Disparition d'Annie Saumont, nouvelliste francophone

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Annie Saumont, disparue à l'âge de 89 ans, avait obtenu le Prix Goncourt 1981 de la Nouvelle.
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Annie Saumont, l’une des meilleures nouvellistes de langue française est morte mardi 31 janvier à l’âge de 89 ans. Auteure de plus de quarante recueils, elle avait reçu le Prix Goncourt de la nouvelle en 1981 avec Quelquefois dans les cérémonies.
Annie Saumont, petite dame discrète mais nouvelliste au talent incisif, s’est éteinte mardi à l’âge de 89 ans. Elle était une grande artiste de la forme brève, une forme qui n’a malheureusement pas la faveur des lecteurs francophones, sauf en traduction de l’anglais. Si elle avait signé d’un nom aux consonances anglo-saxonnes – Anny Saumonth, par exemple – disait d’elle le critique François Busnel dans «Lire», elle aurait eu droit aux premières places des pages littéraires, à l’égal d’un Carver, auquel on la compare souvent. Son talent a quand même été reconnu par le prix Goncourt de la nouvelle (que reçut aussi Corinna S.Bille) et plusieurs autres distinctions.

Chutes inattendues

Annie Saumont, qui ne savait pas parler de son art mais le pratiquait en maître, avait le génie des chutes inattendues, souvent d’une cruauté feutrée. Son regard était à la fois tendre et acéré. Et elle mettait au service de ses brèves histoires une écriture au scalpel, retravaillée jusqu’à l’épure. Elle aurait voulu étendre ses brefs récits jusqu’au roman, mais force lui était de constater, au bout de cinq pages, que c’était fini. Les titres de ses nombreux recueils (presque tous chez Juillard) sont à eux-mêmes de petits chefs-d’œuvre: «Si on les tuait?», «Les voilà quel bonheur», «C’est rien ça va passer», «Moi les enfants j’aime pas tellement», «Qu’est-ce qu’il y a dans la rue qui t’intéresse tellement?».

En France, notre confrère Télérama lui rend un bel hommage : "il fallait voir ses manuscrits ! Des pages écrites à la main, serrées, réécrites encore et encore avant de passer par la case ordinateur. Puis retravaillées à nouveau. Annie Saumont construisait ses nouvelles avec une précision de couturière. Elle avait un sens de la ponctuation qui transformait sa phrase, lui donnait de l’air, du souffle, du chaloupé". Dans le Monde, la journaliste Josyane Savigneau nous confie : "Quand on rencontrait Annie Saumont, on était d’abord étonné que cette femme de petite taille et d’apparence frêle écrive une œuvre aussi radicale : des textes très brefs, percutants, s’attachant aux détails et aux incidents de la vie qu’on essaie souvent d’ignorer, de peur d’en être affecté".

Annie Saumont était une grande voyageuse, mais ses nouvelles parlaient de la vie quotidienne, celle des villes et des banlieues.

 
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Elle a aussi mis son art des dialogues et de la langue parlée au service des auteurs de langue anglaise: on lui doit la nouvelle traduction de «L’Attrape-cœur» de Salinger.

Dans son dernier recueil, Le tapis du salon paru en 2012, elle part d'un fait divers ou d'une anecdote, et croque ses antihéros au moment ou leur vie bascule. Un kidnappeur apprivoisé par sa victime, un garçon ne lâchant jamais la main d'un frère imaginaire, une mère sans scrupules volant son fiancé à sa propre fille, un frère follement amoureux de sa soeur handicapée, un poète en herbe mort d'avoir plongé d'une falaise à marée basse...

Chacune de ses nouvelles est comme un détail d'un même tableau, formant une peinture de société sombre, implacable et poignante.

Annie Saumont invitée de La Grande Librairie, France 5, le 19 janvier 2012.