Fil d'Ariane
Quel bilan dresser de l'année écoulée sur la question des droits des femmes ? La rédaction des Terriennes revient sur sept événements marquants de 2023 à travers le monde.
Une "Rosie" ("Rosie la riveteuse", icône des féministes américaines dans les années 60, ndlr) revêtue de son habit de "Mère Noël" brandie lors de la manifestation du 25 novembre contre les violences faites aux femmes à Paris, réinterprétant la chanson "Tout ce que nous voulons pour Noël, c'est l'égalité".
Un an après sa mort, Mahsa Amini a reçu à titre posthume le prix Sakharov des Droits de l'Homme de l'Union européenne. Sa famille avait prévu d'assister à la remise au Parlement européen à Strasbourg, mais elle n'a pu sortir d'Iran, frappée d'une interdiction de quitter le territoire.
Plus d'une centaine d'eurodéputés ont signé une lettre ouverte pour dénoncer une décision qui vise à leurs yeux à "réduire au silence" la famille "en l'empêchant de dénoncer la répression scandaleuse des droits des femmes, des droits humains et des libertés fondamentales par la République islamique en Iran".
Mahsa Amini, la jeune Kurde iranienne de 22 ans décédée après avoir été arrêtée par la police en septembre 2022 à Téhéran, a reçu le plus prestigieux des prix des droits de l'homme de l'Union européenne, le 19 octobre 2023.
Narges Mohammadi, elle, est sacrée Prix Nobel de la Paix , alors qu'elle est toujours détenue dans la prison d'Evin, à Téhéran, où elle purge sa peine. Une campagne internationale exhortant l'Iran à la libérer est lancée début novembre 2023 alors que la militante entame une grève de la faim pour dénoncer ses conditions d'emprisonnement.
Arrêtée à 13 reprises, condamnée cinq fois à un total de trente-et-un ans de prison et 154 coups de fouet, puis à nouveau incarcérée en 2021, elle est un visage du soulèvement "Femme, Vie, Liberté" en Iran.
La militante iranienne des droits humains Narges Mohammadi lors d'une réunion sur les droits des femmes à Téhéran, en Iran, le 27 août 2007.
A 51 ans, derrière les barreaux de sa cellule, Narges Mohammadi continue à lutter contre le port du voile obligatoire ou la peine de mort, à dénoncer les abus sexuels en détention.
"Je me suis toujours considérée comme une détective ! Le détective est convaincu qu’il existe toujours un moyen de trouver la solution, et c’est ainsi que j’ai toujours mené mes recherches." Ainsi a réagi la professeure américaine Claudia Goldin, de la prestigieuse université d’Harvard, aux États-Unis, lorsqu'elle a appris qu'elle était récompensée du Prix Nobel d'économie pour ses travaux sur les femmes sur le marché du travail.
Claudia Goldin chez elle à Cambridge, dans le Massachusetts, aux Etats-Unis. Elle vient d'apprendre qu'elle a reçu le prix Nobel d'économie, le 9 octobre 2023. Elle est récompensée pour avoir fait progresser la compréhension de la place des femmes sur le marché du travail .
photo AP Claudia Goldin
Cette économiste américaine de 77 ans "a donné un aperçu nouveau et souvent surprenant du rôle historique et contemporain des femmes sur le marché du travail", précise l'académie Nobel.
"Claudia Goldin a montré que la participation des femmes au marché du travail n'a pas suivi une tendance à la hausse sur une période de 200 ans, mais forme plutôt une courbe en forme de U. La participation des femmes mariées a diminué avec la transition d’une société agraire à une société industrielle au début du XIXe siècle, avant d'augmenter à la faveur de la croissance du secteur des services au début du XXe siècle. Pour Claudia Goldin, cette tendance résulte d’un changement structurel et de l’évolution des normes sociales régissant les responsabilités des femmes à l’égard du foyer et de la famille".
Depuis 1969, trois femmes ont reçu le Nobel d'économie.
Et si toutes les femmes s'unissaient pour cesser toute activité jusqu'à ce qu'elles obtiennent une vraie égalité ? La société en serait paralysée : écoles et magasins fermés, transports et hôpitaux au ralenti, vie de famille chaotique, gouvernement orphelin... C'est précisément ce qui s'est produit en Islande toute la journée de ce mardi 24 octobre 2023.
Des Islandais de tous horizons rassemblés lors de la grève des femmes à Reykjavik, en Islande, le 24 octobre 2023, pour mettre fin aux inégalités salariales et à la violence sexiste.
En Islande, l'écart salarial moyen entre hommes et femmes était de 10,2 % en 2021, selon l'agence nationale des statistiques. À l'époque de la première kvennafri (littéralement "journée libre pour les femmes"), en 1975, l'écart de rémunération était de 40 %. Aujourd'hui, il n'est plus que de 9,7 %, ce qui fait de l'Islande l'un des rares pays où les femmes sont presque aussi bien payées que les hommes.
L'Islande reste au premier rang mondial pour l'égalité entre les genres, selon le Forum économique mondial. "Nous savons parfaitement que nous n'avons pas atteint l'égalité entre les hommes et les femmes et que, même si la situation est meilleure qu'ailleurs, il n'y a aucune raison de s'arrêter là", explique Steinunn Rögnvaldsdóttir, l'une des organisatrices de cette Kvennafrí.
Rendez-vous le 5 mars, soit trois jours avant le... 8 mars, journée internationale des droits des femmes. La date n'a évidemment pas été choisie au hasard. C'est le 5 mars prochain que le projet de loi inscrivant dans la Constitution française la "liberté" d'accès à l'interruption volontaire de grossesse passera devant le Congrès. Pour qu'il soit adopté, il faudra que 3/5e des élus votent en sa faveur.
Manifestantes rassemblées le 25 novembre 2023 à Paris pour défendre le droit à l'avortement, une "liberté" qui sera soumise au vote du Parlement le 5 mars 2024 en vue de son inscription dans la Constitution française.
Si la "liberté" d'avorter est acquise sur le papier depuis près de cinquante ans en France. Sur le terrain, l'accès à l'IVG reste inégal et le choix de la méthode limité, relèvent professionnels, chercheurs et associations féministes.
"La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse", peut-on lire dans le texte. Réclamée de longue date par les associations féministes, celles-ci saluent l'initiative, mais regrettent la formulation finalement choisie : celle de "liberté garantie" plutôt que de "droit".
Dans le nord rural du Cameroun, où elles sont nées, très peu de femmes accomplissent une carrière scientifique. Mais Sabine Adeline Fanta Yadang, 32 ans, docteure en neurosciences, et Hadidjatou Daïrou, 33 ans, doctorante en physiologie cellulaire, ont vaincu le sort et les préjugés.
Le 8 novembre 2023, elles ont été récompensées du Prix Jeunes Talents L'Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science, parmi 30 scientifiques d'Afrique subsaharienne pour "la qualité de leurs recherches". Toutes deux sont saluées pour leurs travaux sur le potentiel des plantes médicinales traditionnelles au Cameroun dans le traitement des maladies cardiovasculaires et d'Alzheimer.
"Dans le Nord, où l'on dit que les filles ne poussent pas les études loin, j'ai vraiment démontré le contraire", s'enorgueillit Fanta Yadang. Au Cameroun, seules 13 % des jeunes filles de la tranche d'âge concernée étaient inscrites dans l'enseignement supérieur, estimait l’Unesco en 2018.
Justine Triet, 44 ans est la troisième réalisatrice de l'histoire à décrocher une Palme d'or à Cannes. Son film Anatomie d'une chute enregistre un grand succès populaire en France et a reçu de nombreux prix à travers le monde. Un million de spectateurs à l'étranger : ces vingt dernières années, seuls deux autres films français récompensés par la Palme d’or ont réalisé cette performance.
Justine Triet, lauréate de la Palme d'or pour Anatomie d'une chute, après la cérémonie de remise des prix du 76e festival international du film de Cannes, le 27 mai 2023.
Autopsie glaçante d'un couple d'artistes dysfonctionnel, ce long-métrage retrace le procès d'une autrice allemande, incarnée par Sandra Hüller, accusée aux assises du meurtre de son mari, dans leur chalet des Alpes.
"On a besoin de récits faits par des femmes, réalisés par des femmes, jugés par des femmes. On est encore très loin de la parité", ajoute celle qui a profité de la tribune mondiale offerte par la remise de sa Palme d'or pour dénoncer la façon dont le gouvernement français avait "nié de façon choquante" le mouvement contre la réforme des retraites.
Si le premier championnat du monde masculin de handball en salle est organisé en 1938, les femmes devront attendre 1949 pour connaître leur première compétition internationale.
Le dimanche 17 décembre 2023, les Françaises décrochent leur troisième titre mondial à l'issue d'une finale haletante face à la Norvège (31-28) au Danemark. Un sacre qui intervient à sept mois des Jeux olympiques de Paris. De quoi braquer les projecteurs sur un sport de plus en plus populaire, notamment chez les filles, mais qui mérite encore d'être valorisé.
Emmanuel Macron avec l'équipe de France de handball à l'Élysée à Paris, le 18 décembre 2023, après la victoire en finale contre la Norvège au Championnat du monde de handball féminin au Danemark.
Le handball en France est le deuxième sport collectif en nombre de licencié.e.s (plus de 450 000) derrière le football. Question salaire, il y a encore des progrès à faire : le salaire moyen d'une joueuse de handball professionnelle atteint 3 056 € bruts par mois en 2021-2022 contre 2 000 € en 2008-2009, avec une rémunération minimum de 1 561 € brut par mois, d’après les données fournies par la Ligue féminine de handball.