Elles « jurent » que le sexisme et les violences faites aux femmes, ce n’est pas bien. La vidéo des fillettes déguisées en princesses et proférant des « fuck » à tour de bras, a déjà fait le tour de la toile. Lancée par l’entreprise américaine de tea shirts "à messages" FCKH8 il y a quelques jours, le clip “F-bombs for feminism“ fait débat. Coup de pub ou vrai engagement ? Faut-il en s'en amuser ou s’en offusquer ?
Jurons et robes rose bonbon
« Les femmes sont payées 23% de moins que les hommes, pour le même « putain » de travail. » « La société nous apprend que nos nichons et nos fesses sont plus importants que nos cerveaux ». C’est ainsi que s’expriment les petites filles de la nouvelle campagne de l’entreprise américaine FCKH8, spécialisée dans la fabrication de vêtements à messages militants.
Entre 6 et 13 ans, les princesses de ce clip cassent l’image de la petite fille modèle et de la gentille Cendrillon ou Blanche-Neige. Fini les « princesses en détresse », comme elles disent.
Dynamiques, sûres d’elles, rebelles, ces petites en jettent avec leurs robes rose bonbon et leurs jurons. Elles osent crier leur colère devant les violences faites aux femmes, les codes de beauté qui leur sont imposées, ou encore les inégalités de salaires. Parce que « it’s our future » disent-elles.
Et tant pis pour les « What’s the fuck ? », c’est pour la bonne cause assurent-elles : « Qu’est ce qui est le plus offensant ? Une petite fille qui dit fuck ou la façon sexiste dont la société traite les filles et les femmes ? »
C’est de la même façon que se justifient d’ailleurs les adultes de la fin du clip. L’une d’elle déclare : « Plutôt que de corriger le langage de ces jeunes filles, peut être la société devrait corriger ses actes ? ».
Après avoir récité quelques chiffres sur la condition féminine du type : 1 femme sur 5 est agressée sexuellement par un homme, la vidéo se termine par l’image d’une boîte à gros mots, presque remplie à ras bord, tant les petites filles ont juré. Et cela fait sourire. 'Hilarant, brillant, j’adore, génial, trop mignonnes’, ces princesses modernes en ont séduit plus d’un sur la toile. Mais peut-on vraiment rire de ce clip ?
Du féminisme à vendre ?
La chute de la vidéo est certes comique, mais elle nous invite aussi à acheter des tee-shirts à 15 dollars, sur lesquels sont écrits : « This is what a feminist looks like. » - "c'est à cela que ressemble une féministe". On apprend que 5 dollars seraient ensuite reversés à des associations contre le sexisme.
La cause se dit donc féministe, mais la vidéo a clairement un but commercial. Aux Etats-Unis, les critiques ont été nombreuses. Le Washington Times (quotidien conservateur) titrait récemment son article à propos de la vidéo : « Des petites filles qui lâchent des ‘fuck’ dans une vulgaire publicité féministe ».
Certains ont aussi estimé que les parents de ces petites filles les traitaient comme des accessoires. « This borders on child abuse » ("cela frôle la maltraitance d'enfant") a tweeté la chroniqueuse Kirsten Powers du journal USA Today.
D’autres vont plus loin encore, s’interrogeant sur le devenir du féminisme, comme Karin Agness (fondatrice et présidente du réseau conservateur des femmes éclairées) dans l'hebdomadaire Time. A propos de cette vidéo, qu’elle considère comme le dernier exemple du mauvais tournant pris par le féminisme aux Etats-Unis, elle écrit : « Malheureusement, c’est ce à quoi le féminisme vient d’être réduit aujourd’hui, rien de plus qu’à de grossières tentatives pour détourner l’attention des vrais problèmes. »
Pour la journaliste, l’exemple à suivre est plutôt l’adolescente pakistanaise Malala Yousafzai dans son combat pour les droits des femmes, qui elle, se comporte avec bien plus de « courage et d’élégance ».
« Bien que le message soit percutant, il peut prêter à confusion pour les enfants », ajoute également une psychologue interviewée à ce sujet sur le site d’information CBS New York. « Le risque est que les petites filles et petits garçons qui regardent cette vidéo, pensent que le fait d’utiliser des jurons les rendront puissants » s’inquiète-t-elle.
Les jeunes princesses de la vidéo « F-bombs for feminism », ont en tout cas elles, déjà acquis une petite célébrité. La publicité controversée fait le buzz sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Sur la page Facebook de l’entreprise FCKH8, le post de la vidéo engendre désormais plus de 77 000 j’aime, 344 519 partages et 25 556 commentaires. Faut-il parfois parler avec des mots crus pour faire entendre un combat féministe? Peut-on faire passer un message anti-sexiste tout en faisant du commerce ? Le débat est lancé.