Des femmes scientifiques répliquent avec humour au sexisme

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Des femmes scientifiques postent sur Internet des photos d'elles en laboratoire pour se moquer des propos sexistes du prix Nobel de médecine Timothy Hunt. 
©Captures d'écrans de photos sur Twitter
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Le Prix Nobel de médecine britannique Timothy Hunt a choqué le monde scientifique, la semaine dernière, en tenant des propos sexistes à l'encontre de ses consoeurs de laboratoire. Des femmes scientifiques du monde entier lui répondent sur Twitter, avec beaucoup d'humour et un peu de moquerie. Une manière de rappeler aussi l'importance de la mixité dans ces métiers. 

« Trois choses se passent quand elles sont dans les labos : vous tombez amoureux d'elles, elles tombent amoureuses de vous, et quand vous les critiquez, elles pleurent. » Dixit le prix Nobel de médecine 2001 : le Britannique Timothy Hunt. C'est ainsi qu'il s’épanche sur ses collègues féminines, mardi 9 juin, lors d'une conférence mondiale des journalistes scientifiques en Corée du Sud. 

Dérapage ? Ses propos ne manquent pas de rappeler, une fois de plus, les préjugés qui collent à la blouse des chercheures - et plus largement des femmes dans le milieu professionnel : les femmes sont trop émotionnelles dans le travail et représentent un attrait sexuel pour les hommes. 

Aussitôt dits et rapportés par les médias anglais, les propos du scientifique britannique, empreints d'un sexisme certain, se sont propagés sur Internet. Réaction : hausse de tension sur la toile, indignation de la gent féminine des scientifiques...mais pas seulement.

La science a besoin des femmes

L'institution anglaise de promotion des sciences, la Royal Society, dont Timothy Hunt est membre, réagit le jour même, expliquant dans un texte intitulé La science a besoin des femmesprendre ses distances avec la position du prix Nobel :  « La science doit utiliser le mieux possible les capacités de recherche de l'ensemble de la population » car, semble-t-il : « trop de personnes talentueuses ne réalisent pas leur potentiel scientifique à cause de problèmes de genre et la (Royal) Society veut faire en sorte de corriger cela. » Il y a, apparemment encore du travail à faire, notamment avec les éminents membres de cette institution britannique.

Timothy Hunt, lui, s'excuse platement sur la radio BBC4 dès le lendemain de sa déclaration : « Je suis vraiment vraiment désolé si j'ai choqué, c'est affreux. Je voulais juste être honnête.» (Ce n'était peut-être donc pas un dérapage...) Et il tente ensuite de se justifier : « il est vrai que je suis tombé amoureux de personnes en labo et que des personnes sont tombées amoureuses de moi. C'est très perturbant pour la science ». "Perturbant". La mixité dans les métiers scientifiques remettrait-elle en cause l’efficience des recherches ? 

Le prix Nobel finit par démissionner, le 11 juin, de son poste de professeur honoraire à la faculté des sciences de la vie de l’University College de Londres, « la première université anglaise à accueillir les étudiantes dans les mêmes conditions que les étudiants », souligne l’université.

Humour des femmes scientifiques

Les femmes de la communauté scientifique n’ont pas manqué de se moquer gentiment des propos de Timothy Hunt en publiant sur Twitter des photos d’elles pleines d’humour. Elles posent dans leurs labos en blouse ou en combinaison de travail. Autant de réponses à l’appel lancé par le magazine féministe britannique Vagenda


Rapidement la fièvre s'empare de Twitter. Et le mot-clé #distractinglysexy se répand sur le réseau social. Florilège : 


"Oui, je sais je suis #distractinglysexy dans mon Level A PPE. La combinaison met totalement en valeur mes formes", raconte sur Twitter cette ingénieure et scientifique qui travaille sur la santé et l'environnement.  

"Je suis tombée amoureuse de la microcentrifugeuse...C'est typique de la femme en laboratoire", écrit cette internaute qui travaille au Canada sur la génétique et la biologie moléculaire. 


"Le Masque à filtre me protège de produits chimiques dangereux et camoufflent mes larmes de femme. Double victoire ! #distractinglysexy", lance cette Espagnole qui travaille sur la biochimie. 

Cette étudiante s'amuse visiblement beaucoup à prendre cette photo : "C'est tellement difficile de travailler dans un laboratoire d'étude parce que je trop attrayante pour les hommes scientifiques."
 

Cette scientifique allemande prend la pose sur son compte Twitter pour lancer : " Oh ne faites pas attention à moi. J'utilise juste la pipette". 

Enfin...un homme ! Ce technicien de laboratoire écrit avec humour : "Je suis le conseil très utile de Sir Tim Hunt, j'ai remis à jour la signalétique du laboratoire." On lit sur la porte sous un signe "danger : Laboratoire mixte" ou encore un autre panneau d'interdiction "de tomber amoureux ou de pleurer". 

Où sont les femmes ?

Illustration du sexisme ordinaire, les propos du prix Nobel de médecine révèlent aussi un important problème du secteur scientifique : les femmes y sont encore trop rares. Mais même en petit nombre, certains hommes ont, apparemment, encore du mal à s’y faire.

Selon l’Institut de statistiques de l’UNESCO, les femmes ne représentent qu’un tiers des effectifs des chercheurs dans le monde. « Elles sont sous-représentées dans les sciences que ce soit dans la recherche scientifique fondamentale ou aux plus hauts niveaux décisionnels », lit-on sur le site de l’UNESCO qui mène une campagne active depuis 2008 sur l’importance de la place des femmes dans les sciences. Et elles restent encore trop peu nombreuses dans bien d'autres métiers. 

Selon une étude du gouvernement français de 2013,  près de la moitié des femmes qui travaillent se concentrent dans une dizaine de métiers sur 86 répertoriés. En 2011, seulement 19 métiers étaient considérés mixtes, selon cette même analyse. 

Les campagnes internationales se multiplient afin d'atteindre une meilleure répartition des sexes dans tous les secteurs d'activité. Car l’enjeu n’est pas seulement l’équité homme-femme ou la mixité dans les milieux professionnels, mais c'est aussi l’économie des pays qui en dépend et à laquelle doit participer la moitié de l’humanité.