Fêter son divorce est en passe de devenir tendance côté femmes en Arabie Saoudite. Même si les Saoudiennes n'ont encore le droit d'en être à l'initiative... qu'avec le consentement de leur mari. A moins qu'elles puissent prouver des maltraitances de leur époux. Ou encore leur rembourser leur dot. Mais être divorcée ne signifie plus être socialement rabaissée. Gros plan sur ces désunions heureuses.
Si elles n'ont toujours pas le droit de demander la séparation conjugale, les Saoudiennes prennent de plus en plus celui de faire la fête quand cela arrive. Le quotidien anglophone saoudien Arab News, lu surtout par l'élite occidentalisée nous signale même que ces réjouissances sont en passe de devenir tendance dans le Royaume wahhabite, l'un des pays les plus conservateurs pour ce qui est des moeurs, siège de La Mecque, haut lieu de l'Islam.
D'après le journal, c'est en 2017, décidément cette année si particulière où les femmes ont commencé à tout osé partout sur la planète, que les Saoudiennes ont décidé qu'être divorcée, répudiée, reléguée, n'était plus un drame. Ce qui explique aussi que les procédures de séparation aient considérablement augmenté cette dernière décennie.
En Arabie Saoudite, 50% des unions s'achèvent en divorce
C
ourrier International nous apprend que l’Arabie saoudite détient même une sorte de record en la matière, puisqu’on y divorce toutes les vingt minutes : «
Au cours de l’année 1432 de l’Héjire, correspondant approximativement à l’année 2011, il y aurait eu 34 622 séparations pour 162 880 mariages, dont 86% par répudiation de la femme, 4,2% sur demande de l’épouse et le reste par annulation pour d’autres motifs. Toutefois, des sociologues saoudiens évoquent souvent un taux de divorce beaucoup plus élevé encore, atteignant les 40% voire 50%. »
La stigmatisation attachée aux femmes en Arabie Saoudite, celles dont le mariage a pris fin, a presque été éradiquée, et le taux de divorce continue à progresser lentement mais sûrement. Dans le passé, les divorcées étaient marginalisées, présumées stériles aux yeux de tous, et considérées comme inaptes à se remarier. Désormais, elles peuvent marcher tête haute dans la rue, sans avoir à s’inquiéter de la façon dont la société les perçoit, et elles peuvent facilement se remarier si elles le souhaitent.
"Le soulagement d'être enfin débarrassée de lui"
Et même, ces derniers temps, les célébrations de ces événements sont même devenus très tendance. Ainsi Amani Al-Ghoraibi, étudiante en maîtrise à l'Université du roi Abdulaziz (à Djeddah), a raconté à Arab News la fête de divorce à laquelle elle a assisté. "
Il s'agissait de ma tante. Elle s'est sentie soulagée après la fin des procédures judiciaires et que les papiers en règle lui sooient envoyés. Sans parler du soulagement d'être enfin débarrassée de lui. Elle a loué un bungalow dans un centre de villégiature et a invité toute la famille à y rester quelques jours. Il y avait un festin de rôti de chèvre et nous avons apporté un gros gâteau."
Doaa Abdullah avait 13 ans quand sa mère et son père se sont séparés. "
Je me souviens que je me sentais choquée à l'époque... Et ma mère a organisé une grande fête avec un DJ et tout ça, et elle a invité tous ses amis et parents. Quand le moment est venu de couper le gâteau, j'étais heureuse de l'aider. Elle essayait d'obtenir le divorce depuis des années et quand cela est enfin arrivé, elle a ressenti le besoin de célébrer cette victoire."
Elle avait beaucoup souffert entre les mains de mon père et était maltraitée... Quand elle s'est rendue compte de ce qui se passait, elle était sans voix, et la voir heureuse me rendait heureuse aussi
Mohammed Adel, fils de divorcée heureuse
Mohammed Adel a raconté, pour sa part, à Arab News comment ses oncles se sont réjouis avec sa mère Fatima, lorsqu'enfin la cour l'a autorisée à quitter légalement son mari par la voie du "khul'". Le "Khul'" permet aux femmes, en dernier recours si le cadi (juge) a refusé de reconnaître la faute de l'époux, d'obtenir la dissolution de leur mariage en échange de la restitution de leur dot. "
Mes oncles et ma famille sont venus la chercher au tribunal et lui ont dit qu'ils l'emmenaient pour célébrer son khul'. Ils ont fait cela pour lui montrer qu'elle n'était pas seule et qu'il y avait autour d'elle des gens qui lui tiennent profondément à cœur. Elle avait beaucoup souffert entre les mains de mon père et était maltraitée. Il voulait même l'empêcher de nous voir. Quand nous sommes arrivés au restaurant et qu'elle s'est rendue compte de ce qui se passait, elle était sans voix, et la voir heureuse me rendait heureuse aussi."
Femmes célibataires épanouies à l'envers du mythe de la polygamie éternelle des maris
Des femmes épanouies, heureuses d'être enfin loin de leur tyran, les témoignages abondent. Parce qu'en Arabie Saoudite, ce sont toujours les hommes qui peuvent décider du sort de leurs épouses (en principe, ils peuvent en avoir jusqu'à quatre), et cela unilatéralement. Le divorce unilatéral et sans cause leur permet cependant de multiplier les unions, et de connaître les joies d'une polygamie exponentielle. En août 2017,
un autre quotidien saoudien, El Watan, énumérait les motifs les plus étonnants invoqués par les maris pour obtenir la répudiation : l’un n’a pas supporté que sa femme oublie de remettre une tête de mouton sur un plat servi aux invités. Un autre Saoudien a été stupéfait que son épouse le devance en marchant. Un sujet du royaume a été rebuté au cours de la lune de miel, parce que son épouse portait un bijou sur sa jambe. Une femme qui a enfreint la règle selon laquelle elle ne devait voir ses parents qu’avec la permission du mari a été aussitôt répudiée par celui-là. Ou encore ce Saoudien a obtenu le divorce parce que sa femme l'a pris par la main.
Pendant ce temps, les épouses, filles, mères, à défaut de travailler, s'adonnent enfin aux délices du célibat...
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