Fil d'Ariane
Mariage forcé, violence conjugale, viol, excision, harcèlement psychologique, sexisme au travail... autant de "maux" sur lesquels la slameuse et militante Diariata N'Diaye a voulu poser ses mots.
Pour elle, musique et militantisme ne font qu'un : « J’ai toujours pensé que quand on a un public et un micro, c’est important de raconter de vraies histoires. J’ai commencé à écrire à 11 ans et la scène à 15 ans. A cet âge, on raconte les histoires de filles, de ses copines, les siennes. »
Sa propre histoire l'a conduite à s'engager depuis plus de dix ans contre les violences faites aux femmes. Jeune, elle fuit sa famille d’origine sénégalaise qui veut la contraindre à un mariage forcé. Un épisode sur lequel elle ne souhaite pas s'appesantir.
Diariata N’Diaye, 34 ans, ne veut pas qu’on la résume à « une ancienne victime qui combat les violences ». « Tout est parti d’une chanson que j’ai écrite sur les mariages forcés, nous raconte-t-elle par téléphone, parce qu’il se disait quelque chose qui me dérangeait : " regardez ce côté sauvage des parents qui pratiquent le mariage forcé ". Alors que pour moi, il était important de rappeler que c’était culturel. Ce n’est pas une excuse mais c’est une circonstance atténuante. C’est ce qu’ils ont toujours connu et ils ne voyaient pas le mal ».
« Même si c’est un point de départ de mon combat, c’est surtout en croisant d’autres victimes qui ne s’en sont pas sorties comme moi et qui m’ont poussée à lutter. » Des filles de son quartier, d’autres membres de famille, des femmes rencontrées "au boulot", lui racontent leurs histoires qui nourrissent ses mots, ses chansons, son slam.
Après avoir monté un groupe de rap avec sa soeur « deux filles qui rapaient comme des filles sur des sujets de filles », elle fonde le groupe Dialem avec le guitariste Patrick Dethorey. Tous deux montent le spectacle "Des mots sur des maux" qu'ils jouent dans les établissements scolaires (collèges et lycées).
Elle raconte des histoires de violences quotidiennes « sans ajouter du glauque au glauque », mène des ateliers d'écriture ou participe à des débats sur les violences faites aux femmes. « Derrière chaque chanson, il y a quelqu’un. Elles racontent l’histoire de vraies personnes. » Et porte un message d'espoir, une solution d'aide possible pour les victimes.
Son engagement se prolonge grâce à l'association Resonantes qu'elle créé et une application "App-Elles" qu'elle participe à imaginer. « Je me suis rendue compte que les jeunes ne connaissaient rien aux violences ». Au début, elle distribue des petites cartes pour leur faire connaître les numéros d'aide. « En 2015, ce qui est efficace pour toucher les jeunes, c’est de faire une appli, de leur permettre d’appeler à l’aide d’autres personnes que les secours. En discutant avec des victimes de violences, je me suis bien rendue compte qu’elles n’appelaient pas la police et qu’elles ne portent pas plainte (seulement 19% des victimes font cette démarche, voir les chiffres officiels ci-dessous, ndlr) . C’est complètement fou de se dire que ces personnes sont complètement seules. »
En France, 225 000 femmes sont victimes des violences physiques et/ou sexuelles chaque année. Des actes perpétrés par leurs conjoints. Parmi ces victimes, seulement 19% d'entres elles portent plainte. En 2016, 123 femmes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire et 34 hommes. (Source : stop-violences-femmes.gouv)
L'application "App-Elles" « apporte une information complète, centralisée et vulgarisée, de manière simple et visuelle », résume Diariata N'Diaye.
Son utilisation est simple (voir vidéo ci-dessus enregistrée au CES de Las Vegas). Une touche « alerter » permet d'envoyer un signal à trois personnes référentes qui entendent en direct ce qui se passe et voit la localisation GPS de la victime pour lui venir en aide ou appeler les secours. La touche « en parler » permet d’entrer en contact avec toutes les associations et les structures présentes dans son département. Prochain objectif, enrichir cette partie en informations et l'étendre à d'autres pays. Enfin, la touche « informer » renvoie à des sites ressources d'associations existantes qui permettent d'en savoir plus sur les recours par exemple ou les démarches à suivre.
Aujourd'hui, elle vise à améliorer l'usage de l'application en développant un bracelet connecté qui permettrait d'alerter des personnes référentes sans passer par le téléphone. Mais pour cela, il faut des moyens financiers. Diariata N'Diaye a lancé une collecte pour concrétiser cette innovation.
A terme, elle aimerait que les premiers utilisateurs puissent financer ces bracelets afin d'en donner ensuite aux associations d'aide aux victimes de violence. Sensibiliser, accompagner, informer toujours et encore dans un seul but : que les victimes ne soient plus seules.