Droit à l'avortement en Pologne : "J'ai peur de tomber enceinte"

L'inquiétude persiste en Pologne où une tentative d'assouplir les lois restrictives sur l'avortement a échoué devant le Parlement cet été. A l'issue d'une enquête menée pendant trois ans, un comité des Nations Unies conclut que ces lois violent les droits des femmes. Il dénonce "une situation qui peut être assimilée à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant".

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Manif pour le droit à l'avortement en Pologne

Les gens protestent devant le Parlement polonais contre l'échec récent du gouvernement centriste du Premier ministre Donald Tusk à rassembler un soutien suffisant pour un vote visant à libéraliser la stricte loi anti-avortement du pays à Varsovie, en Pologne, le mardi 23 juillet 2024.

©AP Photo/Czarek Sokolowski)
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L'avortement en Pologne n'est autorisé que si la grossesse résulte d'une agression sexuelle ou d'un inceste, ou si elle constitue une menace directe pour la vie ou la santé de la mère.

Cette situation constitue une violence fondée sur le genre allant à l'encontre des femmes et peut être assimilée à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Genoveva Tisheva, vice-présidente du Cedaw

Une enquête lancée en 2021 par le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femme (Cedaw) - composé de 23 experts - montre que les femmes sont confrontées à "de graves violations des droits humains en raison de lois restrictives sur l'avortement, beaucoup d'entre elles étant obligées de mener à terme des grossesses non désirées, de recourir à des procédures clandestines dangereuses ou de se rendre à l'étranger". 

Cette situation "constitue une violence fondée sur le genre allant à l'encontre des femmes et peut être assimilée à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant", a déclaré la vice-présidente du comité, la Bulgare Genoveva Tisheva, dans un communiqué du Cedaw. Elle s'est rendue en Pologne en 2022, avec une ancienne membre du comité, Lia Nadaria, pour l'enquête, à laquelle le gouvernement a coopéré tout au long de la procédure, précise le communiqué.

Le comité dénonce la criminalisation de l'aide apportée aux femmes souhaitant avorter. Il a également constaté que "le cadre juridique déjà restrictif (...) est affaibli par de graves défauts dans sa mise en oeuvre", de sorte que "les médecins hésitent souvent à pratiquer des avortements, même légaux, par crainte de voir leur responsabilité pénale engagée, et retardent souvent la procédure jusqu'à ce que la vie de la femme soit en danger immédiat".

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[traduction : De nombreuses femmes sont contraintes de mener à terme des grossesses non désirées, de recourir à des procédures clandestines dangereuses ou de se rendre à l'étranger pour avorter légalement.]

Une violence fondée sur le genre

Le Cedaw souligne que de nombreux médecins refusent de pratiquer des avortements pour des raisons morales ou religieuses. Selon les experts, l'accès à l'avortement en cas de grossesse résultant d'un crime est fortement entravé par le système bureaucratique, sur fonds de "puissants groupes de pression anti-avortement, de menaces et de dénonciations à l'encontre de ceux qui aident les femmes à se faire avorter". 

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Ensemble, ces facteurs créent un environnement complexe, hostile et effrayant dans lequel l'accès à un avortement sûr est stigmatisé et pratiquement impossible. Genoveva Tisheva, vice-présidente du Cedaw

"Ensemble, ces facteurs créent un environnement complexe, hostile et effrayant dans lequel l'accès à un avortement sûr est stigmatisé et pratiquement impossible", conclut Genoveva Tisheva.

La coalition au pouvoir en Pologne s'est engagée à libéraliser les lois sur l'avortement, qui comptent parmi les plus strictes d'Europe. Elles punissent notamment l'aide à l'avortement d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement.

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[traduction : conférence de presse conjointe à Varsovie suite à la publication d'une enquête révolutionnaire du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes #CEDAW révélant les graves dommages causés par la loi restrictive sur l'#avortement de la #Pologne.]

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"Ne touchez pas à nos corps"

La dernière tentative d'assouplissement de ces règles a échoué en juillet 2024, lorsque les législateurs ont rejeté, par 218 voix contre 215, un projet de loi visant à supprimer la disposition interdisant l'aide à l'avortement. 

Je fais tout ce que je peux pour mettre fin à l'enfer de ces femmes. Donald Tusk, Premier ministre polonais

Le Premier ministre polonais Donald Tusk a regretté de n'avoir pu convaincre ceux qui ont voté contre le projet de loi. "Je fais tout ce que je peux pour mettre fin à l'enfer de ces femmes", a-t-il déclaré. Pendant la campagne électorale, Donald Tusk s'était engagé à libéraliser les réglementations, mais certains de ses partenaires de coalition ne l'ont pas soutenu lors du vote. 

Donald Tusk

Le Premier ministre polonais Donald Tusk et son gouvernement de coalition centriste ont subi une amère défaite vendredi 12 juillet 2024. au Parlement, où une faible majorité a rejeté une législation qui aurait assoupli la stricte loi anti-avortement. 

©Photo AP/Virginia Mayo, dossier

Trois autres propositions de loi visant à faciliter l'accès à l'avortement sont toujours débattues au sein d'une commission parlementaire. Le président Andrzej Duda, un catholique conservateur allié au parti d'opposition de droite PiS, a précisé qu'il opposerait son veto à tous les projets de loi, même s'ils étaient adoptés.

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à travers la Pologne pour protester contre cette décision. Les groupes polonais de défense des droits des femmes ont accusé l'alliance au pouvoir de revenir sur ses promesses électorales et avaient appelé à des manifestations dans tout le pays. Le principal rassemblement a eu lieu devant le parlement à Varsovie. Sous une chaleur torride, les haut-parleurs vibraient au son de la musique pop, tandis qu'un millier de participants scandaient "avortement libre et légal" et brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "ne touchez pas à nos corps". Aleksandra Socha, 26 ans, étudiante à Varsovie a confié à l'AFP : "J'ai peur de tomber enceinte en Pologne" .

Manif IVG Pologne

Quelques centaines de personnes protestent contre l'échec récent du gouvernement centriste du Premier ministre Donald Tusk à rassembler un soutien suffisant pour un vote visant à libéraliser la stricte loi anti-avortement du pays devant le bâtiment du Parlement à Varsovie, en Pologne, le 23 juillet 2024. 

©AP Photo /Czarek Sokolowski, Dossier

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