Elections législatives au Maroc: allers-retours entre Marocaines et Belges pour plus de femmes élues

Permettre à des Marocaines de se faire une place dans la vie politique et citoyenne de leur pays, une ambition à laquelle s’attache l’association Actions in the Mediterranean et le projet « Femmes leaders de demain », sous la houlette de l’énergique députée bruxelloise Simone Susskind, venue prêter main forte à des candidates aux élections législatives du 7 octobre 2016. Simone Susskind nous a adressé un petit rappel de la genèse et de l’actualité du projet.

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Julie de Groote et Fatiha Barnes
Julie de Groote, Chef du groupe Centre démocrate humaniste au Parlement de la Communauté française de Belgique, en campagne à Casablanca avec la candidate qu'elle accompagne Fatiha Barnes du PPS, Parti du Progrès et du Socialisme
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Au Parlement marocain, les femmes sous-représentées


La mise en place d'un système de quota en 2002 n'y a rien changé : les femmes restent largement sous-représentées au sein du Parlement marocain. Les femmes ont fait leur entrée à la Chambre basse du Parlement en 1993, avec 2 députés (1%). Elles étaient 35 en 2002 (11%), et 34 en 2007 (10%).
Elles ne sont actuellement que 67, sur 395 députés, plaçant le Maroc au 109e rang sur 187 pour le nombre de femmes dans ses assemblées, selon un classement de l'Union interparlementaire qui regroupe des Parlements du monde entier.
Le principe d'égalité des sexes est pourtant inscrit dans la Constitution marocaine, qui prévoit également que l'Etat oeuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. En 2002, l'introduction d'un quota de 30 femmes, à travers une liste nationale, ajoutée aux listes habituelles des circonscriptions locales, "a permis d'augmenter significativement la représentation féminine" au sein de cette assemblée, rappelle l'association marocaine Tafra. Ce quota obligatoire a été porté à 60 femmes pour les législatives de 2011, soit 17% de la Chambre. Sur 67 députées, seules sept ont donc été élues classiquement sur des listes locales. "Après trois élections législatives, le quota ne semble pas avoir permis d'améliorer la représentation féminine au delà de ce seuil obligatoire, ni de prérenniser la participation active de femmes parlementaires aux travaux de la Chambre", constate Tafra.
Deux raisons à cela, selon cette même association indépendante : "une candidate ne peut être élue qu'une seule fois sur la liste nationale", et devra "obtenir l'investiture de son parti dans une circoncription sur une liste locale" si elle veut être réélue. Ensuite, les "partis investissent très peu de femmes dans les circonscriptions supposées gagnables". "Il en résulte un renouvellement permanent des femmes parlementaires, doublé d'un nouveau plafond de verre à la représentation féminine au sein de la Chambre: le seuil du quota", analyse Tafra.
Ce système de quota n'a donc pas eu l'effet escompté, et s'est même avéré, d'une certaine manière, contre-productif. Alors qu'au contraire, la féminisation a marqué des points aux dernières élections locales de septembre 2015, où les femmes ont obtenu 21,3% des sièges dans les communes et 37% dans les régions. Ceci grâce à la mobilisation des organisations féministes avant le scrutin, qui ont obtenu des partis politiques qu'ils fassent une plus large place aux femmes sur leurs listes locales.

belges au maroc femmes
Arrivée de Simone Susskind, Khadija Zamouri, députée bruxelloise de l'Open Vld (Libéraux et démocrates flamands)  et Julie de Groote à Casablanca
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Femmes Leaders de Demain

Suivi de candidates marocaines aux élections législatives d’octobre 2016


1. Origines du projet

Entre 2013 et 2015, l’association Actions in the Mediterranean (AIM) a géré un projet ambitieux "Femmes Leaders de Demain" réunissant une vingtaine de jeunes femmes marocaines, tunisiennes, algériennes et belges, engagées dans la vie associative et intéressées par la vie politique.

Accompagnées par une équipe de coaches locaux et européennes, elles se sont rencontrées à plusieurs reprises dans chacun des pays participant au projet et elles ont travaillé en 4 étapes :
1.    Définition du projet personnel
2.    Comment Influencer et Inspirer
3.    Elaboration d’une Vision et d’Objectifs
4.    Implémentation du projet
 

Au cours de chaque session, elles ont rencontré des "Role models", des femmes engagées dans divers secteurs de la société : femmes politiques, du monde associatif, entrepreneures, académiques, magistrates, etc. qui ont partagé leur expérience et les défis auxquels elles ont été confrontées.

Dans le cadre du projet, alors que se préparaient en Belgique les élections européennes,  fédérales et régionales, de mai 2014, les participantes ont accompagné chacune une candidate belge dans sa campagne pour les élections à différents niveaux de pouvoir. Ce fut, tant pour les participantes au projet FLD que pour les candidates en campagne, une magnifique expérience faite de rencontres et de prises de conscience réciproques des différences et des similitudes de situations, de cultures et de traditions, mais aussi de découvertes et d’enrichissements personnels.

Cette expérience nous a semblé tellement importante et utile, que AIM a pris la décision durant l'été 2015, de proposer que des élues régionales et locales bruxelloises accompagnent des candidates marocaines en campagne pour les élections communales et régionales du 6 septembre de cette année. Sept élues bruxelloises ont ainsi fait le déplacement au Maroc et ont accompagné chacune une candidate marocaine dans différentes villes du Maroc.

Ce projet a permis, à nouveau, aux participantes belges et aux candidates marocaines de s'enrichir mutuellement de ces échanges d'expérience.
 

Rencontre de Khadija Zamouri à Rabat avec sa candidate Rita Hatimi du Mouvement Populaire
Rencontre de Khadija Zamouri à Rabat avec sa candidate Rita Hatimi du Mouvement Populaire (libéral conservateur) et Simone Susskind (deuxième en partant de la droite)
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2. Suivi des candidates marocaines aux élections législatives de 2016

Notre expérience, entre 2013 et 2015 nous a permis de tirer la conclusion générale suivante : Etre femme, jeune, indépendante, ne pas disposer d'une assise financière et associative ou politique, laisse peu de chance d'émerger dans la vie politique. C’est pourquoi, nous avons décidé de poursuivre le projet dans le cadre des élections législatives au Maroc en 2016.

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, AIM a à nouveau organisé un échange d’expériences dans le cadre des élections législatives marocaines du 7 octobre 2016.

Six élues belges se sont rendues du 30 septembre au 7 octobre à Casablanca et à Rabat pour accompagner des candidates marocaines de différents partis.

La délégation belge était composée de : Hélène Ryckmans, députée au Parlement wallon, sénatrice et membre du parti Ecolo ; Julie de Groote, Présidente du Parlement francophone bruxellois et députée bruxelloise (CDH) ; Khadija Zamouri, députée bruxelloise et membre du parti flamand Open VLD ; Fatiha Saïdi, sénatrice honoraire et échevine à Evere (PS) ; Yasmine Kherbache, députée au parlement flamand, membre du SP.A ; et de Simone Susskind, députée bruxelloise (PS) qui est à l’initiative de ce projet.

Ce module a eu pour but de partager avec des candidates marocaines l’expérience de femmes élues au niveau législatif en Belgique, afin de leur permettre d’être mieux préparées à faire face aux défis auxquels elles sont confrontées et de pouvoir mieux faire entendre leurs voix et celles des femmes dans leur communauté. Il permettra aussi aux candidates marocaines et aux élues belges de développer des relations plus approfondies dans le cadre de cet échange.
 

Hélène Ryckmans en campagneà Temara avec sa candidate Amina Talbi de l'USFP
La députée écologiste wallonne Hélène Ryckmans (à droite),  en campagne à Temara avec sa candidate Amina Talbi de l'USFP (Union socialiste des forces populaires)
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Notre échange ne se limitera pas à l’accompagnement des candidates dans leur campagne puisque dans le courant de l’année 2017, les candidates marocaines qui ont participé au projet et ont été élues au niveau communal (élections de 2015) et au niveau législatif (élections de 2016) viendront en Belgique pour suivre leur « binôme » belge dans son travail quotidien d’échevine et/ou de parlementaire. Cet échange « retour » permettra ainsi aux désormais élues marocaines de s’inspirer et de retirer des « good practices » de leurs collègues belges.

Par ailleurs, AIM  a tenu cette année à nourrir théoriquement le projet Femmes Leaders de Demain. C’est pourquoi, une sociologue marocaine, experte des mouvements féministes marocains et des droits des femmes au Maroc, produira un rapport qui interroge les causes politiques, sociales et économiques des obstacles qui se dressent encore face à une participation équilibrée des femmes marocaines à la vie de leur pays. Ce rapport utilisera notamment les observations que les élues belges ont pu retirer de leur échange.

Le  projet Femmes Leaders de Demain s’inscrit donc dans une approche holistique et fait partie d’un processus de coopération et d’échange sur le long terme.

> Accéder au site de Simone Susskind

A retrouver dans Terriennes, autour des prémices du projet "Femmes leaders de demain" :

> Simone Susskind : bâtir un pont entre Européennes et Maghrébines