Elections en Israël : Merav Michaeli, une féministe pour sauver les travaillistes ?

Elle l'affirme sans ambages : "Il n'y a pas d'égalité". Bonne vivante et ouvertement féministe, Merav Michaeli lutte pour la représentation des femmes en politique et les droits des personnes LGBT en Israël. Troisième femme à la tête du parti travailliste, elle en incarne la seule chance d'intégrer le Parlement à l'issue des législatives du 23 mars 2021.

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Merav Michaeli
Merav Michaeli à Tel Aviv, en Israël, le lundi 1er février 2021.
©AP Photo/Sebastian Scheiner
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Hier encore, le parti travailliste israélien semblait voué à l'extinction : selon les sondages, il ne remporterait pas suffisamment de voix aux prochaines élections pour entrer au Parlement. Mais entre-temps, la formation fondatrice d’Israël a retrouvé un nouveau souffle en la personne d'une femme, Merav Michaeli. Progressiste, féministe, la nouvelle leader d'Avoda ("Travail") s'est engagée à le sortir du trou.
"La cheffe du parti travailliste Merav Michaeli promet un paradis féministe, mais elle doit d'abord faire revivre un parti moribond," titrait le quotidien de gauche Haaretz une semaine avant les élections.

Toujours vêtue de noir, cheveux de jais tirés en arrière, Merav Michaeli se veut l'héritière à gauche de l'ancien Premier ministre Yitzhak Rabin, dont un buste en bronze trône dans son bureau de Tel-Aviv.

J'ai grandi dans une maison où on parlait égalité et paix, ce n'était pas considéré comme de la politique, c'était la vie.
Merav Michaeli

Née en 1966 à Petah Tikva, dans le centre d'Israël, Merav Michaeli se souvient avoir forgé ses convictions de gauche dès son plus jeune âge, au contact d'une famille "très politisée". Côté maternel, elle est l'arrière-petite-fille d'un député roumain ; son grand-père paternel a été secrétaire général du Mapam, parti israélien aux influences marxistes. "J'ai grandi dans une maison où on parlait égalité et paix, ce n'était pas considéré comme de la politique, c'était la vie", déclare-t-elle à l'AFP.

Franche, droite et sans compromission

Merav Michaeli entre au Parlement israélien en 2013 après une carrière de journaliste de presse écrite au quotidien de gauche Haaretz, mais aussi à la télévision et à la radio. Le parti travailliste compte alors quinze députés sur 120. Vingt ans plus tôt, il en compte 44. Aujourd'hui, la quinquagénaire a pour tâche de donner un nouveau souffle à son parti, qui n'occupe plus qu'une poignée de sièges à la Knesset. Selon Merav Michaeli, il a "perdu sa crédibilité et sa colonne vertébrale" en ralliant des gouvernements de droite, comme celui du Premier ministre Benjamin Netanyahu. 

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Merav Michaeli à Tel Aviv, en Israel, le 1er février 2021. 
©AP Photo/Sebastian Scheiner

Réputée droite et franche, la nouvelle leader travailliste, elle, a refusé au printemps 2020 de rejoindre le gouvernement d'union formé par Benjamin Netanyahu et le centriste Benny Gantz, contrairement à son prédécesseur Amir Peretz qui a accepté le ministère de l'Economie. Jurant qu'elle ne siègerait jamais avec Benjamin Netanyahu, accusé de corruption dans une série d'affaires, Merav Michaeli a triomphé aux primaires du parti en janvier. Depuis, les sondages qui annonçaient la disparition du parti travailliste le créditent désormais de cinq à six sièges aux élections législatives du 23 mars. 

Lire aussi sur le site de l'information ► Israël : des élections législatives "imprévisibles"

Beaucoup de partisans travaillistes, déçus de l'alliance avec la droite au pouvoir, sont revenus dans le giron du parti depuis que Merav Michaeli en a pris les rênes, explique la politologue Julia Elad-Strenger, de l'université de Bar-Ilan près de Tel-Aviv : "C'est le signe qu'elle donne un nouvel espoir aux gens".

Féministe, pacifiste et bonne vivante

Sans aucun tabou, la candidate s'attaque à tous les sujets : elle défend les droits des femmes et des personnes LGBT+, le processus de paix avec les Palestiniens, qui est au point mort, dénonce la mauvaise gestion de la crise du coronavirus par le Premier ministre et s'inquiète de la menace iranienne. Celle qui dit aimer "manger, Paris, le vin et les animaux" aborde aussi les enjeux liés au changement climatique, généralement relégués au second plan par les partis israéliens. Des positions tranchées, qui suscitent parfois des réactions violentes de la part de ses opposants politiques.

Malgré des années de gouvernements de droite, elle reste convaincue que la société israélienne dans son ensemble est favorable au pluralisme, à l'égalité, à la séparation entre la religion et l'Etat mais aussi à une économie sociale et "humaine". "Merav Michaeli essaie de ne pas faire fuir les électeurs centristes (...) et pour cela elle adopte, du point de vue rhétorique, un discours plus centre-gauche", mais au niveau idéologique, il y a peu de différence avec l'autre parti de gauche sioniste, Meretz, décrypte Julia Elad-Strenger.

Electrices prêtes à la révolution des cols roses

Ouvertement féministe, vivant en concubinage et sans enfant, Merav Michaeli est l'unique femme à la tête d'un parti capable d'intégrer le Parlement. Parmi ses électeurs, beaucoup d'électrices prêtes à la "révolution des cols roses" - ces employées dans les secteurs d’activités majoritairement féminins, tels que la garde d’enfants, l’enseignement, le travail social, les soins infirmiers... aux avant-postes dans la crise sanitaire - que Merav Michaeli a promis de lancer face à un Netanyahu accusé d’avoir "renvoyé les Israéliennes à la cuisine"

Mais la petite-fille de Rudolf Kastner, avocat hongrois accusé d'avoir négocié avec les nazis pour sauver des Juifs pendant la Shoah et assassiné après son installation en Israël, reste confiante. De son histoire familiale, elle retient le refus d'être une victime : "Il y a toujours quelque chose à faire même lorsque ça parait impossible".