Elections législatives en France : à nouvelle Assemblée, nouvelle parité ?

Dans les rangs du Palais Bourbon, la nomination d'une Première ministre a fait naître l'espoir d'une arrivée en force de nouvelles figures féminines à la faveur des élections législatives des 12 et 19 juin 2022. Rien n'est gagné, pourtant, car à l'Assemblée nationale, où les femmes, ces cinq dernières années, se sont affirmées à la faveur du mouvement #metoo, l'égalité demeure un combat, selon les députées.

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hémicycle en 2020
©Assemblée nationale
L'Assemblée sortante n'a jamais été aussi féminine à la veille des élections de juin 2022, avec quelque 39% de députées élues en 2017, soit 12 points de plus qu'en 2012, et plus du triple qu'en 2002, où elles représentaient à peine 12%.
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reunion délégation aux droits des femmes assemblée nationale
©Assemblée nationale
Réunion de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
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Elues en nombre lors des législatives de 2017, les femmes se sont, depuis, fait une place à l'Assemblée nationale. Avec 224 députées sur 577 au total, l'Assemblée sortante n'a jamais été aussi féminine à la veille des élections de juin 2022. 39% de députées ont été élues en 2017, soit 12% de plus qu'en 2012, et plus du triple qu'en 2002, où elles représentaient à peine 12%. Longtemps à la traîne, la France s'est ainsi hissée au 33e rang en terme de parité, sur 185 pays classés par l'Union interparlementaire.

Qu'en sera-t-il à l'issue du scrutin des 12 et 19 juin ? Selon le sociologue Etienne Ollion, au niveau des investitures, "les gros partis sont tous paritaires, sauf LR, avec 35,8% de femmes candidates". Ainsi les 39% de femmes siégeant actuellement dans l'hémicycle devraient aisément pouvoir être dépassés. Un recul, pourtant, n'est pas à exclure, relève le chercheur : "cela voudrait dire que les partis ont nettement favorisé les hommes sur des circonscriptions gagnables".

Les Républicains en mal de parité

"On a peut-être atteint un plafond en 2017 avec le très fort renouvellement" via En Marche, souffle une source parlementaire. A l'époque, le mouvement présidentiel avait lancé des comités "Elles marchent" pour favoriser des candidatures féminines, et postuler se faisait en ligne, ce qui en avait désinhibé certaines.

Chez LR, le féminin de député, c'est suppléante.
Brigitte Kuster, députée LR, en 2012

Le mandat requiert "investissement" et "engagement" forts, et "on le voit en commission d'investiture : souvent il n'y a pas de femmes" qui postulent, déplore encore cette année la députée LR Brigitte Kuster. Il y a dix ans, elle remarquait avec fracas que dans son parti, "le féminin de député, c'est suppléante". Désormais, celles qui se lancent trouvent leur place plus aisément "au fur et à mesure du changement" de génération et du fait du non-cumul des mandats.

Les lois sur la parité, et leur lot de sanctions financières, doublées en 2014 pour les partis présentant moins de 50% de femmes, ont aussi été fortement incitatives. Pour la période 2017-2022, c'est déjà LR qui a été le plus pénalisé avec notamment en 2021 un malus de 1,78 million euros.

Parité de façade ?

Quid des postes à responsabilité, autre baromètre de la place des femmes ? LREM se targue d'avoir opéré, dès 2017, un partage égal des présidences de commission, vice-présidences de l'Assemblée... Yaël Braun-Pivet, ex-présidente de la commission des Lois devenue ministre, note que même "les commissions régaliennes (Défense, Lois) ont été occupées par des femmes" et récuse toute "parité de façade".

La patronne des députés socialistes, Valérie Rabault, relève cependant une carence dans "les sujets politiques, budgétaires et financiers" : pas de présidente de la commission des Finances, ni de présidente du groupe majoritaire ou de femme titulaire du perchoir. Et l'actuel président de l'Assemblée Richard Ferrand est bien parti pour rempiler, même s'il pourrait devoir affronter une ou plusieurs challengeuses lors du vote fixé au 28 juin.

Le pouvoir ne se donne pas, il se conquiert.
Valérie Rabault, patronne des députés socialistes
Femmes et République

Valérie Rabault elle-même a été, à partir de 2018, la première femme à diriger un groupe politique à l'Assemblée nationale "depuis la Révolution française". "Le pouvoir ne se donne pas, il se conquiert", témoigne-t-elle.

La nomination d'une Première ministre, pour la première fois depuis trente ans, peut être à double tranchant côté Assemblée. "Cela peut provoquer un déclic pour féminiser d'autres fonctions éminentes de la République. Mais cela peut jouer dans le sens inverse: les femmes ont déjà été servies, et les hommes ne vont pas lâcher facilement le pouvoir, considère Mariette Sineau, co-autrice de Femmes et RépubliqueLa loi salique, qui interdisait aux femmes de régner, est encore dans tous les inconscients masculins", pointe la politologue.

Comportements

La ministre de la Transition écologique sortante, Barbara Pompili, députée pendant près de sept ans, voit l'égalité comme "un marathon". En pointe, elle assure que "la libération de la parole des femmes" dans le sillage de MeToo "a fait basculer des comportements" d'hommes machistes ou sexistes.

D'autres femmes, notamment collaboratrices parlementaires, s'inscrivent en faux. Mathilde Viot, cofondatrice de l'Observatoire des violences sexuelles et sexistes en politique, voit "un système" à l'Assemblée fait de "décrédibilisation et moqueries" envers les femmes : "Le climat reste très viril" et "les députés endossent le costume avec arrogance et domination".

Les élections législatives se tiennent sur la toile de fond des révélations sur le nouveau ministre des solidarités, Damien Abad, accusé de violences sexuelles. Perrine Tarneaud, directrice de l'information Public Sénat et Eva Morletto, journaliste et correspondante pour le groupe de presse italien Mondadori, reviennent sur cette affaire sur le plateau de TV5MONDE à la veille du début de la campagne, lancée le 30 mai.

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