Ecriture inclusive : le point final d'Edouard Philippe ?

Ainsi le masculin l'emporte sur le féminin ? Après plusieurs mois de controverse, le chef du gouvernement français Edouard Philippe tente à sa manière de clouer le bec aux partisan.e.s de l'écriture inclusive. Avant même d'y faire intrusion, la voilà - en partie - bannie des textes officiels.

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"Je vous invite, en particulier pour les textes destinés à être publiés au Journal officiel de la République française, à ne pas faire usage de l'écriture dite inclusive", écrit le chef du gouvernement français, dans une circulaire à paraître ce 22 novembre."Outre le respect du formalisme propre aux actes de nature juridique, les administrations relevant de l'Etat doivent se conformer aux règles grammaticales et syntaxiques, notamment pour des raisons d'intelligibilité et de clarté de la norme", justifie Edouard Philippe, qui demande à ses ministres de veiller à "la bonne application de ces principes" par "l'ensemble des services placés sous (leur) autorité".

Grammaire sexiste

Portée par des cercles féministes, mais rejetée par l'Académie française, entre autres, l'écriture inclusive remet en cause la règle d'accord de la langue française, jugée sexiste, selon laquelle, au pluriel, "le masculin l'emporte sur le féminin".

L'écriture inclusive peut se traduire notamment par des graphies comme "les député.e.s" ou "les électeur.rice.s", ou par une règle d'accord avec le sujet le plus proche, par exemple "Louis et Louise sont belles".

C'est précisément l'usage de ce point milieu ou point median qu'interdit formellement la circulaire du Premier ministre ainsi que cet accord de proximité. Autrement dit la règle qui veut que le masculin l'emporte sur le féminin a encore de beaux jours devant elle.

En revanche, le texte défend la féminisation systématique des noms de fonctions, lorsqu'elles sont employées dans des textes officiels. Exemples cités par Edouard Philippe : "la ministre", "la directrice", "la sécrétaire générale."

Il appelle également à privilégier les formules plus inclusives  sur les "actes de recrutement " et "les avis de vacances" publiés au Journal Officiel "afin de ne pas marquer de différence de genre". La langue ayant un impact sur nos perceptions, il s'agira ici d'employer la double flexion "le candidat ou la candidate" au lieu de "candidat".

Purisme et simplification

Le Premier ministre reprend les arguments des "contre", fondés sur les difficultés de mise en oeuvre d'une réforme qui, à leurs yeux, complexifierait une langue déjà ardue à apprendre et à écrire. Une volonté mâtinée, souvent, d'un certain purisme.
 


Alors que le débat fait rage en France, notamment avec l'édition d'un manuel scolaire en écriture inclusive, la circulaire du Premier ministre vise à apporter une "clarification après des initiatives dans certaines administrations" et à "clore la polémique".

Le français langue morte ?

Pourtant, une prise de position aussi tranchée que celle qui est imposée au gouvernement français - l'écriture inclusive n'est pas "déconseillée" ni "à éviter", mais bannie en partie - sous-entend que les règles grammaticales et syntaxiques du français sont des lois d'airain incapables d'évoluer. Or aussi complexe soit-elle, la grammaire en a vu d'autres.

Et puis suffit-il vraiment d'en bannir le point médian et de refuser l'accord de proximité pour rendre certains textes officiels et juridiques plus clairs et intelligibles ? Pas sûr...

S'il ne faut pas confondre "genre" et "sexe", la pilule est dure à avaler pour ceux et celles qui pensent que la réforme induirait un vrai changement dans les esprits, comme Raphaëlle Rémy-Leleu, porte-parole de l'association Osez le féminisme :

Communiquer à égalité

Mais cette décision, affirme le Premier ministre Edouard Philippe, n'empêche pas le gouvernement d'être par ailleurs "résolument engagé dans le renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes", selon le texte de la circulaire. Donc la primauté accordée au masculin au XVIIIe siècle dans le langage n'y serait pour rien dans l’infériorisation des femmes ? Ce n'est pas l'avis du Haut Conseil à l’égalité hommes/femmes, qui signait une tribune dans Le Monde, publiée juste à la veille de l'annonce du Premier ministre :


A la mairie de Paris aussi souffle un vent de résistance face à une décision dont la radicalité passe mal. 
 
Je trouve que cette décision est autoritaire
Hélène Bidard, adjointe PCF à la mairie de Paris
Dans un communiqué publié ce 21 novembre, la Ville de Paris déclare s'en tenir à l'écriture inclusive : "Nous gardons l'écriture inclusive. On comprend le français quand on écrit .e !", déclare Hélène Bidard. Et l'adjointe PCF à la lutte contre les discriminations d'ajouter : "Je trouve que cette décision est autoritaire". A la Ville de Paris, une circulaire demande à l'administration de "visibiliser les femmes par l'écriture" tout en laissant libre chacun.e d'utiliser ou non les graphies avec points.

Alors, l'écriture inclusive, querelle de chapelle ou affaire d'Etat ? Déclarée en partie non grata des textes officiels, reste donc à tous les "officieux.ses" de faire leur choix et de souhaiter à l'écriture inclusive des jours et des nuits plus heureuses, à la manière de Jean Racine.