Même si, sur 976 candidats, ces femmes, majoritairement issues de la société civile, ne représentent qu’un peu plus de 7 % des candidatures. Encore bien trop loin du quota de 30 % prévue dans la Déclaration de Pékin adoptée par le Liban lors de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes en 1995. Un quota que le Conseil des ministres, à majorité masculine, a omis d’intégrer dans sa nouvelle loi électorale en juin 2017. Une omission en forme de fin de non recevoir ?
Pour la 1ere fois un grand nombre de femmes se presentent pour les prochaines élections le 6 mai surtt société civile. Mais qu elles st leur chance? c'est pas gagné
— Dr.Tarabay Rima (@RimaTarabay) 19 avril 2018
Véra el-Khoury Lacoeuilhe, diplomate, intervenante à l'Université Paris-Sorbonne
150 ONG féministes mobilisées

Une coalition inédite de 150 ONG féministes, comme Women in Front, s’est fortement mobilisée pendant la campagne pour réclamer plus de participation des femmes à la vie politique. Patricia Elias, avocate et fondatrice du laboratoire de réflexion « Avenir Liban » dans la coalition, est l'une de ces militantes : « A 17 ans, lors de ma première heure de cours au Liban, la doyenne nous a cité toutes les lois discriminatoires vis-à-vis des femmes dans le pays. J’ai tout de suite eu envie de faire changer ces lois. Et pour y arriver, il ne suffirait pas que je devienne une avocate brillante, mais que je sois aussi élue députée, » confie-t-elle à Terriennes.
Depuis, elle n’a cessé de lutter pour les droits des femmes partout où elle a vécu, notamment en Afrique, avant de finalement rentrer au Liban en 2012 « et de continuer le combat avec mon ONG sur le terrain ». Elle est l’une des 77 candidates à se présenter à ces élections, dans la région de Keserwan, au centre du pays.
Sa circonscription est d’ailleurs la seule région à compter plusieurs femmes sur les listes proposées. Tandis qu'il existe aussi une province où ne figure aucune femme : celle du président, Michel Aoun.
Quasiment aucune chance

La raison ? « La mentalité orientale, un peu machiste, qui gangrène la société libanaise. Le Liban, c’est un pays plein de contradictions : nous sommes très ouverts, proches des mentalités européennes occidentales… Mais le jour où l’on doit prendre une décision politique importante, on revient à nos coutumes, toujours dirigées par les partis politiques traditionnels et confessionnels », explique-t-elle. Avant d’ajouter : « mais que l’on soit chrétien, musulman ou druze, peu importe, toute la société est imprégnée de la même mentalité. »
De leurs côtés, les électrices libanaises, elles, sont déjà convaincues : « Les femmes sont ravies ! Elles me disent : vous dites tout haut ce que l’on pense tout bas. Elles sont dans cette attente. Mais pour cela, il faut pouvoir être plus visibles », souligne la fondatrice d'Avenir Liban.
Traitement médiatique inégal
Le premier frein à l’élection des femmes pour la candidate : l’inégalité dans le traitement médiatique. Une étude menée par Maharat, ONG qui suit le déroulement des élections, montre que les femmes bénéficient de beaucoup moins de temps d'antenne que les hommes, estimé à 5,89 %. « Les hommes politiques actuels se font un nom dans les médias depuis 30 ans ! » raconte l'avocate qui précise que sa couverture médiatique, elle, se limite essentiellement aux émissions féminines, le matin.Patricia Elias, avocate et candidate aux élections législatives
Jeune génération de militants, un espoir pour la parité
De manière générale, avec des frais de candidature s’élevant à 5 000 dollars, entrer en campagne peut s’avérer un véritable gouffre financier pour les candidat.es. « Des frais non remboursables même si on renonce à se présenter », précise Patricia Elias.
Face au manque de moyens, certain.es font campagne autrement. « Le parti de jeunes Kelna Beirut (Nous sommes tous Beyrouth) par exemple », cite Zeina El Tibi. Se présentant comme indépendant, de toute confession confondue, Kelna Beirut est également paritaire : 4 femmes pour 4 hommes. « Ils font du porte-à-porte pour échanger avec les familles, leur expliquer pourquoi le changement est important selon eux», poursuit l’essayiste et journaliste libanaise.
Patricia Elias est, elle aussi, déterminée à réaliser son ambition de jeunesse d’être élue députée et d’enfin pouvoir faire bouger les lignes. Tout comme ces centaines de personnes qui ont participé le 22 avril 2018 à la 5ème édition du marathon pour les droits des femmes à Beyrouth, à quelques jours du scrutin.
It's always fun to run for a cause!#DrawyourPath #beirutmarathon pic.twitter.com/00S5PoN3B1
— Beirut Marathon (@BeirutMarathon) 22 avril 2018
Manal Kortam, candidate des minorités
L'égalite homme femme et les minorités au Liban sont les fondamentaux du programme de Manal Kortam. Ehercheuse diplômée en droit international, elle est candidate dans la 3ème circonscription de Beyrouth. Une candidate symbolique, car il n'y a pas de 3eme circonscription à Beyrouth, et surtout aucun siège de députés pour les réfugiés palestiniens au Liban. Or fille d'un Palestinien marié à une libanaise, Manal Kortam est elle même toujours considérée comme une réfugiée au Liban.
A retrouver sur ce sujet dans Terriennes :
> May El Khalil, marathonienne de la paix et de la cause des femmes au Liban
> Loi sur le viol au Liban : l’abrogation de l’article 522, ébauche d’une évolution des mentalités
> Violeurs exonérés de leur crime au Liban : article 522, chronique d'une fin annoncée
> Au Liban, les domestiques se syndiquent
> Joumana Haddad, la liberté par les mots