Des Libanaises à la conquête des urnes

C'est ce qu'on appelle le recours nécessaire à "l'empowerment", ou la quête de l'entre soi pour plus d'émancipation. De plus en plus, à travers le monde, les femmes se regroupent pour tenter d'accéder au pouvoir politique et augmenter leur présence minoritaire au sein des assemblées électives. Comme au Liban, où seulement quatre femmes députées siègent parmi 128 élus.
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Des Libanaises à la conquête des urnes
Le collectif Women in Front souhaite présenter 64 femmes aux prochaines législatives.
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En juin 2013, des élections législatives devraient se tenir au pays du Cèdre. Alors que le gouvernement de Tammam Salam n’a pas été formé et que la nouvelle loi électorale n’est toujours pas adoptée, des Libanaises déterminées ont décidé d’entrer en campagne sans attendre pour faire mentir les statistiques.

« Amenez un programme écrit pour les journalistes. Soyez au fait de l’actualité pour ne pas être coincées. Et n’oubliez pas de toujours sourire ! », tels sont les conseils aux futures candidates de Randa Yassir, directrice de Smart Center, une ONG dont le but est de renforcer la société civile au Liban. L’énergique jeune femme qui détaille comment construire sa visibilité médiatique a rejoint ce matin de mars 2013, au sous-sol d’un immeuble de Beyrouth, une quinzaine de femmes à l’écoute attentive.

Un défi au patriarcat

Régulièrement, ces futures candidates aux élections se retrouvent pour des ateliers organisés au sein du collectif Women in Front, créé par trois femmes qui se sont rencontrées sur Internet. Joëlle Abou Farhat Rizkallah, Nada Anid et Paola Majdalani, fatiguées que la femme libanaise ne soit perçue que comme une « femme bimbo » ou une « femme battue » ont décidé d’agir en soutenant la candidature de concitoyennes.

Joëlle, gérante d’une agence de publicité ne se présentera pas aux élections par manque de temps mais elle assure : « Un jour, je me présenterai car je sens que j’ai un rôle à jouer. Pour l’instant, je suis heureuse de soutenir toutes ces Libanaises qui ont un fort potentiel. »

Le but du collectif est un immense défi dans la société patriarcale libanaise : présenter 64 femmes aux prochaines législatives. Jusqu’à maintenant, 35 candidates ont rejoint les fondatrices.  Nada explique : « Pour trouver des candidates, c’est le bouche à oreille qui a le mieux fonctionné. On essaie de fédérer des Libanaises, de tous partis ou indépendantes, qui ont des compétences et des choses à dire. »
Des Libanaises à la conquête des urnes
Nada Anid et Joêlle Abou Farhat Rizkallah, deux des fondatrices du collectif Women in Front

Dans la salle, les participantes sont avocates, experts-comptables, directrices d’école, architectes… et planchent sur leurs stratégies médiatiques et leurs réseaux sociaux car « une page Facebook ou un compte Twitter, c’est gratuit. » Quand la discussion aborde les vêtements et la coiffure, les blagues fusent. « Au moins avec le voile, pas de question à se poser », lance Mariam Al-Sham dans un éclat de rire général.  A 43 ans, cette Libanaise, procureure, assure avoir des ambitions politiques « depuis l’âge de neuf ans. »  Pour elle, être une femme n’a jamais été un obstacle. « En 2001, j’ai été la première femme à faire partie du bureau politique d’Amal (acronyme arabe d'afwâju l-muqâwamati l-lubnâniya - détachements libanais de résistance - qui signifie aussi espoir, ndlr) », explique-t-elle fièrement.

Séduire les médias

Dala Ghandour, elle, s’est présentée aux municipales en 2010 : « Je suis convaincue que j’ai une place à jouer sur la scène politique de mon pays. J’aime le Liban et je sais que je peux le servir. » Pour autant, cette avocate de 32 ans ne se présentera qu’en 2017, le temps d’affiner ses compétences. Récemment, elle a participé à un clip pour inciter les femmes à s’impliquer dans la vie politique.

Clip de campagne (en arabe) pour susciter des vocations politiques chez les Libanaises

Au mois d’avril, onze femmes du collectif se sont rendues au Parlement européen pour assister à des débats entre les élu(e)s de cette assemblée. Durant les prochaines semaines, le collectif rendra public un manifeste et une liste de femmes Libanaises expertes auxquelles les médias pourront faire appel. Déterminée, Nada souligne : « Le Liban a signé l’accord de Pékin en 1995 qui prévoit un quota de 30% de femmes au Parlement. Nous voulons atteindre ce quota et pour que cela arrive, nous n’attendrons pas les bras croisés. »
Des Libanaises à la conquête des urnes
Mariam Al-Sham, 43 ans, procureure, lors d'un exercice d'interview. Elle dit en riant, qu'avec son voile, elle n'a pas à faire attention à sa coiffure...

Libanaises en route vers le Parlement - clichés de campagne