Terriennes

Elle métisse la mode dans son Labo Ethnik

Yvette Tai-Coquillay et son directeur artistique Vincent Mc Doom au Labo Ethnik à Paris. Crédit photo : Frédéric Bukajlo.
Yvette Tai-Coquillay et son directeur artistique Vincent Mc Doom au Labo Ethnik à Paris. Crédit photo : Frédéric Bukajlo.

Quittant sa ville natale de Kinshasa, en RDC, à 18 ans pour croquer la vie parisienne à pleines dents, Yvette Tai-Coquillay est parvenue à se faire un place dans le petit monde de la mode en misant sur le métissage. Depuis huit ans, elle organise son Labo Ethnik, un salon qui valorise les jeunes créateurs d'origine africaine et d'ailleurs. 

« Ralentis ton pas sur le podium… » « Ah , ces petits fours, je dois les goûter. » « Il est quelle heure, là ? Je dois lancer le deuxième défilé ! » Toute menue dans sa robe bleue du Mozambique, Yvette Tai-Coquillay s’active dans les coulisses. Tout doit être impeccable. C’est, pour elle, le grand soir : cérémonie d’ouverture de son Labo Ethnik à la Cité de la Mode et du Design, lieu hautement branché de la vie parisienne. Y sont rassemblés, jusqu'au 25 mai, 80 jeunes créateurs (prêt-à-porter, accessoires de mode, objets déco et design) provenant des cinq continents. 
« La mode en France est trop fermée, explique Yvette Tai-Coquillay. Je veux l’ouvrir à la diversité des cultures, révéler sur la scène parisienne des talents issus de tous les coins du globe. De l’Afrique bien sûr mais pas seulement ! Je veux créer des passerelles, faire du métissage. » Et le métissage, Yvette Tai-Coquillay sait parfaitement ce que c'est. Née en République démocratique du Congo d’un père franco-chinois, fils d’ambassadeur, et d’une mère congolaise, commerçante de Kinshasa, elle en est le produit parfait. 
Défilé de mode au Labo Ethnik (crédit photo : Frédéric Bukajlo).
Défilé de mode au Labo Ethnik (crédit photo : Frédéric Bukajlo).
Kinshasa, « marre de voir les mêmes têtes »
C’est à 18 ans qu’Yvette, pleine d’ambition et de rêves, quitte sa ville natale de Kinshasa où elle en avait « marre de voir les mêmes têtes » pour s’installer à Paris et s’ouvrir à de nouveaux horizons. « Je n’ai pas laissé le choix à mon père. Après des vacances en France, je lui ai dit  "moi je reste" et j’ai pris un petit appartement dans le 10e arrondissement avec une amie. Voilà comment tout a commencé ! » Dès lors, ça été la débrouille. « Je me suis lancée dans le tourisme pour gagner ma vie mais c’est la mode qui me passionnait. J’allais à toutes les rencontres culturelles, à toutes les inaugurations d’expositions, à tous les salons de mode mais jamais aux défilés de grands couturiers… C’était privé, je n’étais pas invitée. » 
A force de ténacité, la jeune Yvette tisse son réseau, se met à maitriser de mieux en mieux les tendances de la mode jusqu’au… déclic. « Il y a huit ans, sur la demande d’une amie styliste, j’ai organisé son défilé qui a remporté un beau succès. Tout le monde s’arrachait ses pièces en wax [tissus colorés africains, ndlr]. Là j’ai compris qu’il y avait un manque et une envie de voir une mode plurielle à Paris. » Il y avait aussi de vrais besoins à combler du côté des jeunes créateurs issus de l’immigration. « A cette époque, les stylistes afro-caribéens défilaient dans les boîtes de nuit ! Ils n’avaient pas trouvé d’autres lieux. Pour moi, ce n’était pas du sérieux. Il fallait mieux valoriser leur travail. » 
Soutenue par son mari et une poignées d’amis, elle fonde alors en 2007 le Labo Ethnik. Depuis, le rendez-vous a pris de l’ampleur. Et plus encore cette année avec l’arrivée d’un nouveau directeur artistique haut en couleur, le très « people » Vincent MC Doom, styliste de formation, surtout connu pour avoir été le premier animateur travesti à la télévision française. « Labo Ethnik est conçu comme une plateforme professionnelle où se croisent désormais créateurs, acheteurs et journalistes, se réjouit la fondatrice. On attend jusqu’à 5000 visiteurs ce week-end. »

Les créations qui défilent au Labo Ethnik

Défilé au Labo Ethnik