Fil d'Ariane
La haute juridiction a statué que cette disposition privait la femme de sa dignité et de son choix individuel, la ravalant au rang de victime - et surtout de propriété de son mari. "Elle ne prend pas en compte l'autonomie sexuelle de chaque femme", a déclaré le juge Chandrachud. Par ailleurs, un panel de cinq juges de la Cour suprême a décidé à l'unanimité que l’adultère n’a pas à être jugé comme un crime et que les relations extraconjugales relevaient des affaires privées entre adultes.
Considérer l'adultère d'un point de vue de la criminalité est une mesure rétrograde. Panel de cinq juges de la Cour suprême
Désormais, les femmes aussi peuvent engager une procédure de divorce pour trahison conjugale. Plusieurs activistes se félicitent d'un jugement "en adhésion avec les valeurs progressistes de la Constitution", que l'avocat Prashant Bhushan salue sur Twitter : "Encore un bon jugement de la Cour suprême".
Another good judgement of the Supreme Court on the entry of women in Sabrimala temple. It has held that prohibition of menstruating women from entering the temple was a violation of Constitutional morality & cannot be allowed on basis of right to practice religion. Kudos to SC!
— Prashant Bhushan (@pbhushan1) 28 septembre 2018
Les représentants du gouvernement voulaient, eux, que l'adultère reste passible de prison, qui menace l'institution du mariage et cause du tort aux enfants et à la famille. Pour Swati Maliwal, présidente de la Commission pour les femmes de Delhi, la décision de la Cour suprême revient à cautionner la trahison conjugale : "Comment est-ce que cela peut être autorisé ? Qu'est-ce donc que le lien sacré du mariage ?"
En 1954, la même Cour suprême avait maintenu la pénalisation de l'adultère en considérant à l'époque "qu'il est communément accepté que c'est l'homme le séducteur, pas la femme". Mais aujourd’hui, c'est un homme, le président de la Cour Suprême Dipak Misra, qui, avant son départ à la retraite, parvient à imposer une série de changements sociaux majeurs.
Il y a trois semaines, il obtenait la dépénalisation de l'homosexualité. Aujourd’hui, outre la restriction de l'usage de la gigantesque base de données biométriques Aadhaar, la Cour suprême inaugure un autre grand changement : elle ouvre aux femmes en âge d'avoir leurs règles - soit entre 10 et 50 ans- les portes du grand temple hindou Ayyappa à Sabarimala, dans l'État du Kerala, dont elles restaient bannies. Une décision à forte portée symbolique, étant donné le poids de la religion en Inde.
Seule femme du panel de juges de la Cour suprême, Indu Malhotra s'est, elle, opposée au verdict majoritaire de ses collègues, estimant qu'il n'est pas du ressort de la justice d'intervenir dans des sujets impliquant les "sentiments religieux profonds". Mais la Cour suprême a jugé l'interdiction discriminatoire : "Interdire les femmes viole le droit d'une femme à pratiquer le culte et la religion", a déclaré Dipak Misra.
Autant de petites révolutions dans l'un des pays qui compte encore parmi les plus inégalitaire au monde..