Avant 1989, il n'y avait qu'elle, la femme suprême, Elena Ceausescu, l'épouse avec laquelle le dictateur Nicolae Ceausescu partageait le pouvoir. Selon certains, elle était l'éminence grise du régime et menait le jeu en matière de politique du pays. Rien d'étonnant donc à constater une présence anémique des femmes sur la scène politique de la nouvelle démocratie roumaine. Ce n'est que que sept ans après la chute du communisme qu'une femme a accédé en tant que ministre au gouvernement. Aujourd hui les Roumaines reprennent peu à peu le chemin du pouvoir. Pour le première fois, une femme est en charge du ministère de l'Intérieur.
Oana Baluta, professeure à l'Université de Bucarest
Mais la fonction la plus haute dans la hiérarchie du pays, la troisième est revenue à Roberta Anastase. En 1994, elle representait la Roumanie au concours de Miss Europe. En 2008, elle devenait la présidente de la Chambre des Député.e.s. Elle n'avait à l'époque que 32 ans et devait mener un combat difficile, face à la méfiance de ses collègues, masculins, parlementaires. "J'ai ressenti une sorte de méfiance quant à ma capacité de connaître et observer les réglements, les procédures. Les hommes avaient l'impression qu'ils étaient les seuls à maîtriser ces choses-là. Peu à peu ils ont vu quand-même que je m'y connaissais et ils ont commencé à changer d'attitude", nous confie Roberta Anastase, ex-présidente de la Chambre des Députés.
Aujourd'hui, 19% des parlementaires sont des femmes, en-dessous de la moyenne européenne donc et bien loin des 30% recommandés, mais c'est néanmoins en progrès par rapport aux années précédentes. Pour Oana Baluta, professeure à l'Université de Bucarest, "Les Roumaines sont mieux représentées dans le parlement européen que dans le national. Cela veut dire que les partis ont été suffisamment ouverts pour envoyer des femmes dans le parlement européen, mais pas pour le Parlement national. Et si l'on regarde au niveau local, la représentation des femmes est encore plus modeste."
Tout comme Paris, Bucarest a pourtant élu une femme comme maire : Gabriela Firea. On pense aussi à la commissaire européenne, responsable de la politique régionale, Corina Cretu. Sans oublier, Laura Codruta Kovesi, qui est depuis 4 ans a la tête du Parquet national anticorruption.
Pour les Roumaines, être femme, une condition en progrès, mais loin derrière celle de la plupart des Européennes
Pendant longtemps, outre le visage dominant d'Elena Ceausescu, les femmes roumaines s'incarnaient dans la silhouette de Nadia Comăneci, gymnaste dont le corps se contorsionnait jusqu'à faire peur à celles et ceux qui la regardaient. Quand on cherche des photos de Roumaines, c'est souvent des sportives qui apparaissent, comme si rien ne s'était passé depuis l'effacement de la dictature.

Heureusement, le magazine en ligne dédié à l'Union européenne "Toute l'Europe" avait classé pour le 8 mars 2017, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, les dix Européennes qui font bouger l'Europe. Parmi elles, la magistrate roumaine Codruta Kövesi et cela dix ans toute juste après l'entrée de ce pays au sein de l'UE : "procureur en chef au sein de la Direction nationale anticorruption (DNA) de Roumanie depuis 2013. Cette femme "adulée des Roumains" s'est fait connaître en permettant à la DNA de faire des progrès considérables dans la lutte contre le corruption de haut niveau, en poursuivant notamment des maires, des parlementaires, des ministres et même l'ex-Premier ministre Victor Ponta alors en exercice."
Une longévité et une santé hésitantes
Le Courrier des Balkans nous apprend qu'en Roumanie, en 2016, comme partout, les femmes étaient en nombre légèrement supérieur aux hommes : 9,76 millions de femmes et 9,28 millions d’hommes, soit 105 femmes pour 100 hommes. Elles vivent certes plus longtemps que leurs concitoyens masculins (78,2 ans contre 77,8). Mais moins bien, en moins bonne santé et moins longtemps que les autres Européennes, seules les Bulgares font moins bien, très loin, par exemple, des Françaises 85,3 ans.
Mère mais pas trop, et pas tôt
Avec 1,38 enfant par femme aujourd'hui, contre 2,43 en 1980, elles affichent l'un des plus bas taux de fécondité de l'Europe. Enfant unique ou presque qu'elles ont en moyenne à 27 ans : "dans ce pays où la contraception est restée un tabou familial, scolaire et religieux, le nombre d’avortements a explosé depuis la Révolution. Entre 1990 et 2005, on en comptait 250 000 par an. Une statistique qui a toutefois diminué de moitié ces dernières années mais qui maintient la Roumanie au deuxième rang des pays européens où l’on avorte le plus, après le Royaume-Uni."
Apprendre, travailler, #yaduboulot
97% sont alphabétisées (98% du côté des hommes), selon la Banque mondiale. Mais leur scolarité s'arrête au Bac pour beaucoup : 57% d'entre elles seulement poursuivront des études supérieures contre 72% des hommes, selon l’Unesco.
Le taux d’emploi des femmes en Roumanie était en 2014 l’un des plus faibles d’Union européenne : seules 57,3% des Roumaines en âge de travailler occupent officiellement un emploi (74% chez les hommes), principalement dans le secteur tertiaire, à savoir dans la santé, l’éducation ou encore le commerce de détail. Une révolution depuis la fin de l'ère Ceausescu qui les employait principalement dans l'industrie. Et pourtant, le chômage des femmes est évalué à seulement 5,7% ce qui en fait l'un des plus bas de l'Europe. Des statistiques contradictoires qui s'expliquent sans doute par le fait que "rester à la maison", le travail domestique féminin donc, non comptabilisé, reste puissant en Roumanie.
Un bon point toutefois : l'écart de salaire entre femmes et hommes, n'est "que" de 8% en leur défaveur, un écart trois fois moins important qu'en France par exemple (24% en 2014).
>https://www.francophonie.org/conference-des-femmes-bucarest.