à certain.e.s d'entre-nous...