Elena Grigorieva : tuée pour avoir défendu les droits des LGBT en Russie ?

Elle avait reçu des menaces, été agressée et avait déposé plainte à plusieurs reprises, en vain... Elena Grigorieva a été assassinée ce 20 juillet. Militante pour les droits des LGBT en Russie, elle était la cible d'un site appelant à la "chasse aux homosexuels".
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Elena Grigorieva
Elena Grigorieva
@rdunbar83
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"Le corps d'une femme de 41 ans portant de multiples blessures au couteau a été découvert dimanche dans le sud de Saint-Petersbourg", précisaient les enquêteurs ce lundi 22 juillet. Les coups ont été portés dans le dos et au visage. La victime aurait également été étranglée. Retrouvée morte à Saint-Pétersbourg, Elena Grigorieva était une militante russe des droits LGBT et de différentes causes de l'opposition :

Elena a été tuée parce qu'elle n'avait pas peur de dire la vérité sur des sujets traditionnellement occultés en Russie, et que taisent les chaînes de télévision officielles,” affirme Marina Ken, une militante venue rendre hommage à Elena Grigorieva dès le lendemain de l'annonce de sa mort à Saint-Pétersbourg, comme des dizaines d'autres manifestants.

hommage à elena grigorieva

Hommage à Elena Grigorieva, Saint-Péterbourg, Russie, le 23 juillet 2019. 

©AP Photo/Dmitri Lovetsky

Tous les militants venus rendre un dernier hommage à Elena Grigorieva rappellent les nombreuses menaces qu'elle a reçues, notamment du fait de son engagement pour la défense des droits des LGBT. Bien que l'homosexualité ne soit pas illégale en Russie, l'homophobie y est parfois très violente. Les agressions à caractère homophobe se multiplient depuis 2013, depuis que le pays interdit ce qu'il dénomme la "propagande homosexuelle" devant des mineurs - à commencer par les marches des fiertés. Une interdiction qui, souligne une Cour européenne, "a renforcé la stigmatisation et les préjugés, et encouragé l'homophobie." 

Incitation à la haine sur Internet

Comme d’autres militants activistes, Elena Grigorieva était depuis plusieurs mois la cible d'incitations à la haine sur un site appelant à participer au jeu baptisé "retour en Tchétchénie", allusion à la violente répression anti-gay lancée en Tchétchénie en 2017. Ouvert en avril 2018, le site "Saw", d'après la série de films d’horreur du même nom, a été bloqué le 20 juillet dernier, mais il avait depuis longtemps publié le nom et la photo d'Elena Grigorieva, entre autres militant.e.s des droits des LGBT, appelant à les traquer et à les torturer comme dans les films.

Voici peu, Elena Grigorieva dénonçait sur sa page Facebook la "chasse aux homosexuels, bisexuels et transgenres" encouragée par le site "Saw", déplorant que "les autorités policières n’aient encore rien fait afin de démasquer les responsables de ce 'jeu' pour les traduire en justice."  Trois jours plus tard, elle était morte. 

Human Rights Campaign, première organisation de défense des droits des LGBTQ aux Etats-Unis, appelle les autorités russes à engager une "enquête approfondie" - pour l'instant, la police russe n'a pas confirmé qu'elle ouvrirait une enquête pour crime de haine. Le directeur de Human Rights Campaign, Jay Gilliam, insiste : "Ces autorités et leurs dirigeants se doivent de protéger les personnes en danger du fait de leur orientation sexuelle, de leur identité ou de leur expression de genre, ainsi que tous ceux qui les soutiennent".

Le meurtre reste exceptionnel, mais les menaces sont quotidiennes et les autorités laissent faire les sites qui diffusent des messages de haine.
Igor Kochetkov,  président du réseau LGBT russe​


Igor Kochetkov,  président du réseau LGBT russe, est lui aussi visé par Saw.  "Les militants s'exposent toujours à certains risques, dit-il. Le meurtre reste exceptionnel, mais les menaces sont quotidiennes et les autorités laissent faire les sites et les réseaux qui diffusent des messages de haine et des listes de personnes à abattre." 

Paradoxalement, les derniers sondages révèlent que les Russes n'ont jamais été aussi favorables aux droits des personnes LGBT depuis 14 ans : près de la moitié de la population se déclare en faveur de l'égalité des droits pour les membres de la communauté LGBT selon l'institut indépendant Levada Center.

Elena Grigorieva participait régulièrement à des rassemblements en faveur de la communauté LGBT, mais aussi des prisonniers politiques. Selon le site russophone Mediazona, elle avait été arrêtée à plusieurs reprises ces derniers mois, lors de manifestations pour les droits des personnes LGBT, mais aussi contre la torture et l'échange de territoires entre la Tchétchénie et l'Ingouchie. Elle  militait aussi contre l'annexion de la Crimée par la Russie.

Elena Grigorieva "a été sauvagement tuée près de chez elle" de huit coups de couteau dans la nuit du 19 au 20 juillet, rapporte le militant de l'opposition Dinar Idrisov. Sur sa page Facebook, il a lancé une collecte de fonds au profit de la mère de son amie pour financer ses funérailles, étant donnée "la situation très difficile de sa famille".

Le Comité d'enquête russe annonce l'arrestation d'un suspect, né en 1981, originaire de l'ex-république soviétique du Kirghizstan, déjà condamné par la justice. Il aurait été en état d'ébrité au moment des faits. Les enquêteurs disent en effet avoir reçu des preuves confirmant que le meurtre avait eu lieu dans le cadre d'un conflit personnel" mêlant des "gens se connaissant au préalable". Une hypothèse corroborée par Fontanka, un journal en ligne de Saint-Petersbourg, qui avance que le suspect est un homme qui aurait effectué de petits travaux chez la victime.