Droit à l'avortement : des avancées au Guatemala et au Chili

Le droit à l'avortement poursuit son avancée sur le continent sud-américain. Le parlement du Guatemala a décidé d'annuler sa loi controversée qui prévoyait des peines de prison pour une femme qui avorterait. Au Chili, la dépénalisation de l'IVG a été intégrée au projet de future Constitution, qui sera soumise au vote début septembre. 
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Des manifestant-e-s protestent devant le Congrès pour réclamer l'annulation du décret 5272 qui durcissait la législation réprimant l’avortement et interdisant le mariage homosexuel, le 12 mars 2022 à Guatemala city.
©AP Photo/Moises Castillo
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Dans le sillage de la Colombie et après l'appel officiel et mondial lancé par l'Organisation mondiale de la santé à l'occasion du 8 mars, deux pays d'Amérique du sud s'engagent de différentes manières, en faveur du droit à l’avortement.

Tout juste une semaine après l’avoir adopté, le Parlement du Guatemala fait marche arrière en enterrant, mardi 15 mars 2022, un projet de loi controversé qui durcissait la législation réprimant l’avortement et interdisant le mariage homosexuel. Le projet de texte prévoyait des peines allant jusqu’à dix ans de prison pour une femme qui avorterait et modifiait le Code civil pour interdire expressément le mariage entre deux personnes du même sexe. Des "groupes minoritaires" proposent "des normes de conduite […] contraires à l’ordre naturel du mariage et de la famille", menaçant l’équilibre moral de la société, avançait le texte.

Le président conservateur Alejandro Giammattei lui-même a demandé au Parlement de renoncer à cette législation, après s’être pourtant félicité de voir la ville de Guatemala déclarée "Capitale Pro-Vie d’Amérique latine" par un groupement religieux d’inspiration évangélique opposé à l’avortement.

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"Guatemala city, capitale pro-vie d'Amérique latine" lit-on sur cette bannière déployée devant le Palais national au moment où le projet de loi était abrogé. 
©AP Photo/Moises Castillo

La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a salué la décision de retirer le projet de loi, jugeant que celui-ci méconnaissait "les principes d’égalité et de non-discrimination essentiels au vu du droit international".

La loi actuellement en vigueur  au Guatemala réprime toujours l’avortement avec des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. L’interruption volontaire de grossesse n’est autorisée que si la vie de la mère est en danger. Le Code civil, de son côté, stipule que le mariage est l’union "entre un homme et une femme".

L’IVG dans le projet de nouvelle Constitution chilienne

Le même jour, la Convention constitutionnelle du Chili, chargée de rédiger une nouvelle Constitution pour remplacer l’actuelle héritée de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), a approuvé une disposition autorisant l’interruption volontaire de grossesse.

Avec 108 voix pour, 39 contre et 6 abstentions, l’Assemblée constituante a approuvé la deuxième clause de l’article sur les droits sexuels et reproductifs, qui stipule que l’Etat doit assurer "les conditions d’une grossesse volontaire et protégée, d’une interruption volontaire de grossesse, d’un accouchement et d’une maternité". "Ainsi, elle garantit son exercice sans violence ni ingérence de tiers, qu’il s’agisse d’individus ou d’institutions", ajoute le texte.

Le droit à l’avortement doit faire partie du projet de nouvelle Constitution qui doit être présenté par la Convention constitutionnelle avant le 4 juillet. Cette nouvelle loi fondamentale sera soumise par référendum aux Chiliens courant 2022. Si elle est rejetée, la Constitution Pinochet sera maintenue. Au Chili, l’avortement est autorisé seulement en cas de danger pour la vie de la mère, de l’enfant ou de viol. La dépénalisation de l’avortement est en cours de discussion au Congrès.

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Au Chili, les femmes sont en passe de gagner leur combat pour la légalisation de l'avortement, désormais inscrit dans le projet de future Constitution. 
©AP Photo/Esteban Felix

L’appel de l'OMS entendu ? 

Pour l'Organisation mondiale de la santé, les restrictions ne réduisent pas le nombre d’avortements, mais en augmentent les risques, citant une étude publiée en 2020 dans le Lancet Global Health : au contraire, "les restrictions vont surtout pousser les femmes et les jeunes filles à recourir à des interventions risquées", prévient l'OMS. En recourant à des avortements illégaux, les femmes prennent donc des risques pour leur santé, alors que les IVG réalisées selon les règles sont extrêmement sûres, selon l'OMS. Les restrictions font donc courir des risques de "stigmatisation et de complications médicales", insiste l'agence.

Nous recommandons que les femmes et les jeunes filles puissent accéder à l'avortement et aux services de planning familial quand elles en ont besoin.
Craig Lissner, OMS

"Nous recommandons que les femmes et les jeunes filles puissent accéder à l'avortement et aux services de planning familial quand elles en ont besoin", a déclaré Craig Lissner, un cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dans un communiqué. L’OMS a appelé à faciliter autant que possible l’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Cet appel intervient alors que l'agence de l'ONU a décidé de réviser l'ensemble de ses recommandations sanitaires quant aux procédures d'avortement et à ce qui les entoure : conseils, suivi... Si ces recommandations sont larges et comprennent désormais, par exemple, une incitation à développer les téléconsultations d'orientation, elles sont surtout l'occasion pour l'OMS de plaider pour de moindres restrictions à l'avortement. L’OMS recommande de "supprimer les restrictions inutiles sur le plan médical", citant "la criminalisation, des délais obligatoires d’attente, le fait d’imposer l’accord d’autres personnes - conjoints ou famille - ou d’institutions, et le fait d’interdire l’avortement au-delà d’un certain stade de la grossesse". 

ivg Texas manif
Le 2 octobre 2021, journée mondiale de l'avortement, des femmes manifestent pour défendre ce droit menacé, voire interdit, dans plusieurs états américains, comme c'est le cas au Texas, où l'IVG est illégal même en cas de viol ou d'inceste.
©AP Photo/Stephen Spillman

De nombreux pays limitent drastiquement le droit à l'avortement, le réservant à des situations où la santé de la mère est en danger. Quelques-uns, comme le Salvador et le Honduras, l'interdisent même intégralement. Les craintes des défenseurs de l'accès à l'avortement se sont récemment concentrées sur les Etats-Unis où plusieurs Etats ont adopté des mesures restrictives et où la Cour suprême semble prête à revenir sur l'idée que l'IVG constitue un droit inattaquable.