Fil d'Ariane
« Je suis fier d’annoncer que, pour la première fois, j’ai désigné une femme (pour siéger) à la Cour suprême », a déclaré le président Ashraf Ghani au cours d’une conférence à Kaboul sur les droits des femmes. Une annonce forte dans un pays aussi patriarcal.
L’élue qui se nomme Anissa Rassouli est une magistrate chevronnée. Elle ne pourra toutefois officier aux côtés de ses huit pairs que si elle remporte le vote de la Chambre basse du parlement afghan, là où siègent de nombreux dignitaires religieux plutôt conservateurs. Mais le président reste confiant : « nous avons le plein soutien des oulémas (théologiens musulmans) », a-t-il lancé avant d’ajouter en forme d’avertissement : « J’espère que mes frères me suivront dans cette voie. » Le message est lancé.
Dans la foulée de cette première nomination d’une femme à un poste aussi prestigieux, le président afghan a également demandé à « tous les ministères de nommer au moins une femme à un poste de vice-ministre ». Elles pourraient ainsi rejoindre les trois femmes qui participent au cabinet du président formé le 12 janvier dernier, trois mois après l’élection d’Ashraf Ghani.
Parmi elles, Najiba Ayubi, journaliste et militante des droits des femmes, a intégré le nouveau gouvernement d’union nationale à la tête du ministère de la Condition féminine.
Ces décisions d’intégrer les femmes dans le gouvernement afghan illustre bien la volonté du président, ancien économiste de la Banque mondiale, de réformer son pays. Avec son épouse libanaise Rula, ils sont fait de la cause des femmes un enjeu majeur de cette présidence.
Ashraf Ghani a d’ailleurs annoncé la nomination de la première femme à la Cour suprême lors d’une conférence consacrée à l’application de la résolution 1325 du conseil de sécurité des Nations unies qui incite les pays membres à défendre les femmes et à promouvoir leurs droits.
Des efforts, encore (trop) timides se font jour en Afghanistan depuis la chute du régime des talibans en 2001. Ces derniers mois, on a ainsi vu fleurir des articles plébiscitant dans la presse internationale la nomination de la première femme commissaire, Djamila Bayaz, 50 ans, dans le district de la police de Kaboul. En avril dernier, on découvrait aussi le visage de la première femme pilote d’avion du pays. A 23 ans, Niloofar Rahmani est parvenue à se faire une place dans un milieu quasi exclusivement masculin dans un pays toujours très patriarcal.
En dépit de ces exemples de femmes qui peuvent faire avancer leur condition dans le pays, les femmes restent (trop) souvent la cible de violences et de discriminations. Dernier exemple, celui de Farkhunda en mars dernier qui a suscité un vif émoi.La jeune femme de 27 ans a été lynchée puis tuée par un groupe d’hommes. La raison de cet acharnement ? Elle était accusée d’avoir brûlé un exemplaire du Coran.
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« La femme doit être respectée parce qu’elle est une femme, non pas parce qu’elle est la soeur ou la fille d’untel ou untel », a rappelé le président afghan lors de la conférence à laquelle il assistait, cette semaine, sur les femmes. Mais sera-t-il entendu ?
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