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Finalement graciée. Le président François Hollande l'annonçait le 28 décembre 2016 sur son compte Twitter : Jacqueline Sauvage obtient la grâce présidentielle totale et donc sa libération de prison.
Dans un communiqué de l'Elysée, il a été précisé : "Le Président de la République a estimé que la place de Madame Sauvage n’était plus aujourd’hui en prison, mais auprès de sa famille." Son avocate s'est dit "terrassée par la joie et l'émotion". Ce dénouement survient après des mois de lutte de son avocate, de ses proches et de ses soutiens.
J'ai décidé d'accorder à Jacqueline Sauvage une remise gracieuse du reliquat de sa peine. Cette grâce met fin immédiatement à sa détention.
— François Hollande (@fhollande) December 28, 2016
"Jacqueline Sauvage est décédée le 23 juillet à son domicile de La Selle-sur-le-Bied", écrivaient nos confrères de la République du Centre. "Ses obsèques se sont déroulées, mardi 28 juillet, dans la plus stricte intimité." Et d'ajouter : "Son décès a été confirmé en fin de matinée de ce mercredi 29 juillet, par l'une de ses deux avocates, Me Nathalie Tomasini [...] Respectant le souhait des proches, Me Tomasini n'a pas souhaité révéler les circonstances du décès."
Son avocate Nathalie Tomasini confiait alors : "Elle a beaucoup souffert de la médiatisation. Cela a été également très violent. Une violence de plus. Après les violences conjugales, après les violences judiciaires, il y a eu la violence de la médiatisation. Je pense que là, ces quelques années, elle a trouvé la sérénité qu'elle attendait."
Un téléfilm (Jacqueline Sauvage : c'était lui ou moi) adapté de son livre (Je voulais juste que ça s'arrête, écrit en collaboration avec ses deux avocates Janine Bonaggiunta et Nathalie Tomasini), avait été diffusé sur TF1, réunissant 7,67 millions de téléspectateurs. C'est l'actrice Muriel Robin qui l'incarnait à l'écran, "Je l'ai rencontrée pour lui dire 'On est là, ça continue, on fait passer le message'" avait confié la comédienne dans les médias.
Partiellement grâciée, en janvier 2016, elle était restée en prison, après près de quatre ans de détention. Premier rejet de liberté conditionnelle en août 2016. Deuxième refus, le 24 novembre, une date bien choisie, à la veille de la journée internationale pour l'élimination des violences faites aux femmes.
De quoi les juges avaient-ils peur ? Que Jacqueline Sauvage, à peine sortie, s'empare une nouvelle fois d'un fusil pour aller exécuter un autre mari violent, dans ce joli et tranquille Gâtinais où elle vécut toujours ? Mais alors sera-t-elle moins dangereuse dans deux ans après avoir effectué sa peine que maintenant ?
A moins que les magistrats, cette fois encore, ne supportaient ni la pression de la rue, ni le "bruit médiatique" et peut-être encore moins l'intrusion d'un chef de l'Etat dont les propos peu amènes à leur égard en ont fâché plus d'un.
Ce qui est devenu "l'affaire" Jacqueline Sauvage oppose le droit, l'émotion et la morale, d'où qu'on la regarde.
Certes dans le crime commis par Jacqueline Sauvage, il reste des zones d'ombre, sur l'enchaînement des faits, sur la précision du tir, sur son état psychique ce jour de septembre 2012 où elle tua son mari. Mais d'un procès à l'autre, en octobre 2014 devant la Cour d'assises d'Orléans puis en appel en décembre 2015 devant celle de Blois et la confirmation de la condamnation à 10 ans de réclusion, la violence conjugale, familiale, dont cette ouvrière, malmenée dans son enfance comme dans sa vie d'adulte, et ses filles furent victimes 47 ans durant, n'est plus mise en question, même par ses plus farouches détracteurs. Ces faits répétés 47 ans durant, c'est aussi ce que l'on appelle, en droit pénal, des "circonstances atténuantes".
Retrouver le déroulé de l'affaire Jacqueline Sauvage dans Terriennes :
> Jacqueline Sauvage, meurtrière devenue icône de la lutte contre les violences conjugales
D'ailleurs, ce n'est pas en raison de l'imprécision des faits que les magistrats de la Cour d'appel de Paris ont refusé la nouvelle demande de libération conditionnelle de Jacqueline Sauvage, après le refus de celle de Melun. Les uns après les autres, les juges se répètent : ils reprochent à Jacqueline Sauvage "de ne pas assez s'interroger sur son acte" et estiment qu'elle ne pouvait "prétendre vivre à proximité des lieux des faits, dans un environnement qui, compte tenu des soutiens dont elle bénéficie et de la médiatisation des faits, risquerait de la maintenir dans une position victimaire". Comprenne qui pourra...
Le parquet avait aussitôt décidé de faire appel. "Epuisée de l'acharnement judiciaire à son encontre", Jacqueline Sauvage a renoncé à se pourvoir contre le rejet de sa demande de libération conditionnelle. Carole Marot, l'une des filles de Jacqueline Sauvage a expliqué : "Ma mère ne croit plus en la justice. Elle n'en peut plus de se justifier sans arrêt.".
Du fait des réductions de peine automatiques, cette femme de 70 ans, malgré la grâce partielle accordée par François Hollande, ne pourra sortir qu'en 2018. D'autres veulent aller plus vite : son comité de soutien en appelle une nouvelle fois au président de la République française pour qu'il décide cette fois d'une grâce complète. Cette demande, elles/ils la crieront haut et fort dans les rues de Paris et d'ailleurs, le samedi 10 décembre 2016.
La veille de cette manifestation, la demande de grâce totale a été transmise à la Chancellerie. "Elle doit rendre un avis et le président prendra sa décision sur cette base-là", a-t-on précisé dans l'entourage de François Hollande.
Il y a quelque chose de politique dans tout ça et cette femme en fait les frais
Annie Duperey, comédienne
Dans la foule, des anonymes et aussi des vedettes. Stupéfaits de ce qu'elles/ils désignent comme un acharnement judiciaire, après la décision du 24 novembre. A commencer par la populaire comédienne Annie Duperey, l'une de ses défenseures de la première heure.
Ou comme la non moins célèbre chanteuse Véronique Sanson, autre voix forte de la cause de Jacqueline Sauvage qui demande sa libération immédiate via son compte twitter .
Francois Hollande: Libération immédiate de Jacqueline Sauvage - Signez la pétition! https://t.co/oBNTuAXxk5 via @ChangeFrance
— Veronique Sanson (@SansonOfficiel) 30 novembre 2016
Certain-es ont pris le contre-pied, au nom du Droit, sacré à leurs yeux, et qui est pourtant loin d'être une science précise. Celles-là (et ceux-là) continuent à ne pas comprendre cette défense-là de cette femme-là. Comme Yaël Mellul, qui se présente sur son blog "professionnelle du Droit et militante féministe" et qui accuse les partisans de la libération de Jacquelines Sauvage de "manipulation politique", en usant elle même... d'arguments politiques. A savoir qu'en ces temps troublés, il ne faut pas embêter les juges : "En une période où les policiers, dépositaires de la force publique, demandent une réévaluation de la notion de légitime défense dans le cadre d'une intervention, il n'est ni sain ni raisonnable de soulever la notion fumeuse de "présomption de légitime défense" pour les femmes victimes de violences. (.../...) Espérer créer un droit spécifique pour ces crimes, les sortir du droit commun, c'est encore une fois rompre l'unité nationale et ignorer le principe de l'égalité des citoyens face à la Loi. Et les femmes sont citoyennes à part entière ! (.../...) Enfin, je vais me permettre d'affirmer ici que Jacqueline Sauvage est victime d'une autre forme de violence, celle de n'être plus considérée que comme un objet de militantisme."
Jacqueline Sauvage : victime ET coupable. https://t.co/h9nXMMp0mR
— Yael Mellul (@_Yael_Mellul) 5 décembre 2016
Mais d'autres "professionnels du droit" voient la justice autrement, comme une sorte de loterie à laquelle des femmes perdent et d'autres gagnent, selon les juges et les lieux des jugements. Tel Alain Houpert, sénateur "Les Républicains" (droite) de la Côte d’Or (Bourgogne).
La justice française est curieuse : Jacqueline Sauvage n’est toujours pas libérée et la mère de Fiona n’a eu que 5 ans…Je ne comprends pas !
— Alain Houpert (@alainhoupert) 29 novembre 2016
Militante féministe, Karine Plassard fut de celles qui ont organisé la mobilisation dès la confirmation de la condamnation en appel. Elle a lancé la première puis la deuxième pétition, l'une avant et l'autre après la grâce partielle présidentielle. La première initiée en décembre 2015 avait recueilli 436 000 signatures en quelques jours pour obtenir la grâce. La deuxième, en ligne depuis août 2012, toujours adressée au président François Hollande, a dépassé les 332 000 soutiens. Entretien avec la cofondatrice de l'antenne de l'association "Osez le Féminisme" à Clermont-Ferrand (centre de la France).
Les juges refusent de reconnaître que ces femmes sont en danger de mort, qu'elles vivent en sursis.
Karine Plassard, militante Osez le féminisme
Vous pouvez suivre Sylvie Braibant sur twitter