Deux fillettes à l'assaut des stéréotypes féminins

En colère contre l'image des femmes véhiculée par les jouets de construction Lego, une fillette américaine a fait plier la marque danoise. Indignée de ne jamais voir un visage féminin sur les billets de banque, une autre a réussi à sensibiliser Barack Obama. Toutes deux l'ont fait par de simples lettres manuscrites. Deux histoires de lutte contre les stéréotypes qui ont fait le buzz sur la toile.
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Deux fillettes à l'assaut des stéréotypes féminins
A gauche, la boîte garçon avec pour thème la “Police“, à droit la boîte pour fille avec pour thème la “Plage“
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Deux lettres contre les stéréotypes ont fait réagir deux géants : la marque Lego, d'un côté, et le président des États-Unis, Barack Obama, de l'autre. Les auteurs ? Deux petites Américaines. La première, Charlotte Benjamin, âgée de 7 ans, s'est attaquée à Lego. En janvier 2014, la fillette prenait sa plume pour déplorer l'image des femmes véhiculée à travers les personnages féminins des fameux jeux de construction en plastique :

"Elles ne font que rester assises à la maison, aller à la plage ou faire les magasins, alors que les garçons ont des aventures, des emplois…", écrivait-elle à l'entreprise danoise. Publiée quelques jours plus tard par son père sur le site The Society Pages, sa lettre manuscrite a été reprise sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, l'image est partagée plus de 3000 fois. 

Deux fillettes à l'assaut des stéréotypes féminins
"Chère société Lego,

Je m'appelle Charlotte, j'ai 7 ans et j'adore Lego, mais je n’aime pas qu’il y ait tant de LEGO garçons et presque aucun LEGO filles. Aujourd'hui, je suis allée dans un magasin et j'ai vu qu'il y avait deux sections, la rose pour les filles et la bleue pour les garçons. Tout ce que font les filles, c'est rester assises à la maison, aller à la plage et faire les boutiques. Elles ne vont pas au travail. Les garçons peuvent vivre des aventures, sauver des gens et travailler, ou même nager avec des requins. Je voudrais que vous fassiez plus de Lego filles, qu'elles puissent partir à l’aventure et s’amuser, ok ?!!

Merci,
Charlotte"

La réaction de Lego ne s'est pas fait attendre. La marque lui a promis de faire plus d'efforts dans ce sens, d'autant plus que la firme lançait au même moment le programme Lego Idées, invitant les fans à contribuer à la conception des futurs jouets.

Engagement tenu. Le 3 août 2014, Lego a dévoilé "L'institut de recherches", une nouvelle gamme de femmes scientifiques, paléontologues, etc. L'affaire a créé un buzz autour de ce nouveau kit 100% féminin. Il est aujourd'hui en rupture de stock.
Deux fillettes à l'assaut des stéréotypes féminins
Le nouveau kit de jouets pour filles sur le thème les femmes scientifiques, sorti après la plainte de Charlotte Benjamin.

Même procédé, avec peut-être le même succès, du côté des billets de banque américains. Une fillette aurait envoyé une lettre à Barack Obama, lui demandant pourquoi aucun visage de femmes ne figurait sur les dollars. "Une très bonne idée", a déclaré Barack Obama lors d'un déplacement à Kansas City, où il relatait cette anecdote en public.

Depuis, la presse américaine s'est amusée à imaginer les futurs visages féminins des billets américains de 20$. New York Magazine en proposé 12 femmes. D'autres journaux ont invité les internautes à voter, comme Time Magazine.

Résultats ? Les femmes plébiscitées vont des grands noms de l'Histoire du pays aux vedettes du show business : de Harriet Tubman, dite "Grand-mère Moïse", une esclave combattante de la liberté, à Hillary Clinton, en passant par Beyoncé ou encore Kim Kardashian.

Certaines ont plus de chance que d'autres d'apparaître sur le symbole de la puissance des États-Unis. Et pour cause, la loi américaine est stricte. Il faut remplir plusieurs conditions pour figurer sur le billet vert : être décédée, avoir joué un rôle dans l'Histoire du pays et pouvoir être reconnue par une grande partie des Américains.

Les femmes les plus plébiscitées pour apparaître sur les dollars américain




Questions d'image

Hasard du calendrier ? Toujours est-il que cet engouement médiatique tombe à pic. L'affaire de la lettre adressée à Lego a permis de redorer le blason de l'entreprise danoise, dans le collimateur de l'organisation écologique Greenpeace pour son partenariat de longue date avec le géant pétrolier Shell.

Côté billets verts, même coïncidence. Le débat autour de la place des femmes sur les coupures de banque intervient quelques mois après une polémique sur le retrait de la figure d'Andrew Jackson, 7e président des États-Unis, sur les billets de 20$. La raison ? Il est aujourd'hui mis en cause dans la déportation massive des populations indiennes, qui a causé la mort de nombre d'entre eux.

Deux fillettes à l'assaut des stéréotypes féminins
“Quoi que ce soit, c'est beau“Une publicité Lego datant de 1981 où figure une boîte unique,destinée aux filles comme aux garçons
Quelle évolution ?

Largement repris et diffusés sur la toile, ces coups médiatiques ont fait réagir les internautes et donné à certains l'occasion d'approfondir la réflexion.

D'abord sur les jouets Lego. Le nouveau kit scientifique à destination des fillettes n'est pas du goût de tous les parents. Quand certains considèrent la nouvelle gamme comme une manière de susciter des vocations chez les petites filles, d'autre y voient une distinction fille-garçon de plus. Un point de vue qui fait écho à un article publié dans la version québécoise du journal en ligne Huffingtonpost.ca. En janvier 2014, le journal a fait ressurgir une ancienne publicité sur son site : une affiche montrant une gamme Lego unisexe, destinée aux filles comme aux garçons. En comparaison, les nouveaux kits sont clairement plus marqués sexuellement. Il en va de même pour d'autres marques de jouets. L'article montre l'évolution des jouets, de plus en plus genrés tout au long de la seconde moitié du XX°siècle.

Même tendance sur le billet vert. Par le passé, des femmes figuraient sur la monnaie américaine. En 1886, Martha Washington, femme du premier président des Etats-Unis, apparaissait sur les certificats de dollar, échangeables contre des pièces d'argent. Près d'un siècle plus tard, Susan B. Anthony, militante américaine des droits civiques, figure sur les pièces d'un dollar à la fin des années 1970. Trente ans plus tard, c'est le tour de l'Indienne Sacagawea. Aujourd'hui, ces pièces n'ont plus cours.

Surfant sur la vague, Time Magazine en profite pour rappeler que les inégalités salariales hommes-femmes persistent aux États-Unis et qu'il reste encore beaucoup à faire pour les droits des femmes.
Deux fillettes à l'assaut des stéréotypes féminins
Seules deux femmes figurent sur des pièces de monnaie qui ne sont aujourd'hui plus fabriquées. A gauche, le visage de l'Indienne Sacagawea a été frappé en 2000. A droite, le visage de Susan B. Anthony, militante américaine des droits civiques est apparue à la fin des années 1970.