Détenue en Iran, Cécile Kohler "en danger de mort", selon sa soeur

A l'issue des 12 jours de conflit entre Israël et l'Iran, quel sort attend Cécile Kohler ? La prison d'Evin où elle est détenue maintenant depuis plus de trois ans à Téhéran - avec son compagnon - a été la cible de tirs de missiles israéliens. Les otages sont "saufs" selon le ministère français des Affaires étrangères.

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Cécile Kohler

Les familles de Cécile Kohler, et de son compagnon, tous deux emprisonnés à Téhéran, sont inquiètes et réclament leur "exfiltration".

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Terrifiées. Voilà l'état dans lequel se trouvent actuellement les familles des otages français détenus en Iran. C'est ce que rapporte Noémie Kohler, la soeur de Cécile Kohler, détenue depuis plus de trois ans pour "espionnage" avec son compagnon Jacques Paris, dans des conditions extrêmement dures.

On se doute qu'ils ont dû entendre les explosions mais on ne sait pas du tout comment ils vont, on ne sait pas du tout à quel niveau d'information ils ont accès. Noémie Kohler

"On a vu qu'au moins deux frappes avaient eu lieu à environ 2 kilomètres de l'endroit où ils sont détenus, donc c'est extrêmement proche. On se doute qu'ils ont dû entendre les explosions mais on ne sait pas du tout comment ils vont, on ne sait pas du tout à quel niveau d'information ils ont accès (...) on ne sait pas si les conditions dans la prison se sont détériorées en lien avec la situation. On est absolument dans l'inconnu et on est vraiment terrifié", confie-t-elle. 

Leur dernier contact téléphonique remonte au 28 mai. "Les nouvelles n'étaient déjà pas bonnes à l'époque parce qu'ils sont à bout de force", décrit Noémie Kohler, qui réclame l'"exfiltration humanitaire" des deux Français, "en danger de mort". "Appel après appel, on voit en particulier le visage de Jacques, de plus en plus marqué par la détention. Le visage est creusé. Et on sent que leurs forces sont épuisées. On sent qu'ils sont totalement désespérés. Ils ne croient plus qu'ils pourront s'en sortir un jour", ajoute-t-elle dans l'émission C à vous sur France.5. 

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Devant le Sénat la semaine dernière, le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot a indiqué avoir "adressé aux autorités iraniennes comme aux autorités israéliennes des messages les alertant sur la présence dans la prison d'Evin de nos deux compatriotes et sur la nécessité, s'agissant des autorités iraniennes, de les libérer sans délai pour assurer leur sécurité". Sur France 5, le ministre annonçait que la France avait déposé plainte à la Cour internationale de Justice. "Cécile Kohler et Jacques Paris doivent être libérés", insistait-il. Sur X, dans un message datant du 21 juin, le président français Emmanuel Macron rapportait l'échange qu'il a eu directement au téléphone avec le président iranien. 

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Israël a confirmé que ses frappes à Téhéran menées ce lundi 23 juin visaient notamment la prison d'Evin, où sont détenus Cécile Kohler et son compagnon Jacques Paris. Pour Noémie Kohler réagissant à chaud sur BFMTV, "c'est vraiment le pire qui pouvait arriver".

"La frappe ayant visé la prison d'Evin, à Téhéran, a mis en danger nos ressortissants, Cécile Kohler et Jacques Paris, otages depuis trois ans. C'est inacceptable", a dénoncé le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Noël Barrot, sur X. "Cécile et Jacques n'auraient pas été touchés", affirme le chef de la diplomatie française, qui s'est entretenu avec son homologue iranien.

Privés de lumière du jour

"Le problème est que nous n'avons pas de perspective concrète, nous n'avons pas d'informations concrètes. En fait, le temps presse et c'était déjà difficile avant. Et maintenant, c'est l'enfer", s'inquiète Noémie Kohler. Elle dénonce aussi leurs conditions de détention terriblement inhumaines : "Ils ne voient presque pas la lumière du jour. Ils sont dans une cellule séparée, bien sûr, qui n'a pas de fenêtre. Elles doivent être éclairées 24 heures sur 24 par une lumière artificielle. Ils ne sortent que trois fois par semaine, quand ils ont de la chance, pour 20 minutes. Ils dorment même par terre." 

Cécile écrit des poèmes dans sa tête qu'elle récite tous les soirs pour être sûre de ne pas les oublier. Ça peut paraître anecdotique, mais en fait c'est absolument terrible. Noémie Kohler

Noémie Kohler raconte aussi comment sa soeur s'est mise à écrire "des poèmes dans sa tête qu'elle récite tous les soirs pour être sûre de ne pas les oublier. Ça peut paraître anecdotique, mais en fait c'est absolument terrible. Et cela montre l'environnement de terreur dans lequel ils évoluent". 

Lire notre article Cécile Kohler, trois ans dans les geôles iraniennes

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Inquiétude pour Narges Mohammadi 

De nombreux habitants de Téhéran fuient en masse la capitale depuis le début des frappes, la plupart vers le Nord. 

La prix Nobel de la paix Narges Mohammadi a également quitté la ville. Incarcérée pendant des années à Evin, elle se trouvait en liberté provisoire depuis plusieurs mois pour raisons médicales. À Paris où ils vivent en exil, son fils et son mari sont très inquiets pour elle, comme ils l'ont confié sur RFI. "Je sais qu'elle a fui la capitale pour pouvoir se réfugier dans ses alentours. Mais je suis extrêmement inquiet, comme d'ailleurs tous les Iraniens de la diaspora qui ont des proches en Iran qui courent le risque de mourir sous les bombes israéliennes", explique Ali Rahmadi. 

Dans un entretien exclusif sur la chaine américaine CNN, quelques jours avant les frappes américaines sur des sites nucléaires iraniens, la militante déplorait le fait que "de nombreux innocents et civils sont tués dans le conflit actuel". Elle y parle de ce que ressentent les Iraniens ordinaires en ce moment, et de la difficulté qu'ils ont à fuir ou à s'abriter. Elle appellait alors les États-Unis à ne pas se joindre au conflit actuel entre Israël et l'Iran et à rechercher la paix au Moyen-Orient. 

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La militante iranienne Narges Mohammadi prix Nobel de la paix 2023

Narges Mohammadi : "Mon mental est d'acier"

Et les autres ?

De nombreuses figures de l'opposition iranienne restent encore incarcérées, à l'instar du militant des droits humains Reza Khandan, époux de la célèbre avocate Nasrin Sotoudeh, arrêté en décembre 2024. 

"Mon père est en prison. Pouvez-vous me dire comment il peut évacuer Téhéran ?", implore, en larmes, sa fille Mehraveh Khandan dans une vidéo sur Instagram.

[traduction : Plus de trois mois se sont écoulés depuis l'arrestation de mon père, et durant cette période, Nima et ma mère n'ont pu lui rendre visite qu'une seule fois, et moi pas même une seule fois. Ma mère n'a pas le droit d'entrer parce qu'elle ne porte pas de hijab, et Nima n'est jamais retournée à la salle de visite après le jour où il a été battu. (...)
Aujourd'hui, après des semaines d'efforts et toutes ces demandes ignorées, mon père a entamé une grève de la faim depuis hier pour protester contre le maintien en détention des prisonniers politiques.]

Nasrin Sotoudeh reçoit le Prix Right Livelihood, prix Nobel de la paix alternatif

Pour l'application de la loi humanitaire internationale

Le centre pour les droits humains en Iran (CHRI), basé à New York, a appelé toutes les parties "à se conformer à la loi humanitaire internationale et à prendre des mesures immédiates pour protéger les civils, y compris ceux qui sont en détention". 

Le CHRI a publié un appel de la militante incarcérée Mahvash Seydal exhortant les autorités iraniennes à accorder des libérations temporaires pour "protéger les vies et la dignité des prisonniers politiques".

Les bombardements israéliens ont fait au moins 224 morts et plus d'un millier de blessés en Iran, selon le dernier bilan officiel iranien publié dimanche 22 avril. Les salves de missiles et drones iraniens, qui ont atteint des centres urbains, ont fait au moins 24 morts et 592 blessés, selon un bilan des autorités israéliennes publié lundi 23 avril. 

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