Le moins qu’on puisse dire c’est que la proposition de la ministre des Transports du Royaume Uni a fait sursauter, protester, et n’a reçu que bien peu de soutiens manifestes – mais il faut rappeler que les réseaux « sociaux » sont parfois aveuglants de la réalité sociale.
Le 29 septembre 2014, à l’occasion du rassemblement du Parti conservateur à Birmingham, au cœur de la vieille Angleterre, Claire Perry a lancé qu’elle était " absolument déterminée " à enrayer le phénomène des agressions sexuelles dans les transports publics, à commencer par le métro de Londres où elles affichent une augmentation exponentielle – 21% en une seule année. Et elle a alors proposé de réfléchir à des wagons réservés aux femmes.
Tollés, hurlements, sur la toile, mais aussi dans les quotidiens comme The Independent, classé à gauche. Refus mesurés au nom de l’égalité des genres et de la non ségrégation qu’elle soit sexuelle ou raciale (tout le monde a dans la tête les places réservées aux Noirs américains, dans les transports en commun du Sud, jusque dans les années 60), mais aussi réactions outrancières en ces temps d’incertitudes, de réactivation du choc des civilisations et d’islamophobie rampante, certain-e-s s’interrogeant sur une introduction insidieuse de la « sharia » sur le sol britannique…
Le 29 septembre 2014, à l’occasion du rassemblement du Parti conservateur à Birmingham, au cœur de la vieille Angleterre, Claire Perry a lancé qu’elle était " absolument déterminée " à enrayer le phénomène des agressions sexuelles dans les transports publics, à commencer par le métro de Londres où elles affichent une augmentation exponentielle – 21% en une seule année. Et elle a alors proposé de réfléchir à des wagons réservés aux femmes.
Tollés, hurlements, sur la toile, mais aussi dans les quotidiens comme The Independent, classé à gauche. Refus mesurés au nom de l’égalité des genres et de la non ségrégation qu’elle soit sexuelle ou raciale (tout le monde a dans la tête les places réservées aux Noirs américains, dans les transports en commun du Sud, jusque dans les années 60), mais aussi réactions outrancières en ces temps d’incertitudes, de réactivation du choc des civilisations et d’islamophobie rampante, certain-e-s s’interrogeant sur une introduction insidieuse de la « sharia » sur le sol britannique…
Tweet réactif tendance raisonnable
Women-only train carriages? Or maybe men could just not assault women? Gender segregation surely can't be the answer http://t.co/G8Ezab6yJm
— Kevin Peel (@kevpeel) 2 Octobre 2014
Un autre, beaucoup plus sinistre...
Shariah - coming to #Birmingham soon! http://t.co/QHXZaSa85k
— Umm Suhaym (@ummsuhaym) 2 Octobre 2014
Une expérience partagée par toutes et partout
Pour l’édition du 30 septembre du célèbre The Independent, classé à gauche, la chroniqueuse Kate Grant, parfaitement consciente de la gravité des agressions sexistes dans le sous sol londonien, annonce la couleur : « Les wagons réservés aux femmes seraient une insulte aux deux sexes. Lutter contre la criminalité sexuelle ne peut commencer et s’achever qu’avec les auteurs, non les victimes. »
Et la journaliste témoigne : « le week-end dernier je rentrais chez moi en train après une soirée et je fus fort désappointée de voir que tous les sièges étaient pris. Un voyageur ivre m’a proposé de m’asseoir sur ses genoux. Ce que je déclinais poliment, mais il a continué à m’importuner durant tout mon trajet. Sans doute n’a-t-il pas réalisé comme il me mettait mal à l’aise, même si je pense qu’en fait il en était très conscient ce qui lui faisait très plaisir. La plupart des femmes ont connu ou connaîtront une telle expérience. La plupart du temps, elles sont qualifiées de plaisanteries, mais en fait c’est très effrayant de se sentir ainsi prise au piège dans un espace confiné, sans savoir si vous arriverez vraiment saine et sauve à votre destination. (…/…) Mais il est difficile de voir dans la séparation entre hommes et femmes un pas en avant. C’est même exactement le contraire. C’est une insulte envers les deux sexes de suggérer cela. (…/…) Ce n’est pas seulement condescendant de suggérer que les femmes doivent être protégées des hommes, et d’ainsi les punir en leur faisant porter la honte des autres, c’est aussi rabaisser les hommes en faisant porter sur eux tous le soupçon de prédateur sexuel. »
Pour l’édition du 30 septembre du célèbre The Independent, classé à gauche, la chroniqueuse Kate Grant, parfaitement consciente de la gravité des agressions sexistes dans le sous sol londonien, annonce la couleur : « Les wagons réservés aux femmes seraient une insulte aux deux sexes. Lutter contre la criminalité sexuelle ne peut commencer et s’achever qu’avec les auteurs, non les victimes. »
Et la journaliste témoigne : « le week-end dernier je rentrais chez moi en train après une soirée et je fus fort désappointée de voir que tous les sièges étaient pris. Un voyageur ivre m’a proposé de m’asseoir sur ses genoux. Ce que je déclinais poliment, mais il a continué à m’importuner durant tout mon trajet. Sans doute n’a-t-il pas réalisé comme il me mettait mal à l’aise, même si je pense qu’en fait il en était très conscient ce qui lui faisait très plaisir. La plupart des femmes ont connu ou connaîtront une telle expérience. La plupart du temps, elles sont qualifiées de plaisanteries, mais en fait c’est très effrayant de se sentir ainsi prise au piège dans un espace confiné, sans savoir si vous arriverez vraiment saine et sauve à votre destination. (…/…) Mais il est difficile de voir dans la séparation entre hommes et femmes un pas en avant. C’est même exactement le contraire. C’est une insulte envers les deux sexes de suggérer cela. (…/…) Ce n’est pas seulement condescendant de suggérer que les femmes doivent être protégées des hommes, et d’ainsi les punir en leur faisant porter la honte des autres, c’est aussi rabaisser les hommes en faisant porter sur eux tous le soupçon de prédateur sexuel. »

Moins outrée le Mirror, tabloïd proche des travaillistes ne rejette pas a priori l’éventualité, mais s’interroge sur sa validité : « Est-ce une bonne idée ? Selon la police des transports publics, en un an les offenses sexuelles dans le tube londonien sont passées de 925 à 1117 et des wagons réservés pourraient en réduire le nombre. Un espace sécurisé peut aider à réduire les dangers qui menacent un groupe, que ce soit l’homophobie, le racisme ou les agressions sexuelles. Mais cela ne combat pas la cause de ces maux. »

Une vieille idée neuve
L’idée n’est pourtant ni rare ni neuve. Elle est déjà appliquée dans plusieurs pays, à l’exclusion d’aucune religion. Au Brésil et au Mexique très catholiques, deux pays qui battent des records en matière de criminalité, les expériences de séparation sont menées depuis des années dans les plus grandes villes, comme la dernière à Sao Paulo mise en place cet été 2014 ; en Egypte où le harcèlement de rue est un sport national ; au Japon (c’est d’ailleurs à cet exemple que s’est référée la ministre britannique), en apparence si policé, en Malaisie, en Inde bouddhiste, en Israël à l’initiative des ultra orthodoxes juifs, ou encore à Taiwan… Et en septembre, les habitantes de Dubaï demandaient, à corps et à cri, que leur propre métro, déjà accessible à certains moments de la journée, le soit à tout heure du jour et de la nuit…
L’idée n’est pourtant ni rare ni neuve. Elle est déjà appliquée dans plusieurs pays, à l’exclusion d’aucune religion. Au Brésil et au Mexique très catholiques, deux pays qui battent des records en matière de criminalité, les expériences de séparation sont menées depuis des années dans les plus grandes villes, comme la dernière à Sao Paulo mise en place cet été 2014 ; en Egypte où le harcèlement de rue est un sport national ; au Japon (c’est d’ailleurs à cet exemple que s’est référée la ministre britannique), en apparence si policé, en Malaisie, en Inde bouddhiste, en Israël à l’initiative des ultra orthodoxes juifs, ou encore à Taiwan… Et en septembre, les habitantes de Dubaï demandaient, à corps et à cri, que leur propre métro, déjà accessible à certains moments de la journée, le soit à tout heure du jour et de la nuit…

Les Britanniques elles-mêmes pouvaient circuler encore dans leurs " Ladies only " jusqu’en… 1977. Le XXIème siècle ayant sonné, certains avaient déjà proposé d’y revenir, tel le candidat libéral à la mairie de la capitale britannique Brian Paddick.
La fin de la mixité ? Une défaite de la conscience
La syndicaliste et féministe Cath Elliott lui répondait alors en février 2008 dans les colonnes du Guardian : « La ségrégation signifie la défaite. Des wagons séparés ou tout autre forme de ségrégation sexuelle dit aux hommes qu’on ne peut leur faire confiance, et aux femmes qu’elles ont besoin de protection ».
Elle livrait alors, elle aussi, déjà, son témoignage, avec presque les même mots que notre consoeur de The Independent. Sauf qu'il ne s'agissait pas d'une agression sexiste mais d'une bagarre bien virile : « J’étais dans le train de Glasgow quand une rixe a éclaté dans mon compartiment. Deux hommes se battaient, au milieu de la travée, criaient, tandis que d’autres passagers s’en mêlaient. Les contrôleurs sont arrivés 10 minutes après, alors que tout était déjà rentré dans l’ordre. C’est le plus grave incident auquel j’ai assisté dans un train, puisqu’à un moment l’un des protagonistes à sorti une arme. Mais je suis très reconnaissante aux autres passagers de s’être mobilisés pour empêcher le pire. J’y pensais lorsque je lisais l’autre jour un article sur le plan de Brian Paddick visant à introduire des voitures « women friendly » (amicales aux femmes) dans le métro londonien. Et je pensais (même si je ne suis pas convaincue par l’argument de l’effet de douceur des femmes sur leur entourage) que toute la testostérone à l’œuvre ce jour-là, sans présence féminine, recluses à l’arrière dans leur charmant combiné rose, la scène serait certainement terminée autrement. Comme une bagarre sanglante au Far West… »
La présence féminine pour adoucir les moeurs ? Un argument qui en laissera plus d'un-e sceptique...
La fin de la mixité ? Une défaite de la conscience
La syndicaliste et féministe Cath Elliott lui répondait alors en février 2008 dans les colonnes du Guardian : « La ségrégation signifie la défaite. Des wagons séparés ou tout autre forme de ségrégation sexuelle dit aux hommes qu’on ne peut leur faire confiance, et aux femmes qu’elles ont besoin de protection ».
Elle livrait alors, elle aussi, déjà, son témoignage, avec presque les même mots que notre consoeur de The Independent. Sauf qu'il ne s'agissait pas d'une agression sexiste mais d'une bagarre bien virile : « J’étais dans le train de Glasgow quand une rixe a éclaté dans mon compartiment. Deux hommes se battaient, au milieu de la travée, criaient, tandis que d’autres passagers s’en mêlaient. Les contrôleurs sont arrivés 10 minutes après, alors que tout était déjà rentré dans l’ordre. C’est le plus grave incident auquel j’ai assisté dans un train, puisqu’à un moment l’un des protagonistes à sorti une arme. Mais je suis très reconnaissante aux autres passagers de s’être mobilisés pour empêcher le pire. J’y pensais lorsque je lisais l’autre jour un article sur le plan de Brian Paddick visant à introduire des voitures « women friendly » (amicales aux femmes) dans le métro londonien. Et je pensais (même si je ne suis pas convaincue par l’argument de l’effet de douceur des femmes sur leur entourage) que toute la testostérone à l’œuvre ce jour-là, sans présence féminine, recluses à l’arrière dans leur charmant combiné rose, la scène serait certainement terminée autrement. Comme une bagarre sanglante au Far West… »
La présence féminine pour adoucir les moeurs ? Un argument qui en laissera plus d'un-e sceptique...

Une paix nouvelle
Certes la ségrégation sexuelle fait peur tant elle renvoie à d'autres séparations qui ne devaient rien à une volonté protectrice...
Reste que parfois des situations d’urgence appellent des réactions d’urgence. Dans le New York Times du 15 septembre 2009, un reportage racontait, de façon positive, la vie apaisée des Indiennes, à Calcutta, New Dehli ou Bombay, « qui trouvaient une paix nouvelle dans leurs voitures ferroviaires communautaires. Alors que le train s’ébranle, Chinu Sharma, une employée de bureau, se réjouit de l’absence des hommes. Parce qu’'ils vous attrapent, vous touchent, vous insultent, vous sifflent'. Son amie Vandana Rohile approuve en imitant les importuns et autres agresseurs. »
Mais on ne peut s'empêcher de remarquer qu'en Inde, ces mesures n’ont pas empêché les viols de se répandre, comme dans ce bus de New Dehli en décembre 2012, où une fin de soirée de deux amoureux s’était transformée en cauchemar mortel, faisant prendre conscience à cet immense pays que les violences faites aux femmes se propageaient à grande vitesse…
Certes la ségrégation sexuelle fait peur tant elle renvoie à d'autres séparations qui ne devaient rien à une volonté protectrice...
Reste que parfois des situations d’urgence appellent des réactions d’urgence. Dans le New York Times du 15 septembre 2009, un reportage racontait, de façon positive, la vie apaisée des Indiennes, à Calcutta, New Dehli ou Bombay, « qui trouvaient une paix nouvelle dans leurs voitures ferroviaires communautaires. Alors que le train s’ébranle, Chinu Sharma, une employée de bureau, se réjouit de l’absence des hommes. Parce qu’'ils vous attrapent, vous touchent, vous insultent, vous sifflent'. Son amie Vandana Rohile approuve en imitant les importuns et autres agresseurs. »
Mais on ne peut s'empêcher de remarquer qu'en Inde, ces mesures n’ont pas empêché les viols de se répandre, comme dans ce bus de New Dehli en décembre 2012, où une fin de soirée de deux amoureux s’était transformée en cauchemar mortel, faisant prendre conscience à cet immense pays que les violences faites aux femmes se propageaient à grande vitesse…
