En Afghanistan, l’ex-journaliste Mina Mangal assassinée, les droits des femmes visés

Ex-journaliste et militante du droit des femmes en Afghanistan, Mina Mangal a été assassinée le 11 mai dans la banlieue de Kaboul. Le motif précis de son meurtre – politique ou « familial » - n’est pas avéré à ce stade mais il s’inscrit dans un contexte d’inquiétantes menaces sur les rares acquis des femmes dans ce pays.
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Mina
Mina Mangal sur Facebook
(copie d'écran)
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C’était un visage connu du fragile monde médiatique afghan et aussi une voix engagée. Deux tueurs et neuf balles l’ont fait taire. Journaliste, Mina Mengal (ou Mena selon la transcription) avait longtemps été présentatrice des informations en langue pachtoune de Tolo TV, la plus importante chaîne privée du pays, puis de sa concurrente Shamshad TV.

Plus récemment, elle était devenue conseillère culturelle au parlement afghan. Militante, elle défendait le droit des femmes à l’éducation et au travail. Elle s’était aussi impliquée dans la lutte contre les mariages forcés.

Alertes

Est-ce ce combat qui lui a été fatal ? Le 11 mai dernier à 7 heures 30 du matin Mina Mengal a été abattue par deux hommes à moto près du marché de Karte Naw, un faubourg du Nord-Est de Kaboul, alors qu’elle se rendait à son travail.

Le ministère de l’Intérieur s’est borné à déclarer que des inconnus avaient tiré sur elle et qu’une enquête était ouverte. Une source policière a précisé ne pas exclure un meurtre à caractère familial. Selon sa mère, les tueurs sont connus de la famille.

Une semaine plus tôt, Mina Mengal avait écrit sur Facebook se sentir menacée, ajoutant qu’une femme forte n’avait pas peur de la mort, et qu’elle aimait son pays.

"Cette femme avait averti que sa vie était en danger ; pourquoi ne s’est-il rien passé ? Nous avons besoin de réponses", s’indigne Wazhma Frogh, avocate des droits humains et particulièrement celui des femmes. "Pourquoi est-ce si facile [aux hommes] dans cette société de continuer à tuer les femmes qui leurs déplaisent ?", s'interroge-t-elle.

Emotion et indignation

L’assassinat a provoqué la colère et l’inquiétude des militantes et collègues de Mina, inspirant de nombreux messages sur les réseaux sociaux. Pour la députée Shagufa Noorzai, il s’inscrit dans une série de féminicides :
L’émotion s’est également exprimée dans le monde occidental, par la voix de féministes mais aussi de - rares - dirigeants politiques, tels le Premier ministre canadien :

Régression

Depuis le début des années 2000, de nombreux assassinats et agressions ont été perpétrés en Afghanistan contre des femmes occupant des postes publics ou des intellectuelles. Ils sont parfois l’œuvre de groupes politiques ultra-conservateurs, mais parfois aussi de la communauté, ou même parenté des victimes.
 
Objet d’espoirs après la chute en 2001 du régime ultra-religieux – qui leur interdisait l’école et le travail, et imposait le port de la burqa –, la situation des femmes afghanes se dégrade à nouveau depuis quelques années. La question de la défense de leurs droits a été complètement évacuée des pourparlers récemment ouverts entre les forces américaines et des représentants des taliban. Or, rien n’indique que ces derniers aient le moins du monde évolué sur ce point.

Quelques jours avant l’assassinat de Mangal, un de leurs commandos–suicide attaquait à Kaboul les locaux de l’organisation non gouvernementale Counterpart International, tuant au moins cinq personnes. Parmi les motifs proclamés de l’agression, le porte-parole des Taliban a évoqué les activités occidentales "néfastes" de l’ONG et le fait qu’elle "promouvait les relations mixtes hommes-femmes". 18 journalistes ont en outre été tués en Afghanistan au cours des 16 derniers mois.