Des Nigériens à l'école des maris

Avec les écoles de maris, le Niger tente une approche inédite pour promouvoir la santé et l'éducation. Mises en place en 2007 sur le territoire national, ces écoles, au nombre de 610 fin décembre 2013, sont ouvertes aux époux, choisis pour être "modèles", dont le comportement aura valeur d’exemple au sein des quartiers ruraux et urbains. Les sélectionnés se doivent d’éduquer à leur tour les hommes de leur entourage à dépasser les normes sociales. Une méthode qui pourrait faire tâche d'huile sur le continent africain, et au delà...
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Des Nigériens à l'école des maris
Les membres de l'école des maris font le point sur leur action en faveur de la planification familiale, en présence de leur mentore Fassouma Germa - © Mina Kaci
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« Rien n’est comme avant. » Radieuse, Rabi Waziri raconte combien sa vie a changé. « Seuls les deux derniers de mes huit enfants sont nés à la maternité. Et, avant, je ne prenais pas la pilule », confie cette maman de trente ans. Son village, à Zinder, région australe et centrale du Niger, en Afrique de l’Ouest, s’est transformé depuis l'installation, en 2010, de la symbolique école des maris, conçue par le Fonds des Nations-Unies pour la population (UNFPA) dans le but de sensibiliser les hommes sur l’importance d’autoriser leurs épouses à fréquenter les centres de santé et le planning familial, jusqu’alors désertés par elles. « Ce sont les époux qui détiennent le pouvoir chez nous. Nous sommes sous leur autorité. On ne peut sortir sans leur permission », explique Rabi Waziri. « J’ai énormément souffert lors de mes premières grossesses, à la maison, soutenue par une matrone. Alors que cela s’est passé comme une lettre à la poste avec l’accouchement assisté », sourit-t-elle, le visage enveloppé d’un long châle marron.
Des Nigériens à l'école des maris
Seuls les deux derniers des huit enfants de Rabi Waziri sont nés à la maternité. Sa vie est aujourd'hui transformée © Mina Kaci
L'ignorance est (toujours) mère de tous les maux Ici, plus aucune femme n’accouche chez elle. Beaucoup se rendent en consultations pré et post natales. L’école des maris a permis, en seulement trois ans, une transformation dans la façon d’appréhender la santé des femmes et des enfants. « Nous nous sommes rendus compte que nous ne jouions pas notre rôle sur cette question. Nous étions nous-mêmes ignorants. Mais nous sommes en train de changer d’attitude », souligne Brah Magagi, membre de l’école des maris. Mises en place en 2007 sur le territoire national, ces écoles, au nombre de 610 fin décembre 2013, sont ouvertes aux époux, choisis pour être "modèles", dont le comportement aura valeur d’exemple au sein des quartiers ruraux et urbains. Les sélectionnés se doivent d’éduquer à leur tour les hommes de leur entourage à dépasser les normes sociales. Ce jour-là, sous l’arbre à palabres, Brah Magagi et les autres membres de l’école se réunissent pour aborder le problème de la planification familiale, un sujet sensible au Niger, où le taux de fécondité reste le plus élevé au monde, avec 7,6 enfants par femme en moyenne, en 2012. Assis sur une natte posée sur le sol, Brah suggère à ses camarades, tous bénévoles, d’aller dans un fada (un regroupement d’hommes) pour les sensibiliser sur cette question, autour d’un thé. « Il faut appeler à une assemblée générale des villageois, femmes et hommes », poursuit un autre. Lequel souhaite mettre en avant les cas des familles qui « ont espacé les naissances et s’épanouissent ainsi mieux. Nous devons rappeler que la contraception est gratuite. Et faire venir un agent du centre de santé pour qu’il puisse répondre aux questions plus compliquées pour nous ».
Des Nigériens à l'école des maris
Slifou Saldou imam de Zender : “L'Islam n'interdit pas la planification familiale“. © Mina Kaci
Impliquer tout le monde L’école des maris repose sur « une approche endogène », explique Issa Sadou, "père" de cette stratégie estimée comme l’une des plus porteuses dans le plan gouvernemental 2013-2020 sur la planification familiale. « Elle met en relation divers partenaires », précise-t-il. Habitants, chefs religieux, chefs traditionnels, ministère de la Santé, ministère de la Population… autant de protagonistes qui possèdent entre leurs mains cet outil novateur, utilisé pour moderniser la société nigérienne. Beaucoup d’imams et de marabouts éclairés s’y investissent. Ils jouent un rôle  essentiel dans le dispositif, d’autant que la population est à 80% de confession musulmane et majoritairement analphabète, y compris « en religion », indique Salifou Saldou, imam de la ville de Zinder. Lequel profite des prêches à la mosquée pour « éduquer les croyants à bien interpréter le Coran et arrêter de croire que l’islam interdit la planification familiale ». La société a su « trouver des solutions à partir de sa propre culture », explique Monique Clesca, responsable de l’UNFPA au Niger. Partout où fonctionnent les écoles des maris, les centres de santé enregistrent de forts taux de fréquentations. Ecoles dans lesquelles sont désormais plus largement débattus des sujets tabous, tels les mariages et les grossesses précoces. Ebauché au Niger, le concept fait tâche d’huile ailleurs en Afrique, comme au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Gambie ou au Burkina Faso.
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Corvée d'eau au village, Zender © Mina Kaci

Faire reculer la mortalité infantile

Au Niger, une femme sur sept meurt de complications liées à la grossesse. C'est le plus fort taux de mortalité maternelle au monde. L'objectif des écoles de maris est d'abord d'enrayer ce fléau sanitaire. C'est ce que nous explique la journaliste Mina Kaci qui met aussi en avant le travail exceptionnel de concertation qui a permis cette réalisation.
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