Fil d'Ariane
Agée de seulement 33 ans, Catherine Gandziuk était membre du conseil régional de l’oblast (département) de Kherson (sud de l'Ukraine) et du conseil municipal de la ville du même nom, mais aussi conseillère du maire. La militante et journaliste enquêtait surtout sur la corruption dans la région. Elle luttait contre ce fléau en critiquant les fonctionnaires locaux et les forces de l’ordre. Le 31 juillet 2018, aspergée d’acide sulfurique et brûlée à 30%, elle est admise en réanimation. En trois mois, elle sera opérée plus de dix fois. Elle est morte le 4 novembre 2018.
Ils ont filmé TOUS les ukrainiens et celui qui a eu l'air tout content à la fausse annonce de la mort du journaliste c'était lui le futur assassin ?#TousCinglés https://t.co/uHA37nBtOi
— romain meltz (@lemediapol) 30 mai 2018
Depuis le début de l’année, 77 journalistes et collaborateurs de médias ont été tués. Dans neuf cas sur 10, les crimes commis contre les journalistes restent impunis.#EndImpunity https://t.co/Ge0mVO71ej pic.twitter.com/e1ze3SEXEb
— RSF (@RSF_inter) 1 novembre 2018
Catherine Gandziuk n’est malheureusement qu’une victime de plus à ajouter sur la longue liste des femmes journalistes assassinées. Le 6 octobre 2018, on retrouvait le corps de Viktoria Marinova, 30 ans, responsable administrative et présentatrice sur TVN, une chaîne locale bulgare dans un parc de la ville. Elle enquêtait également sur des affaires de corruption.
Classé 118e sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières, l’Afghanistan a été frappé par plusieurs attentats depuis le début de l’année. Onze journalistes ont été tués depuis janvier et de nombreux autres sont menacés en permanence par les différentes parties prenantes dans les conflits. Parmi leurs cibles les assassins privilégient les femmes journalistes, particulièrement vulnérables dans un pays où la propagande intégriste est appliquée dans plusieurs régions du pays.
Mais partout dans le monde, en quelques années, les assassinats de femmes journalistes se sont multipliés. En 2012, l’américaine Marie Colvin de CNN et du Sunday Times était éliminée sur ordre du gouvernement syrien. La mexicaine Miroslava Breach assassinée en 2017 alors qu’elle couvrait depuis des années, les agissements de la pègre locale, et notamment les féminicides de Ciudad Juarez. L’indienne Gauri Lankesh, rédactrice en chef d’un magazine laïc et féministe, abattue par deux hommes à moto. En 2011, place Tahrir au Caire, Lara Logan journaliste pour CBS a été battue et victime d'agression sexuelle, le tout au milieu d'une foule survoltée à l'occasion des célébrations saluant la chute du président Hosni Moubarak. En 2013, c’était Ghislaine Dupont, de Radio France internationale, grand reporter, spécialiste du continent africain depuis vingt-cinq ans qui était enlevée, puis exécutée au Mali. Avant et après elles, il y eut la maltaise Daphne Caruana Galizia, la suédoise Kim Wall ou encore les russes Anna Politkovskaïa, Anastassia Babourova et Natalia Estemirova.
[Tribune] Les meurtres de Ghislaine Dupont et Claude Verlon @RFI, il y a 5 ans, confirment l’entrée dans l'ère de l’assassinat ciblé de journalistes. Le Manifeste pour les femmes reporters assassinées somme l’Etat de ne pas se dérober https://t.co/ibkCgIdF7g
— Libération (@libe) 1 novembre 2018
Le texte en forme de coup de poing, commence ainsi : "L’assassinat d’Anna Politkovskaïa, le 7 octobre 2006, à Moscou, provoqua une onde de choc mondiale préjudiciable à la Russie que cette journaliste dénonçait comme « bâtie sur le sang et le mensonge ». Au fil des conflits du XXe siècle, il était arrivé que des femmes reporters de guerre perdent la vie, tombées dans une embuscade ou sous les bombes. Elles en avaient pris le risque avec courage et audace. Mais, en 2006, la mort d’Anna Politovskaïa ouvrait une autre ère : celle de l’assassinat ciblé, commandité, puis exécuté.
(...)
Certes ces femmes grands reporters ont gagné leur place sur tous les fronts, mais nous insistons sur le fait que nous sommes là face à des assassinats. Et que ces actes dûment orchestrés interpellent directement les Etats, leurs diplomaties, leurs polices, leurs services de renseignement et leurs justices. Qu’ils sont également des outils de guerre et de terreur à l’heure du tout-média instantané."
Une étude publiée récemment par l'International Women’s Media Foundation et Troll-Busters.com lors de la conférence annuelle de la Online News Association révèle que près des deux tiers des femmes journalistes interrogées ont été harcelées, dont plus de la moitié ont été agressées au cours de l'année écoulée.
Le sondage Attaques et harcèlement: conséquences pour les femmes journalistes et leurs reportages indique aussi que près du tiers des femmes interrogées envisagent de quitter la profession pour cause de harcèlement et que, au début de leur carrière, elles sont deux fois plus susceptibles d'envisager un autre emploi.