« Ralentis ton pas sur le podium… » « Ah , ces petits fours, je dois les goûter. » « Il est quelle heure, là ? Je dois lancer le deuxième défilé ! » Toute menue dans sa robe bleue du Mozambique, Yvette Tai-Coquillay s’active dans les coulisses. Tout doit être impeccable. C’est, pour elle, le grand soir : cérémonie d’ouverture de son Labo Ethnik à la Cité de la Mode et du Design, lieu hautement branché de la vie parisienne. Y sont rassemblés, jusqu'au 25 mai, 80 jeunes créateurs (prêt-à-porter, accessoires de mode, objets déco et design) provenant des cinq continents.
« La mode en France est trop fermée, explique Yvette Tai-Coquillay. Je veux l’ouvrir à la diversité des cultures, révéler sur la scène parisienne des talents issus de tous les coins du globe. De l’Afrique bien sûr mais pas seulement ! Je veux créer des passerelles, faire du métissage. » Et le métissage, Yvette Tai-Coquillay sait parfaitement ce que c'est. Née en République démocratique du Congo d’un père franco-chinois, fils d’ambassadeur, et d’une mère congolaise, commerçante de Kinshasa, elle en est le produit parfait.

A Kinshasa, « marre de voir les mêmes têtes »
C’est à 18 ans qu’Yvette, pleine d’ambition et de rêves, quitte sa ville natale de Kinshasa où elle en avait « marre de voir les mêmes têtes » pour s’installer à Paris et s’ouvrir à de nouveaux horizons. « Je n’ai pas laissé le choix à mon père. Après des vacances en France, je lui ai dit "moi je reste" et j’ai pris un petit appartement dans le 10e arrondissement avec une amie. Voilà comment tout a commencé ! » Dès lors, ça été la débrouille. « Je me suis lancée dans le tourisme pour gagner ma vie mais c’est la mode qui me passionnait. J’allais à toutes les rencontres culturelles, à toutes les inaugurations d’expositions, à tous les salons de mode mais jamais aux défilés de grands couturiers… C’était privé, je n’étais pas invitée. »
A force de ténacité, la jeune Yvette tisse son réseau, se met à maitriser de mieux en mieux les tendances de la mode jusqu’au… déclic. « Il y a huit ans, sur la demande d’une amie styliste, j’ai organisé son défilé qui a remporté un beau succès. Tout le monde s’arrachait ses pièces en wax [tissus colorés africains, ndlr]. Là j’ai compris qu’il y avait un manque et une envie de voir une mode plurielle à Paris. » Il y avait aussi de vrais besoins à combler du côté des jeunes créateurs issus de l’immigration. « A cette époque, les stylistes afro-caribéens défilaient dans les boîtes de nuit ! Ils n’avaient pas trouvé d’autres lieux. Pour moi, ce n’était pas du sérieux. Il fallait mieux valoriser leur travail. »
Soutenue par son mari et une poignées d’amis, elle fonde alors en 2007 le Labo Ethnik. Depuis, le rendez-vous a pris de l’ampleur. Et plus encore cette année avec l’arrivée d’un nouveau directeur artistique haut en couleur, le très « people » Vincent MC Doom, styliste de formation, surtout connu pour avoir été le premier animateur travesti à la télévision française. « Labo Ethnik est conçu comme une plateforme professionnelle où se croisent désormais créateurs, acheteurs et journalistes, se réjouit la fondatrice. On attend jusqu’à 5000 visiteurs ce week-end. »