A quelques jours du G7 qui se tient à Biarritz, retour sur la mission du Conseil consultatif à l'égalité femmes-hommes dont les recommandations seront au menu de ce grand rendez-vous mondial. Le G7 féminin qui s'est tenu en mai dernier à Paris propose de sélectionner les lois existantes qui ont fait leur preuve de part le monde, pour un tirer une sorte de modèle à échelle internationale.
"Faire de l'égalité femmes-hommes une grande cause mondiale", voilà donc l'ambition de la France, qui a rallié à cette cause les membres du G7 femmes, qui s'est réuni en mai dernier à Paris.
Deuxième G7 "féminin" du genre après le premier initié en 2018 par le Canada et son Premier ministre Justin Trudeau, qui présidait alors l'instance. Autour de la table : les ministres chargés de ces questions dans les sept pays membres : Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni. Ils sont rejoints par les représentants de 6 autres pays : Argentine, Burkina-Faso, Nouvelle-Zélande, Norvège, Rwanda, Tunisie. Au menu, plusieurs axes : la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, l'accès à l'éducation des filles et l'émancipation économique des femmes.
Des politiques, donc, mais pas seulement. Toujours à l'initiative du Canada, un Conseil Consultatif à l'égalité femmes-hommes a été formé l'an dernier. Il comprend 35 membres, représentants d'associations et d'organisations féministes ou humanitaires, expert.e.s, et des personnalités publiques, du monde artistique, de l'entreprise ou des médias, engagées pour ces mêmes causes. Un Conseil majoritairement féminin, mais présidé par le duo composé des deux Prix Nobel de la Paix 2018, Nadia Murad et Denis Mukwege. Pendant plusieurs mois, toutes et tous ont répertorié les lois pour la défense des droits des femmes et pour l'égalité femmes-hommes dans le monde, avec pour objectif de recenser les meilleures, les plus efficaces et proposer un bouquet législatif aux pays du G7, qui se réunit fin août à Biarritz, sous la présidence française.
Quelles sont les lois qui marchent, vraiment ? Et comment en tirer les meilleurs enseignements ? La première étape avant Biarritz avait lieu à Paris, les 9 et 10 mai 2019.
Un G7 féministe ?
"Le premier G7 féministe a eu lieu à Charlevoix l'an dernier", comme tient à le préciser Isabelle Hudon, ambassadrice du Canada en France,
"C'était la première fois qu'à travers les discussions, on a tenu la priorité de l'égalité femmes-hommes". Selon elle, une politique féministe ne doit pas exclure les hommes, au contraire
: "Tous les gestes qu'un gouvernement pose ou planifie doivent être analysés à travers le spectre de l'égalité femmes-hommes, pas seulement à travers le spectre féminin. Je pense qu'il est important de préciser qu'une politique féministe n'est pas une politique qui s'occupe uniquement des femmes, mais qui vise l'égalité". La ministre de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille du Burkina-Faso, Hélène Marie Laurence Ilboudo, salue de son côté le fait que le G7 ait ouvert ses portes aux pays du Sahel.
"Longtemps, beaucoup considéraient que les pays d'Afrique étaient des pays où l'on ne comprenait pas le rôle et la place que devaient avoir les femmes dans la société. La problématique de la femme est internationale. Toutes les femmes du monde ont les mêmes problèmes. Pour moi, ce n'est pas du féminisme, c'est l'adaptation de la lutte pour l'égalité des genres qui, maintenant, prévaut. Il faut l'adapter selon chaque pays, et surtout selon la culture de chaque pays. C'est pourquoi il est important que l'on soit présent ici . Vu de l'extérieur, c'est du féminisme, mais pour moi, c'est surtout travailler à réduire les écarts. Ce n'est pas qu'une question de justice et d'équité, mais aussi une question économique. Nous ne pouvons pas occulter la moitié de la population si nous voulons avancer. C'est une nécessité internationale." "
Aucun pays n’a vraiment mis en place une politique d’égalité femmes-hommes 25 ans après Pékin, alors que l’objectif était d’y arriver en l’an 2000 !", regrette Phumzile Mlambo-Ngcuk
, femme politique sud-africaine et secrétaire générale adjointe de l'ONU.
Caren Marks, secrétaire d'Etat au ministère allemand de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse, a tenu à interpeller les grands de ce monde, dont son pays fait partie :
"Je suis déçue que le G7 ne soit pas actuellement en mesure de parler d'une même voix concernant les droits sexuels et reproductifs des femmes, ce sont des droits humains, et sans ces droits, on ne peut pas avancer !" Une déclaration longuement applaudie par l'assemblée, à un moment où le droit à l'avortement est menacé dans de nombreux pays, et notamment l'un des membres du G7, les Etats-Unis.
La société civile partie prenante
"Il est important que la non-égalité des femmes et des hommes soit mise en avant au G7. C'est un enjeu beaucoup plus important que ce que certains imaginent, car il peut transformer le monde dans lequel nous vivons.", nous dit Mercedes Erra, Présidente exécutive d'Havas Worldwide et fondatrice de BETC, membre du Conseil consultatif.
Dans le monde, aujourd'hui, 65 % du travail est fait par les femmes, et elles ne reçoivent que 10 % du salaire, et elles ont moins de 1 % de propriétés, ça, c'est un levier de modification !
Mercedes Erra, membre du Conseil consultatif à l'égalité femmes-hommes
Un G7 féministe ?
"Je suis très fière, car il y a vingt ans quand j'osais dire féminisme, on me regardait en disant 'faut pas exagérer', comme s'il s'agissait de quelque chose de mal. Alors que le féminisme, ce n'est jamais que la recherche de l'égalité, de respect d'un droit humain, c'est une avancée extraordinaire et je suis très émue. A l'époque, on me disait de me calmer. Aujourd'hui, je n'ai plus besoin de me calmer !". "Pendant très longtemps, les femmes ont travaillé sans être payées, c'est pour cela qu'elles ont tant de mal encore à réclamer leur salaire. Dans le monde aujourd'hui, 65% du travail est fait par les femmes, et elles ne reçoivent que 10% du salaire, et elles ont moins de 1% de propriétés, ça, c'est un levier de modification !" Au sein de son entreprise, Mercedes Erra explique qu'elle encourage les hommes à prendre leur congés paternité tout en poussant les filles à monter les échelons, et
"ça se passe très bien, car c'est moi qui la dirige et quand on veut, on peut même si on ne peut pas changer tous les stéréotypes !".
Pour Grégoire Thery, secrétaire général du Mouvement du Nid, le but de ce Conseil est de présenter les législations les plus positives pour les droits des femmes et pousser les membres du G7 à prendre un engagement vis à vis de ces lois.
"Au départ, je me suis demandé comment est ce qu'on allait pouvoir influencer les pays du G7 pour améliorer leur politique en matière d'égalité. Le collectif rassemble des personnalités très engagées, des Prix Nobel, des activistes. Nous avons pu travailler de manière indépendante. Le but de notre travail était de présenter des législations qui pouvaient être les plus positives pour les droits des femmes dans le monde, en sortir un bouquet législatif, le présenter au G7 et l'inviter à prendre des engagements pour faire passer ces lois."
"La grande question maintenant, c'est comment faire en sorte que les Etats prennent des engagements solides. D'un côté, je me fais peu d'illusion, je connais ce genre de réunions diplomatiques mais en même temps, ce Conseil rassemble des personnalités publiques très engagées, et très fortes dont la voix peut être entendue", ajoute-t-il.
Des stars à la tribune
Pour porter la voix des femmes, il faut aussi des stars. Connue pour son discours émouvant à
la tribune des Nations unies en septembre 2014, Emma Watson reste l'un des visages hollywoodiens de la défense des droits des femmes. L'ambassadrice de bonne volonté d'ONU femmes fait aussi partie du casting des célébrités recrutées pour ce Conseil consultatif à l'égalité. L'occasion pour elle de rappeller quelques chiffres :
"137 femmes sont tuées par leur partenaire ou un membre de leur famille par jour dans le monde. Nous demandons aux pays du G7 d’adopter le cadre législatif le plus ambitieux possible pour lutter contre les violences faites aux femmes, pour créer un monde juste, sûr et digne". Parmi les autres oratrices à intervenir lors de la séance de travail entre ministres et Conseil, la militante indienne Aranya Johar. Poétesse, slameuse, cette féministe de 20 ans s'est fait connaître à travers un texte intitulé
"A Brown Girl's Guide to Gender" (Le guide du genre d'une jeune indienne). Alors âgée de 18 ans, elle y dénonce l'hypersexualisation de la femme, et raconte comment, depuis qu'elle a 9 ans, elle subit le harcèlement de rue.
"Je me sens réduite à une interaction sexuelle. Pas seulement moi, ma mère, mes soeurs, mes amies... Je n'ai pas envie de finir comme d'autres - violée et assassinée. Alors je porte un pantalon long, un haut qui couvre... Je ne veux pas que l'on puisse croire que je l'ai voulu. Si je m'habille plus légèrement, je ne m'expose pas seulement, je me mets en danger. Je risque ma virginité", slame-t-elle face aux ministres réunis à Paris
.
La loi doit graver dans le marbre un concept essentiel : le sexe sans consentement, c'est du viol. C'est aussi simple que cela !
Inna Schevchenko, fondatrice du mouvement Femen
La fondatrice des Femen, sagement vêtue et sans sa traditionnelle couronne de fleurs, a rejoint le choeur des avocates interpellant les puissants de ce monde rassemblées à Paris. Pour Inna Schevchenko,
"Il faudrait un cadre législatif qui permette d'éliminer les causes profondément enracinées des violences de genre : la masculinité toxique, les normes sociales négatives. Il faut mettre fin à l'impunité. La loi doit graver dans le marbre un concept essentiel : le sexe sans consentement, c'est du viol. C'est aussi simple que cela ! C'est un prémice nécessaire à une législation efficace contre les violences sexuelles dans tous les pays du monde "Un engagement de principe, et après ?
A l’issue de leur rencontre, les ministres de l’Egalité femmes-hommes du G7 ont adopté une déclaration en faveur des droits des femmes et des filles. Les ministres se sont engagé.e.s à adopter le partenariat de Biarritz, compilant certaines des lois les plus progressistes pour les droits des femmes dans le monde entier.
Pour les ONG féministes du Women 7, rassemblées la veille également à Paris, il s'agit d'une bonne nouvelle, mais cet engagement est encore loin d’être suffisant. Pour le collectif W7, le grand absent de ce texte est la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs.
"Cela concrétise un recul permanent de certains pays sur les droits des femmes à disposer de leur corps, lit-on dans le communiqué.
Il ne faut pas se contenter de déclarations de principe en la matière ! Pour que ces nouvelles lois puissent avoir un impact sur les droits des femmes et des filles, il est impératif d’établir un plan d’action, des échéances claires, d’allouer des financements et d’établir des mécanismes partagés de redevabilité afin que ces lois soient réellement appliquées", alerte le W7.
Pour le moment, seul Paris a annoncé la création d’un fonds de 120 millions d’euros pour soutenir les associations féministes des pays du Sud. Le Women 7 appelle les autres pays du G7 à emboîter le pas de la France en augmentant considérablement les fonds destinés aux associations féministes partout dans le monde.
Lors de la séance plénière Marlène Schiappa conclut en citant Françoise Giroud :
"Etre féministe, c'est trouver intolérable pour d'autres femmes ce que l'on ne voudrait pas tolérer pour soi-même. En tant que membres du G7, nous considérons intolérable tout ce que nous considérons comme intolérable pour nous-mêmes. C'est pourquoi nous avons voulu marquer notre soutien à Nasrin Sotoudeh lors de notre photo de famille. Nommée (à titre symbolique)
membre du Conseil consultatif, elle est actuellement en prison en Iran." Des lois, des fonds, de réelles actions concrètes... Les attentes sont nombreuses. Le monde entier, femmes et hommes confondus, auront le regard tourné vers Biarritz en cette fin du mois d'août.