La loi existe depuis 1972 et pourtant peu de personnes la respectent. En France, à poste égal et âge égal, une femme gagne 9% de moins qu'un homme. Le gouvernement souhaite dès 2019 mettre en place un mécanisme qui permettra d'attribuer des notes aux entreprises, bonnes et mauvaises élèves. Celles qui seront au bas du classement se verront sanctionnées.
Bien que le principe
"à travail de valeur égale, salaire égal" soit inscrit dans la loi française depuis 45 ans, à poste et âge équivalents, l'écart de salaire femme-homme reste de 9%. Tous postes confondus, l'écart grimpe à 25%. De quoi faire tâche sur le parcours d'un président qui a décidé de faire de l'égalité femme-homme, la cause nationale de son quinquennat.
Entre les temps partiels subis, le plafond de verre pour les postes à responsabilité, la faible mixité de certains emplois ou encore la mise au placard au retour du congé maternité, la situation des femmes au travail n'est pas toujours idéale dans le monde du travail.
La solution se trouverait-elle dans une nouvelle loi ? C'est en tout cas le pari du gouvernement français. Parmi les quatre volets de la loi votée au cours de l'été 2018, baptisée "Avenir professionnel", l'un assigne aux employeurs l'objectif de
"supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes" avec obligation de transparence car ils devront désormais rendre publics ces écarts.
Par quels moyens ? La mise en oeuvre d'un index de mesures. Pour mettre au point ce mécanisme, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a choisi ... une femme : Sylvie Leyre, DRH France du groupe industriel Schneider Electric. C'est donc le résultat de ces recherches que le gouvernement présente ce 22 novembre.
100 points et des points en moins ...
Selon plusieurs sources syndicales, les entreprises devront dès 2019 se soumettre à un système de notation basé sur cinq critères : la rémunération, les retours de congé maternité, les augmentations, les promotions et la présence de femmes parmi les plus hauts salaires de l'entreprise. L'ensemble de ces critères donnerait un total de 100 points.
Il s'agit donc dans un premier temps de calculer l’écart entre les salaires des femmes et des hommes dans l’entreprise, plus l’écart est réduit plus elle gagne des points. Pour son deuxième critère, le mécanisme met l'accent sur les retours de congés maternité. Le
code du travail contraint l'entreprise à augmenter ses salariées, si d'autres, dans la même catégorie professionnelle (et en l'absence d'accords de branches, ndlr) l'ont été durant ces congés. Toute faute constatée sera passible de 15 points en moins.
Quant aux critères trois et quatre, ils concernent les augmentations de salaires et les promotions
: combien de femmes en ont bénéficié ? Et surtout, combien d'hommes, afin de pouvoir établir une comparaison.
Le dernier et cinquième critère s'attaque au plafond de verre et vise les plus hauts salaires : pour le remplir, il faudra dans son entreprise avoir au moins avoir trois femmes parmi les dix plus grosses rémunérations.
Une fois ce barème rempli, l'entreprise qui obtiendra un score inférieur à 75 points aura trois ans pour améliorer son score, sous peine d'être pénalisée, à hauteur de 1% de sa masse salariale. Selon le journal
Les Echos, ce système devrait tout d'abord concerner les entreprises de plus de 250 salariées, avant d'être généralisé à toutes les entreprises en 2020. Les entreprises de moins de 50 salarié.e.s devraient en être exemptées.
Une obligation de résultats ?
Alors que jusqu'à présent les entreprises avaient "une obligation de moyens", elles auront désormais "une obligation de résultats", répète dans les médias la ministre du Travail, Muriel Pénicaud.
"Aucun écart ne sera toléré", estime de son côté Marlène Schiappa,
"même 2% d'écart, c'est inacceptable". Intervenant le 15 novembre dernier sur
France Info, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes a également annoncé que les contrôles réalisés par les inspecteurs du travail sur les questions d'inégalités seraient quadruplés dès 2019, passant de 1700 par an à près de 7000.
"Ce n'est pas tout de faire passer la loi ; maintenant, il faut la faire appliquer", a-t-elle plaidé.
Et chez les fonctionnaires ?
Dans la fonction publique, les syndicats ont bien été consultés par la ministre mais ne se sont pas encore prononcés sur ce projet, le gouvernement leur a donné jusqu'au 26 novembre pour donner leur avis, un délai jugé insuffisant par plusieurs représentants des principales centrales syndicales (CGT, FO et Solidaires). Cité par l'AFP, le représentant de la CGT Jean-Marc Canon a dénoncé un calendrier
"pas praticable".
Selon
un rapport ministériel publié en 2017, l'écart de rémunération de la fonction publique entre les sexes s'établit à 12%. Dans l'encadrement supérieur et dans les emplois de direction de la fonction publique hospitalière, les femmes représentent près de la moitié, mais cette proportion tombe à 32% pour la fonction publique d'État et jusqu'à 29% pour la fonction territoriale.
Le patronat aussi regarde cela de très près. Dans un courrier adressé cette semaine à Muriel Pénicaud, le Medef et la CPME (confédération des PME) demandent à ce que les entreprises de 50 à 250 salariés
"bénéficient d'un dispositif allégé plus simple à mettre en oeuvre", avec une entrée en vigueur plus tardive, au 1er janvier 2020. A peine élu, le nouveau patron des patrons,
Geoffroy Roux de Bézieux déclarait le 3 juillet dernier :
"Le message est clair, le medef doit changer et donc le premier signal, 50% de femmes !". Pour l'instant, au conseil exécutif, le parlement du Medef, sur 49 membres, 10 sont des femmes, soit à peine 20%.
Dénoncer les entreprises non vertueuses ?
En attendant, les patron.ne.s (et les salarié.e.s) peuvent déjà anticiper la note, comme le propose ce test
"Votre entreprise respecte t elle l’égalité fh ? faites le test". Le 5 novembre dernier, en cette journée à partir de laquelle les femmes travaillent gratuitement jusqu'à la fin de l'année,
L'Obs publiait une tribune de vingt-huit femmes entrepreneures réclamant la publication de la liste des entreprises qui ne respectent pas l'égalité salariale femmes-hommes, estimées au nombre de 48 en 2016.
"Nos arrières grand-mères ont dû attendre 1907 pour que leur salaire ne soit plus naturellement reversé à leur mari. Nous l’accusons", écrivent les signataires de cette tribune.
"Il est grand temps que l’égalité de fait se substitue à l’égalité de droits. Celle-ci passe aussi, et surtout, par l’égalité salariale ! Effective en théorie, elle est honteusement moquée en pratique par certaines entreprises qui piétinent ouvertement la loi comme les droits élémentaires de leurs salariées", s'insurgent-elles.
Sur les réseaux, une twittos américaine, ingénieure et activiste, s'était amusée dans la foulée de la Journée internationale des droits des femmes du 8 mars, à poster les salaires des messieurs, pour inciter les femmes à (re)négocier les leurs. Une sorte de #MeToo des salaires ou de #Balancelessalairesdeshommes ?