Si, dans l'ensemble des médias, les femmes sont moins représentées quantitativement, elles le sont aussi qualitativement. Lorsqu’elles sont interviewées, elles sont plus « anonymes ». Leur nom et leur profession sont bien moins cités que ceux des hommes. Et elles sont davantage interrogées en tant que témoins ou victimes. Beaucoup moins en tant qu’expertes.
Elles sont, par ailleurs, plus souvent invitées pour commenter des sujets dits « féminins » (maison, mode etc.). Les sujets dits masculins, tels que l’économie, la politique ou l’international, demeurent quasiment réservés aux hommes. « En fait, ou bien elles sont des passantes, des ombres chinoises qui ne s’expriment pas, ou bien, au contraire, elle sont dans la surexposition du corps et le diktat de la jeunesse, de la minceur et du sexy », déplore
Brigitte Grésy, auteure d’un rapport sur
l’image des femmes dans les médias en 2008 et sur les expertes en 2011.
« C'est d'abord une prise de conscience, explique Pascale Colisson, présidente de
l’AFJ (l’Association des femmes journalistes). Il y a dix ans, si vous m’aviez posé la question, je vous aurais répondu : Je travaille dans la presse depuis quinze ans, je lis les journaux tous les jours et, non, je ne vois rien d’anormal. Maintenant, poursuit-elle, je le vois systématiquement. » Plusieurs années durant, les journalistes de l’AFJ ont consacré leur énergie à dénoncer ce constat chiffré. Mais à l’époque le discours n’était pas « audible ». « Nos communiqués étaient à peine repris. Maintenant, le moment est venu. L'AFJ va se dissoudre prochainement. Et je suis ravie que ce collectif transmédias prenne le relais », dit-elle d’un ton enjoué.
Lois sur l’égalité professionnelle, création d'une Commission sur l'image des femmes dans les médias, d’un groupe de travail au CSA, présence de la question de l’égalité dans le débat public… depuis deux trois ans - tout un ensemble d’éléments concourt à faire bouger les lignes. Journaliste aux Nouvelles News et auteur de «
A la télé, les hommes parlent, les femmes écoutent », à paraître fin mars, Arnaud Bihel explique : « On sent, en ce moment, une vraie prise en main du sujet par le politique, les associations et les journalistes. On a aussi plus de données chiffrées qu’auparavant. Ce qui donne plus de visibilité au problème ». Le
rapport de 2011 sur la présence des expertes dans les médias, par exemple, a eu un gros impact médiatique. Et pour cause, tous médias confondus, les femmes qualifiées ne représentent toujours que 20% des personnes invitées à s’exprimer.