#ellessimposent : les femmes francophones en ordre de marche à Bucarest

Comment les femmes francophones trouvent-elles, font-elles, leur place dans le monde de l'entreprise, de la finance, de la création, de l'innovation et de la politique ? Autant de questions auxquelles les 450 participant.e.s de la Conférence des femmes de la Francophonie tentent de répondre les 1er et 2 novembre 2017 à Bucarest.
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L'OIF lance le mot dièse #ellessimposent à l'occasion de la Conférence des femmes de la Francophonie, du 1er et 2 novembre 2017 à Bucarest (Roumanie).
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L'OIF lance le mot dièse #ellessimposent à l'occasion de la Conférence des femmes de la Francophonie, du 1er et 2 novembre 2017 à Bucarest (Roumanie).
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Rendez-vous en direct sur Facebook, depuis la conférence des femmes de la Francophonie à Bucarest  pour vous proposer des rencontres exceptionnelles.
Bilan de deux journées intenses avec Michaëlle Jean secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF)en direct de Bucarest. Rendez vous en 2019 au Luxembourg

https://www.facebook.com/terriennes/
 

#ellessimposent. Plus qu'un simple mot dièse, un cri de ralliement. La Conférence des femmes de la Francophonie organisée par l'OIF (Organisation internationale de la Francophonie) qui se tient début novembre 2017 dans la capitale roumaine veut parler concret. Dialoguer, échanger sur ses expériences. Voilà donc le cahier des charges de ce grand rendez-vous. Près de 450 femmes et hommes ont répondu à l'appel, depuis toute la planète francophone. Un joli défi relevé déjà.

Célèbres ou anonymes, cheffes d'entreprise, militantes, politiques, élues, et même présidentes vont donc partager leur savoir-faire et échanger autour de leurs parcours respectifs, qu'on imagine parsemés d'embûches pour accéder à leur autonomie et mettre ainsi en commun leur manière de mettre en pratique ce fameux "empowerment" au féminin.

Empouvoirement, en français dans le texte

Justement, l'empowerment, que nous traduirons ici par empouvoirement, quezako ? "À sa racine, empowerment traite du pouvoir … Sous cet angle, la proposition de traduire empowerment par empouvoirement a pour mérite principal (et ce n’est pas rien) de mettre la question du « pouvoir » au centre. Simple décalque du terme anglo-saxon, je doute fort qu’il passe le cap des commissions de terminologie et de l’Académie Française", peut-on lire dans un article publié en juillet 2015 sur le site  terminologie et numérique.

Autre définition, celle de Clémence Bodoc, jeune cadre dynamique dans une autre vie, avant de rejoindre l'équipe de madmoiZelle. "L’empouvoirement n’est pas un concept théorique : sa traduction concrète est une réelle prise de pouvoir sur sa propre vie (...) S’empouvoirer, c’est se donner les moyens d’escalader les montagnes qui obstruent le chemin, de franchir tous ces obstacles qu’on ne peut pas déplacer. C’est refuser d’attendre que la voie se libère, et se dire : puisque cette route est bouchée, je vais tracer la mienne", nous explique la jeune femme dans cet article mis en ligne en juin 2016 et intitulé L’empouvoirement, le concept féministe qui manquait à la langue française .

111 millions de cheffes d'entreprises dans le monde 

La création d’entreprise par des femmes est globalement en progression. C’est en tous cas ce que révèle Global Entrepreneurship Monitor (GEM) dans son dernier rapport. Au cours des dernières années, dans les 74 pays étudiés à travers le monde, ce sont près de 163 millions de femmes qui ont créé une entreprise tandis que 111 millions de femmes dirigeaient des entreprises déjà constituées.

Ces chiffres font état d’une augmentation sensible du nombre de femmes entrepreneures par rapport à l’édition précédente (+10%), réduisant l’écart avec les hommes à un petit 5%.

"Pour réussir, les entrepreneuses doivent travailler plus dur et se battre à la fois contre les idées reçues et leur manque d'estime de soi. Mais une fois ces barrières levées, elles performent mieux que leurs homologues masculins", pouvait-on lire dans un article des Echos, de janvier 2017, se basant sur un récent rapport édité par BNP Paribas. Il montre que si les femmes ne représentent que 34,6 % des entrepreneurs millionnaires, elles créent un petit peu plus d’entreprises que les hommes (3,6 en moyenne) et génèrent un patrimoine plus important.

Et dans l'économie du numérique ? Un chiffre : 9 milliards d'euros. Voilà la somme que pourrait ajouter au PIB européen une plus forte embauche de femmes dans ce secteur, selon une étude de la Commission européenne sur le rôle des femmes dans les technologies de l'information et de la communication (TIC) publiée en 2013.
 
L'article des Echos s'appuie aussi sur l'analyse de Chine Lanzmann. Pour cette coach spécialisée en leadership et fondatrice de Women Impact, la barrière psychologique trouve sa source dans une problématique sociétale plus large. « Dans l’inconscient collectif, une femme qui demande de l’argent est associée à une prostituée, lance-t-elle, alors que l’homme est associé au businessman ou au bon vendeur. » Le tabou est, selon elle, tellement important que beaucoup ont du mal à fixer leurs prix, annoncer leurs tarifs ou tout simplement se faire payer pour le travail réalisé. Elle rapporte aussi le cas d'une de ses clientes en coaching qui lui raconte qu'elle s'était inventée un associé masculin pour tenir sa position ou faire monter les enchères en négociation.

C'est exactement ce qu'ont fait il y a deux ans, deux jeunes créatrices d'un site de vente en ligne aux Etats-Unis, l'associé fictif répondait aux courriels et avait droit à des réponses plus rapides. L’expérience avait duré au-dela des six mois tant elle était révélatrice, les deux entrepreneuses s’arrangeaient évidemment pour faire annuler à "Mr Keith" ses conf-call à la dernière minute. Puis, le succès aidant, elles décidèrent finalement de le faire disparaître de la circulation.
 

L'exemple africain

Les chiffres sont formels : c’est en Afrique que l’on trouve le plus fort taux de femmes entrepreneures au monde. Selon une étude réalisée par le consortium The Global Entrepreneurship Monitor (GEM), parue en février 2015, elles représentent 27% des entrepreneur.e.s en Afrique sub-saharienne. 63 % des bénéficiaires du micro-crédit sont des femmes. En Côte d'Ivoire, plus de 60% des entreprises ont une femme à leur tête. Au Bénin, après les célèbres "Mama Benz", surnom dont on avait affublé ces femmes, parfois illettrées, qui avaient réussi à se bâtir de vrais empires, on voit arriver aujourd'hui de jeunes entrepreneures bardées de diplômes, incollables en management et en nouvelles technologies.

En revanche, il reste encore beaucoup à faire sur le plan de l'agriculture. Si les Africaines représentent 70% de la production, elles ne possèdent que 12% des terres. L'entreprenariat représente une incroyable chance pour ces femmes, qui pourront changer peu à peu les règles d’une société encore très patriarcale, qui regarde parfois avec défiance les jeunes femmes célibataires se lancer dans le business.
 
Retrouvez toutes les infos sur la Conférence des femmes de la Francophonie ici
>https://www.francophonie.org/conference-des-femmes-bucarest

C'est donc en d'autres termes, de ce "Girl power" en version francophone dont il sera question pendant ces deux jours de conférence, dont Terriennes est partenaire. Les hommes, rassurons-nous, sont aussi du rendez-vous. Au menu, trois axes thématiques : "Droits des femmes et l'accès au marché du travail", "Innovation et entrepreunariat féminin" et "Leadership des femmes dans la gouvernance économique".

Parmi les invité.e.s, pour n'en citer que quelques unes, Marguerite Abouet, scénariste de la bande dessinée Aya de Yopougon, adaptée au grand écran. Le film sera projeté lors de la soirée inaugurale, dans le cadre d'un festival du film organisé par le centre culturel roumain. La jeune femme, franco-ivoirienne est aussi la co-autrice d'une série TV ultra-populaire C'est la vie qui a pour mission d'évoquer les questions sanitaires et sociétales sur le ton de la comédie, diffusée dans plusieurs pays d'Afrique francophone, elle l'est aussi sur notre chaîne Tv5monde.

Egalement attendue à Bucarest, Ameenah Gurib Fakim, première femme élue à la présidence de l’archipel de Mascareignes, dont l'Ile Maurice, en poste depuis 2015. Mère de deux enfants, musulmane, elle a dirigé une chaire de chimie organique et fut doyenne de la faculté des sciences mauricienne, elle est une amoureuse de la langue française.

Et encore, Hindou Oumaru Binta, peule et tchadienne, que nous avions rencontrée chez les Terriennes, pour parler de son action contre le réchauffement climatique et pour les droits des femmes.

Et puis, des femmes roumaines bien évidemment, Lia Olguta Vasilescu, ministre du Travail et de la Justice sociale, ou encore Gabriela Firea, la maire de Bucarest, depuis juin 2016.

Francophonie et femmes

Un nom et un visage, féminin. Depuis le sommet de la Francophonie de Dakar en 2014, c'est la Canadienne Michaelle Jean qui a pris les rênes de l'OIF.  Mais déjà depuis 2000, l'organisation s'est engagée à promouvoir l'égalité femmes-hommes dans tous ses domaines d'intervention. Une première conférence des femmes francophones a eu lieu au Luxembourg en 2010. Elle a conclu ses travaux par une "Déclaration francophone sur les violences faites aux femmes", qui fut suivie en 2015 par une "Déclaration francophone sur l'autonomisation économique des femmes".

"Briser les solitudes est essentiel. Et nous comptons bien mettre en place prochainement un réseau dynamique des jeunes et des femmes entrepreneurs, comme un réseau francophone des incubateurs, un réseau francophone des chambres de Commerce et d’industrie, un Réseau francophone du patronat", déclarait Michaelle Jean lors de son discours à la tribune de l'ONU, à New York en mars 2017. Message répété tout récemment, lors de la visite à Dakar, de la secrétaire générale de l'OIF.
Ainsi la conférence de Bucarest s'achèvera sur le lancement d'un plan d'action pour renforcer l'autonomisation économique des femmes et des jeunes, avec la naissance d'un réseau francophone de femmes entrepreneures.