C'est une enfant du cinéma qui vient de nous quitter. Tonie Marshall, fille de la comédienne, Micheline Presle, aujourd'hui âgée de 97 ans, et du producteur, américain, William Marshall. C’est son agente, Elisabeth Tanner, qui a annoncé la triste nouvelle ce jeudi 12 mars 2020 à
l’AFP, précisant que la cinéaste de 68 ans est morte "ce matin des suites d’une longue maladie".
Tonie Marshall reste à ce jour la seule femme à avoir été récompensée aux César par le trophée de la meilleure réalisation. C'était en 2000, pour son film
Vénus beauté (institut), une oeuvre chorale féminine avec Audrey Tautout, Mathilde Seigner, Bulle Augier et en tête d'affiche Nathalie Baye. Et dans le rôle principal masculin Samuel Le Bihan. Outre la réalisation, ce film remporte trois trophées : scénario, meilleur film, et meilleur espoir féminin à Audrey Tautou.
C'est devant la caméra que Tonie Marshall démarre sa carrière en 1972. Elle enchaîne les rôles notamment dans
L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la Lune de Jacques Demy et surtout dans
Les Sous-doués de Claude Zidi. Elle joue aussi dans les feuilletons cultes des années 1980
Merci Bernard et
Palace. La comédienne se lance ensuite dans la réalisation en 1989 avec
Pentimento. Suivront
Pas très catholique (1994) et
Enfants de salaud (1996), tous les deux avec son actrice fétiche et amie Anémone
.Lors d'un entretien dans le
NouvelObs, Tonie Marshall avouait avoir
"eu un peu peur de ne pas y arriver. (...) Parce que j’étais une petite actrice, que je n’avais pas fait d’école, que je n’avais pas de technique (...) Mais j’ai trouvé un réalisateur qui m’a fait confiance et j’ai appris.""J’ai toujours aimé les femmes, mais je ne me suis jamais dit que j’étais féministe jusqu’à très récemment", déclarait-elle dans
Le Temps, lors d'une interview accordée en 2017, à l'occasion de la sortie de son dernier film
Numéro Une, qui
raconte l'ascension de la première femme Pdg d'une société du CAC 40, incarnée par Emmanuelle Devos.
"C’est un métier artistique, on ne peut pas 'genrer' les films. Je ne veux pas qu’on dise que je fais des films de femmes. Et je vois des remarquables portraits de femmes faits par des hommes.", ajoutait-elle.
"Plus je montre mon film, plus je constate toutefois à quel point les obstacles que rencontre ma protagoniste, Emmanuelle, sont répandus : dans une petite entreprise du bâtiment, au fond, c'est pareil. Au travail, les femmes subissent une méfiance sexiste très ancrée. Or, je suis persuadée que si elles arrivaient en nombre à la tête des entreprises de toutes tailles, ce serait extrêmement intéressant, car nous n'avons pas tout à fait la même façon de penser, de négocier, de se projeter, les mêmes symboles", expliquait-elle dans
La Tribune, au moment de la promotion du film.
La cinéaste avait aussi réagi aux
révélations d'Adèle Haenel, fin 2019. "
Ce qui m'a beaucoup frappée c'est l'omerta. Adèle Haenel est la première à parler et je ne comprends pas pourquoi les hommes ne s'emparent pas de cette parole", déclarait-elle sur France Inter. "
Vous vous rendez compte de la force qu'aurait un collectif ou une tribune d'hommes qui disent 'nous, on n'est pas des tripoteurs, on n'est pas des violeurs.'"
Cinéaste engagée pour les femmes
En 2018, la cinéaste rejoint le mouvement de lutte contre les violences faites aux femmes,
la Fondation des femmes. Pour marquer son engagement au sein de la campagne #MaintenantOnagit, elle arbore symboliquement, un ruban blanc lors de la cérémonie des César.
Jointe par Terriennes, Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes lui rend hommage
: "Elle a été la première à nous suivre, un immense soutien pour nous, c'était une personne très attachante. Perdre une femme grande artiste, qui avait cette générosité en elle. Moi je ne l'ai connue que féministe ! Elle a immédiatement soutenu la Fondation des femmes et la campagne #Maintenant, on agit. Il n'y avait pas d'ambiguité. En tout cas, j'ai senti chez elle une vraie volonté d'être utile, comment on agit dans cette ère post-Metoo. La première rencontre a eu lieu avec Julie Gayet. Elle a mis son réseau à notre service pour collecter des fonds et payer des services juridiques pour aider toutes ces femmes. Extrêmement disponible, elle a mis son image et sa notoriété au service des femmes. Dès qu'elle le pouvait, elle était là. Je lui dois beaucoup." Tonie Marshall a signé une quinzaine de films pour le cinéma, ainsi que des téléfilms et mis en scène plusieurs pièces de théatre.
Comme un message adressé aux jeunes filles qui avaient vu son dernier film, elle confiait :
"si on en sort en se disant 'ça m'a donné envie', c'est le bonheur absolu".