Fil d'Ariane
Des dernières nouvelles du jour aux sources de cette guerre, on lance un stream à 17h30 pour répondre à toutes vos questions avec @iouliashukan, experte de l'Ukraine. On sera aussi avec les envoyés speciaux de @franceinfo @radiofrance sur le terrain https://t.co/y5hKgSePFR pic.twitter.com/eKYm2curUF
— Jules de Kiss (@JulesDeKiss) March 2, 2022
Suite à cette remarque de ma collègue @FMatonti, un petit commentaire.
— Anna Colin Lebedev (@colinlebedev) February 25, 2022
Il y a dans le paysage académique des études post-soviétiques une division genrée assez claire des compétences. Autour de deux lignes grosso modo: 1/6 https://t.co/BB6rE8FYNe
Spécialiste de l'Ukraine et de la Russie post-soviétique, chercheuse à l’Institut des sciences sociales du politique et maîtresse de conférences à Paris Nanterre, Anna Colin Lebedev propose son éclairage à cette division genrée des domaines d'expertise.
Terriennes : d’où vient cette division genrée des thématiques ?
Anna Colin Lebedev : elle se retrouve de manière générale dans les sciences sociales. Géopolitiques, relations internationales et autres domaines régaliens sont plus masculins ; tandis que les sujets de société sont plus féminins.
Cette répartition genrée remonte à une distribution inégale des ressources, même si cela est moins visible dans un pays comme la France, où il y a moins de ressources à distribuer que dans d’autres pays et où, à l’université, les positions de pouvoir ne sont pas vraiment des positions de pouvoir. Les métiers de recherche qui se dégradent en termes de prestige, de visibilité et de finances se féminisent.
Appliqué aux études postsoviétiques, ce phénomène rejoint la question des études centrales et périphériques : comme les études russes sont davantage dotées que les études ukrainiennes, moldaves ou biélorusses, il est logique qu’elles reflètent la division genrée des spécialités et qu'elles soient davantage investies par des femmes.
#Sociologie Guerre en Ukraine : les sciences sociales mobilisées: Un mois après le lancement de l'offensive russe sur l'Ukraine, trois chercheuses en sciences sociales – Anna Colin Lebedev, Ioulia Shukan et Clémentine Fauconnier – se… https://t.co/LT7QFLvHH2 @franceculture pic.twitter.com/awh73mjJO5
— IziBook (@IziBook) March 26, 2022
Pourtant, dès que l'Ukraine devient centrale, les plateaux de télévision restent parfois très masculins...
A nous, chercheuses, cela pose surtout la question de la domination de la géopolitique sur nos analyses des sociétés postsoviétiques. Certes, la grille de lecture géopolitique est la plus facile. Elle est aussi celle qui est la plus m’as-tu-vu car elle s’appuie sur des généralités et des concepts lourds, comme "l’Otan" ou "les puissances". Dans les médias, nous bataillons moins en tant que femmes qu’en tant que spécialistes des sciences sociales face à la grande géopolitique. Et pourtant, ce sont les sciences sociales qui éclairent l’arrière-plan.
La différence ou la similitude genrée n’est ni un handicap, ni un atout, c’est un outil.
Anna Colin Lebedev
Sur les plateaux, parmi les personnes qui viennent parler de politique internationale, les hommes sont surreprésentés et les livres d’analyse géopolitique sur la recomposition des équilibres mondiaux sont beaucoup signés par des hommes. Mais c’est une question de pertinence de cadrage – géopolitique contre sociale - davantage qu’une question genrée.
Affaires militaires et géostratégie : deux hommes sur le plateau de TV5MONDE.
Le général Vincent Desportes, ancien directeur de l'Ecole de guerre, et le géostratège François Heisbourg dans le 64' .
Comment gérez-vous la situation face à des interlocuteurs uniquement masculins, des militaires, par exemple ?
J’ai beaucoup travaillé sur les questions liées au militaire, sur les combattants et les anciens combattants. Conduire un entretien avec un ancien combattant ou une association d’anciens combattants, alors qu’on est une femme, jeune, qui plus est, ca oblige à poser les questions d’une certaine façon, mais ça permet aussi d’avoir accès à certains thèmes auquel un homme ne pourrait pas avoir accès. La différence ou la similitude genrée n’est ni un handicap, ni un atout, c’est un outil.
Face à des experts militaires, sur un plateau de télévision, je suis ravie. Ils ont la compétence pour évaluer la configuration armée, ce que représente chaque arme, quel entraînement il faut pour les manier. Ce sont des spécialistes qui m’apportent un savoir que je n’ai pas et à qui j'apporte un savoir qu’ils n’ont pas.
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