Donald Trump désavoué par la justice sur le bannissement des réfugiés : Ann Donnelly, le juge est une femme

Est ce un hasard ? Alors que dès le lendemain de l'investiture de Donald Trump, les Américaines prenaient l'initiative de la résistance au du nouveau président républicain, c'est une femme, juge fédérale de l'Etat de New York qui se dressait contre l'un de ses premiers décrets : l'interdiction de territoire à des réfugiés de sept pays musulmans. Et à sa suite deux autres femmes.
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Ann Donnelly
Une manifestante brandit le dimanche 29 janvier 2017 une pancarte où elle salue la juge qui a osé défier le président Donald Trump sur l'interdiction du territoire américains aux ressortissants de sept pays musulman, y compris à ceux déjà aux Etats-Unis : « Merci juge Ann Donnelly pour avoir permis ces séjours d’urgence ! » 
AP Photo/Kathy Willen
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Jusqu'au 29 janvier 2017, son visage n'était pas le plus connu des juges aux Etats-Unis. Et pourtant, il va falloir désormais "« s’en souvenir, ainsi que de son nom. Merci Juge Ann Donnelly pour avoir dit non au #MuslimBan » (bannissement des musulmans), comme le lance sur twitter le bloggeur Bill Marler.


Le Washington Post a voulu en savoir plus sur cette "toute fraîche juge fédérale qui a stoppé le bannissement des réfugiés exigée par Trump - pour sauver un Syrien". Le quotidien américain nous apprend qu'elle a dû attendre plusieurs mois dans une antichambre, le temps de convaincre le Sénat que sa nomination comme Juge fédérale par Barack Obama, était une bonne idée. Sont-ils si contents aujourd'hui ces membres de la chambre haute du Congrès américain, majoritairement républicains, donc du parti de Mr Donald Trump, frais président des Etats-Unis, encore plus "bleu" dans sa fonction que Ann Donnelly dans la sienne ? Ou bien, pensent-ils tout bas, qu'elle est en train de sauver l'honneur des parlementaires états-uniens ? Le New York Times rend hommage lui aussi à cette "ferme boussole morale" dans la tempête déclenchée par un Donald Trump pressé.

Un peu condescendant malgré le ton qui se veut flatteur, le Washington Post nous apprend donc qu'entre le choix de Barack Obama de la désigner à la fonction de juge fédérale des États-Unis auprès de la United States District Court de l'Eastern District of New York (EDNY), en remplacement de la juge Sandra L. Towne, et sa prise de fonction effective, il se sera déroulé plus d'une année, pour des raisons techniques principalement, mais aussi de suspicion, plus ou moins avouée, des sénateurs à l'encontre d'une femme, désignée par un président démocrate.
Quand le grand jour est arrivé, le 22 janvier 2016, elle est tellement fière qu'elle a convoqué toute sa famille, ce qui, paraît-il, est assez inhabituel.... Ce 22 janvier 2016, dans son discours d'introduction, elle remerciait sa mère, son père défunt, son époux Michael, sa soeur Sarah et son frère Thomas, ses deux filles, et quelques autres, tous présents, même par l'esprit. Quand on lit ça, on se demande : mais qu'est ce qui leur prend aux journalistes d'en faire une sorte de bécasse qui soigne le culte de la famille ?

En lisant la suite, on comprend enfin : c'est que un an plus tard; le 28 janvier 2017, alors qu'elle prenait ses fonctions quotidiennes dans son tribunal de Brooklyn, des familles entières pleuraient, criaient dans les aéroports de tout le pays. Des épouses, des mères, des soeurs, des frères, comme celles et ceux dont cette juge intègre est si fière, et qui ne pouvait pas ne pas les entendre.

Ann Donnelly réunissait aux yeux de Barrack Obama tous les critères pour faire une excellente juge fédérale. Née en 1959 dans le Michigan (Nord des Etats-Unis), elle est sortie avec le titre de docteur en droit de l'un des plus prestigieux établissement américain en ce domaine : le Moritz College de l'université de l'Ohio. Elle mène ensuite une carrière de procureur rigoureuse, précise, dans des domaines aussi variés que la criminalité économique,  les relations familiales ou le tout venant pénal. Dont les cas d'abus sexuels. 

L'une des choses les plus difficiles pour un juge est de choisir de mettre ou pas quelqu'un en prison
Ann Donnelly, juge fédéral

L'une des affaires qui l'ont rendue, un peu, célèbre, est celle d'un "trader" qui menait sa vie comme il conduisait ses affaires, au rythme infernal des variations spéculatives des marchés financiers. Pour relâcher la pression, il n'avait rien trouvé de mieux que de conduire à des vitesses folles sur l'un des périphériques de New York, en filmant ses exploits, au risques mortels pour les autres et pour lui-même, pour ensuite poster les vidéos sur les réseaux sociaux. 
 
Une de ses condisciples à l'université se souvient qu'elle se défendait bien dans le club de théâtre mais qu'elle était aussi plus intellectuelle que les autres et surtout qu'elle avait un don certain pour l'éloquence, un atout quand on veut intégrer la justice.
 

C'est exactement le genre de juge devant laquelle nous voudrions tous comparaître
Daniel J. Horwitz, avocat

Un ami de ses parents la décrit comme une personne attentionnée et compassionnelle, peut-être ce fameux "care" (le prendre soin) que l'on attribue au genre féminin. Lors de son discours d'investiture comme juge fédéral, elle avait lancé aux sénateurs que "l'une des choses les plus difficiles pour un juge est de choisir de mettre ou pas quelqu'un en prison". Elle préférait toujours prévenir, éduquer plutôt que condamner, en particulier lorsqu'elle avait affaire à des adolescents. 
 
Un avocat qui a lui a été confronté dit d'elle : "c'est exactement le genre de juge devant laquelle nous voudrions tous comparaître."

Le temps des rebelles

Ce 28 janvier 2017, en disant que si elle en "sauvait un seul", ce serait déjà ça, la juge Ann Donnelly a donné un coup d'arrêt temporaire à l'expulsion de Syriens (une partie seulement du décret Trump), que les tantes mères nièces enfants pères tentaient désespérément d'accueillir ou de retenir.
Temporaire donc, et partiel. Mais elle fait des émules : immédiatement à sa suite, la juge Léonie Brinkema en Virginie prenait exactement la même mesure pour l'aéroport international de Dulles. Là aussi, le juge est une femme. 
"Merci Juge Donnelly !! Vous venez de renforcer la Constitution aujourd'hui et l'Amérique vous remercie !!" peut-on lire sur les réseaux sociaux.

Sally Yates, haute fonctionnaire, virée pour "trahison"

Au lendemain de cette fronde judiciaire, la ministre de la Justice par interim, une femme encore, demandait aux procureurs de ne pas défendre le décret dit #MuslimBan. Nommée par Obama, elle assurait la transition en attendant la confirmation par le Sénat du nouveau locataire du ministère. 

Empêché de sanctions contre les juges rebelles (on ne plaisante pas, en tout cas pas encore, avec la séparation des pouvoirs aux États-Unis), Donald Trump a immédiatement viré l'insoumise de l'exécutif. Avec ce commentaire :  "Sally Yates, faible sur les frontières et très faible sur l'immigration illégale a trahi le département de la Justice en refusant d'appliquer un décret destiné à protéger les citoyens des Etats-Unis"

La fonctionnaire sanctionnée avait expliqué : "j'ai la charge de m'assurer que les décisions prises restent cohérentes avec l'obligation de cette institution de toujours chercher la justice et de défendre ce qui est juste."

"En virant Sally Yates, Trump dit qu'elle trahit le ministère de la Justice. D'autres diront qu'elle est une patriote." a écrit ce twitteur infatigable.

Suivez Sylvie Braibant sur Twitter @braibant1