Emanuela Orlandi, l'éternelle disparue du Vatican

Enlèvement, mafia, blanchiment d'argent, corruption, dignitaires religieux véreux, terrorisme international... La disparition d'Emanuela Orlandi, objet de tous les fantasmes, passionne l'Italie depuis quarante ans. Suite à de nouvelles révélations, la piste d'un drame familial est envisagée, une théorie rejetée par ses proches.

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Où en est l'enquête sur la disparue du Vatican ?

Photos de la disparue Emanuela Orlandi place Saint-Pierre, alors que le pape François prononce la prière de l'Angelus au Vatican, le 25 juin 2023. Ce jour-là, le Pape a rappelé le 40e anniversaire de la disparition d'Emanuela Orlandi. 

©AP Photo/Andrew Medichini
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Emanuela Orlandi, âgée de 15 ans et dont le père travaillait au Vatican, a été aperçue pour la dernière fois dans le centre de Rome à la sortie d'un cours de musique, le 22 juin 1983.

Depuis, cette affaire a donné lieu à d'innombrables spéculations et n'a cessé de passionner les Italiens sur fond de théories du complot mettant en cause les services secrets, la mafia, les hautes autorités vaticanes ou la franc-maçonnerie.

Or selon des informations diffusées par la chaîne de télévision privée La7, les magistrats instructeurs étudient désormais une autre piste, celle du drame familial.

Emanuela Orlandi, la disparue du Vatican

Photo non datée d'Emanuela Orlandi. Le Vatican a pour la première fois ouvert sa propre enquête sur l'affaire.

©AP Photo

De nouveaux éléments ?

Selon La7, le procureur du Vatican a récemment remis à son homologue romain un échange épistolaire entre un haut dignitaire du Vatican et un prêtre en septembre 1983, trois mois après la disparition de la jeune fille.

Le secrétaire d'Etat Agostino Casaroli, numéro deux du Vatican, écrit alors à un prêtre qui fut le conseiller spirituel de la famille Orlandi. Son objet : avoir la confirmation que Natalina, la sœur aînée de la disparue, a été abusée sexuellement par leur oncle, Mario Meneguzzi, aujourd'hui décédé. Le confesseur reconnaît que la jeune fille lui avait avoué les faits.

Elle avait interdiction de parler sous peine de perdre son poste à la Chambre des députés où son oncle, qui tenait la buvette, l'avait embauchée quelque temps auparavant. Des faits connus des enquêteurs de l'époque puisqu'ils avaient été confirmés par le témoignage direct de Natalina Orlandi, selon La7.

Justice pour Emanuela

Le frère d'Emanuela Orlandi entouré de membres de sa famille, réunis le 25 juin 2023 au Vatican, jour anniversaire de la disparition de l'adolescente, quarante ans plus tôt. 

©AP Photo/Andrew Medichin

'Pas de viol'

Mais Natalina, son frère Pietro et leur avocate, Laura Sgro, sous la pression desquels le Vatican, puis le parquet de Rome, ont rouvert le dossier en 2023, récusent cette piste.

"Il n'y a pas eu de viol. Les faits remontent à 1978. Mon oncle m'a fait des avances" mais les choses se sont arrêtées là après qu'il eut été éconduit, a assuré Natalina Orlandi au cours d'une conférence de presse. "Ce n'est pas le scoop du siècle, on parle de choses connues de tous", a souligné l'avocate.

Pourquoi le Vatican ne veut pas de l'enquête parlementaire ? Parce qu'il serait beaucoup plus difficile de contrôler 40 personnes, avec des audiences publiques. Pietro Orlandi, frère d'Emanuela

Pietro Orlandi a rappelé que l'alibi de son oncle, en villégiature loin de Rome au moment des faits, était établi et vérifié. "Le Vatican cherche à rejeter toute forme de responsabilité", a ajouté Pietro Orlandi, renouvelant son appel à la constitution d'une commission parlementaire.

"Pourquoi le Vatican ne veut pas de l'enquête parlementaire ? Parce qu'il serait beaucoup plus difficile de contrôler 40 personnes, avec des audiences publiques", a-t-il dit.

Emanuela Orlandi, 40 ans après sa disparition

Affiche collée sur tous les murs de Rome par la famille d'Emanuela peu de temps après sa disparition. 

©AP Photo

La théorie de l'enlèvement

La théorie longtemps restée la plus populaire voudrait que la jeune fille ait été kidnappée par des mafieux pour faire pression sur le Vatican afin de recouvrer un prêt.

D'autres assurent qu'elle aurait été enlevée pour contraindre les autorités à libérer de prison Mehmet Ali Agça, le ressortissant turc qui avait tenté d'assassiner Jean-Paul II en 1981, et que cette affaire serait liée à son groupe terroriste "Les Loups gris".

Cet enlèvement aurait aussi, selon certains, pu être commandité par le KGB pour faire "chanter" Jean-Paul II, le pape polonais. Un Pape qui, durant son pontificat, a lancé pas moins de huit appels publics pour la libération de la jeune fille.

Durant les années suivantes, plusieurs groupes ont revendiqué l'enlèvement d'Emanuela, sans que ces pistes n'aboutissent. La famille se rendra même dans un couvent au Luxembourg pour y rencontrer une novice avec l'espoir qu'il s'agissait d'Emanuela. En vain. 

"Ma source ("un Américain", ndlr) m'a dit : 'Ecoute, cette affaire n'est pas du terrorisme ; elle n'a aucun lien avec Mehmet Ali Agça, ni avec les Bulgares, ni avec le KGB'", rapporte Andrea Purgatori, un journaliste italien du Corriere della Serra, qui témoigne dans le documentaire Vatican Girl, diffusée sur la plate-forme Netflix. "L'histoire du terrorisme est juste un leurre pour détourner l'attention d'un secret bien gardé par le Vatican, ajoute-t-il. J'ai immédiatement publié un article ou j'ai écrit explicitement que cette affaire cachait quelque chose d'autre, un crime et une affaire d'argent. Bien sûr le Vatican a tout nié". 

Dans cette série, une de ses amies affirme qu'Emanuela lui aurait confié, une semaine avant sa disparition, avoir été harcelée dans les jardins du Vatican par un proche du pape Jean-Paul II.

Les fouilles de deux tombes, le 11 juillet 2019, dans un cimetière du Vatican pour retrouver de possibles restes de la jeune fille disparue n’ont rien donné. Les fouilles avaient été ordonnées par le cardinal secrétaire d’État et numéro deux du Vatican, Pietro Parolin lui-même, suite à une mystérieuse lettre anonyme reçue par la famille Orlandi.

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Emanuela vivante ?

A toutes ces thèses, s'ajoute le témoignage troublant de l'ancienne maitresse d’un baron de la mafia, Enrico De Pedis, dernier chef de la Banda della Magliana qui sévissait à Rome dans les années 1970 et 1980. Sabrina Minardi révèle avoir vu Emanuela durant sa séquestration. Elle accuse le cardinal Marcinkus, numéro 3 du Vatican jusqu’en 1984 et président de la Banque du Vatican (IOR) d'avoir diligenté l'enlèvement de la jeune fille. "Une note confidentielle des services de renseignements intérieurs italiens déclassifiée en 1995 avait déjà évoqué cette hypothèse", selon un article du Figaro. L'enquête avait été rouverte suite à ses déclarations. 

Toujours vivante ? Certains avancent aussi la thèse selon laquelle la "disparue", qui serait aujourd'hui âgée de 55 ans, vivrait cachée dans un couvent quelque part en Europe... Pour Roberta Hidalgo, autrice de L'affaire Emanuela Orlandi, Emanuela vivrait même non loin de la place Saint Pierre... 

Des documents du Vatican – non authentifiés – fournis à un journaliste d'investigation évoquent par ailleurs d'importantes sommes d'argent que le Saint-Siège aurait payé pour les frais d'hébergement de la jeune femme, qui aurait été extradée et aurait vécu pendant quatorze ans dans une mission catholique à Londres, où elle serait décédée. 

"Dans chaque piste, il y a des bouts de vérité", confie son frère Pietro dans le documentaire de Netflix. "La seule chose dont je suis certain, c'est que le Vatican connait la vérité". 

L'affaire Emanuela

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