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Une femme koweïtienne cherche son nom sur une liste d'électeurs dans un bureau de vote à Salwa, au Koweït, le samedi 27 juillet 2013.
L’empowerment féminin a des conséquences sur l’environnement professionnel. L’entreprise doit s’adapter à cette prise de pouvoir au féminin. On parle alors de leadership féminin. Seulement voilà, les freins à l’ascension des femmes sont encore nombreux. Côté entrepreneuriat, si les femmes sont de plus en plus nombreuses à créer leur entreprise, elles sont encore loin derrière les hommes et largement sous-représentées dans les instances dirigeantes des grandes entreprises.
Hélas, les stéréotypes ont encore la vie dure. Une étude mondiale réalisée par le cabinet Hudson auprès de 65 000 personnes, a révélé les raisons pour lesquelles moins de femmes accèdent à des postes de leadership. L’explication principale avancée par cette étude est la "coalition masculine" au sein des comités d’entreprise favorisant le leadership masculin.
De façon inconsciente, volontaire ou involontaire, suivant des traditions culturelles innées et des pressions sociales, les femmes ne sont pas assez présentes là où elles peuvent être moteur et avoir un impact.
Chiara Corrazza, présidente du Women's Forum
On estime à 224 millions le nombre de femmes entrepreneures dans le monde, ce qui représente 35% des entreprises de l’économie globale. Cependant, uniquement 1% des financements privés ou publics sont attribués à des entreprises détenues par des femmes à l’échelle internationale. Au niveau mondial, ces inégalités pénalisent les performances économiques, conduisant à une perte d’au moins 15% du PIB global.
"Actuellement ce sont majoritairement les hommes qui sont aux commandes et qui disposent des leviers du changement. De façon inconsciente, volontaire ou involontaire, suivant des traditions culturelles innées et des pressions sociales, les femmes ne sont pas assez présentes là où elles peuvent être moteur et avoir un impact", estime Chiara Corrazza, présidente du Women's Forum en préambule dau rapport Les femmes au coeur de l'économie. La France pionnière du leadership au féminin dans un monde en pleine transformation publié en janvier 2020.
Dans le monde arabe, l'inclusion reste un enjeu crucial. Malgré des progrès en matière d'accès à l'éducation, les femmes peinent encore à intégrer le marché du travail, à faire évoluer leurs carrières vers des postes à responsabilité. L'accès aux financements, à l'entrepreneuriat, ou encore à des domaines clefs comme les sciences, l'innovation, l'ingénierie et les nouvelles technologies sont autant de défis à relever dans une région où codes culturels et cadres réglementaires restent parfois des obstacles.
Le 6 avril 2021 s'est tenue la 15ème édition des Journées économiques de l'Institut du monde arabe, en mode 100% numérique, et cette année, ce sont les femmes qui ont été mises à l'honneur.
Chiara Corazza : Le plus important pour moi, c'est le pouvoir de choisir, de prendre en main sa destinée. Cela passe bien entendu par l'indépendance économique. Mais c'est surtout la capacité de décider. D'avoir les cartes en main pour choisir la vie que l'on veut mener dans la société que l'on souhaite, d'avoir les clefs pour réussir et faire ce que l'on souhaite faire. C'est la capacité d'avoir une vision, une ambition, et pas seulement pour soi-même, même si ce n'est pas toujours facile, c'est ce qui est mon moteur.
Il faut se montrer, car si on n'est pas visible, on ne compte pas !
Chiara Corazza
Prendre sa place politique, et cela passe par la confiance en soi. Et puis, ça passe aussi par les réseaux. C'est la force des autres qui nous donne de la force ! La solidarité et la sororité contribuent à l'empowerment. Depuis que je suis toute petite et que je veux changer le monde, avec mes deux soeurs, le défi pour moi c'était de dépasser ma timidité, mon horreur de prendre la parole en public, mon horreur de devoir me montrer. Je suis quelqu'un qui aime agir dans l'ombre, cachée, mais je me suis rendue compte que ce n'était pas possible. Il faut se montrer, car si on n'est pas visible, on ne compte pas !
Pour améliorer le leadership féminin, il faut qu'il y ait suffisamment de femmes ayant le niveau d'éducation et de formation pour pouvoir accéder à ces postes. Au Maroc, au niveau des ingénieurs, nous sommes quasimment à la parité, c'est encourageant. Maintenant, à travers le monde et dans le monde arabe, il y a encore de nombreux pays qui continuent à appliquer des lois discriminatoires envers les femmes. Il faut aussi travailler sur l'inclusion financière des femmes. Au Maroc, par exemple, on accepte que ce soient elles les cheffes du foyer ; en revanche, on va se cacher derrière notre culture et parfois derrière notre religion pour leur refuser bien d'autres positions de leadership qu'elles méritent.
Princesse Intisar Al Sabah : Au Koweit, et ce depuis des années, les filles ont de meilleurs résultats que les garçons à l'entrée dans l'éducation supérieure. Si bien que le gouvernement a introduit des quotas de garçons dans les écoles de médecine et d'ingénieurs. Sinon, nous aurions 80 % à 90 % d'ingénieures et de femmes médecins ! Donc on sait recourir aux quotas... pour les garçons ! Mais toujours pas pour les filles. Les hommes ont réclamé, alors que les femmes n'ont jamais exigé de quotas pour être représentées dans toutes les sphères de la société.
Les Koweitiennes excellent à l'école et à l'université, c'est à l'entrée sur le marché du travail qu'apparaît le plafond de verre.
Princesse Intisar Al Sabah
Les Koweitiennes excellent à l'école et à l'université, c'est à l'entrée sur le marché du travail qu'apparaît le plafond de verre. Et pourtant, la première femme au monde à la tête d'une agence de presse nationale (Kuna, ndlr) était une Koweitienne ; la première femme major d'université était aussi une Koweitienne... Les succès individuels sont nombreux, mais ils ne font pas bloc. Ces femmes extraordinaires inspirent, mais le plafond de verre est encore solide.
Ce plafond de verre, nous nous l'infligeons souvent nous-mêmes. Moi aussi, j'ai mis du temps à comprendre que j'étais la première en cause. Ma réflexion et mon ambition ne se heurtent pas au plafond de verre - elles se le construisent. Cela fait des millions d'années que les femmes s'entendent dire qu'elles sont inférieures aux hommes. Il faut maintenant apprendre à se mettre en avant. J'estime à 50 % la part des barrières que nous nous mettons à nous-mêmes, et à 50 % la part des autres facteurs qui entravent les femmes.