En Bolivie, cachez ces soeurs, enceintes, que l'on ne saurait voir...

Des féministes ont manifesté à la Paz, en Bolivie, lundi 6 juillet, à deux jours de la visite du pape François pour dénoncer les positions de l'Eglise catholique contre l'avortement et les homosexuels.
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capture soeurs
Des membres du groupe anarcho-féministe "Mujeres creando" ont manifesté en religieuses devant la cathédrale de La Paz en Bolivie, avant la visite prévue du pape François dans le pays, le 8 juillet 2015.
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Elles sont venues pour choquer les esprits, voilà leur prière exaucée ! Et pour choquer, elles n'ont pas choisi n'importe quelle tenue. A l'inverse des Femen européennes et de leurs poitrines dénudées, ces militantes féministes boliviennes ont, au contraire, choisi de se couvrir le plus possible. Quoi de mieux qu'une tenue de nonne voilée ? A un détail près, celles-ci affichent un ventre rond, et même très rond.

Si ces ventres sont factices, le message ne l'est pas. Manifester en tenue de religieuse, qui plus est, enceinte, voila leur moyen d'interpeller le pape François sur l'avortement et sur ces femmes qui, chaque année, mettent au monde "des bâtards de l'église" comme elles l'ont inscrit sur des banderoles en forme de ceintures.

Mouvement anarcho-féministe

A l'origine de cette action, un groupe bolivien présenté comme anarcho-féministe et baptisé, (non pas au sens religieux du terme vous l'aurez compris!),  "Mujeres Creando", autrement dit "les femmes qui créent".
Ce groupe existe depuis une vingtaine d'années. Il participe à de nombreux projets notamment dans la lutte contre la pauvreté, des actions souvent organisées sous forme de théâtre de rue ou via des émissions télévisées.

Parmi le groupe de manifestantes qui s'étaient rassemblées sur les marches de la cathédrale de la Paz, lieu symbolique s'il en est, certaines arboraient fièrement des tee-shirts reproduisant l'effigie du pape crucifiant Jésus, avec ce slogan : "ton église crucifie les femmes tous les jours, le féminisme les ressuscite".

La manifestation n'a pas duré très longtemps, les forces de l'ordre sont vite intervenues pour disperser de manière musclée le rassemblement.


Il fallait bien sûr éviter tout dérapage à 48 heures d'une visite papale attendue, le 8 juillet, dans la plus grande des ferveurs, dans ce pays laïc à majorité catholique. Il s'agit de la première escale en Bolivie du pape François. Une escale car il ne reste, en effet, que quelques heures dans la capitale bolivienne, qui à 3.700 mètres d'altitude est l'une des villes les plus hautes du monde, l'une des plus proches du ciel aussi...

Une ville qui, depuis toujours, est le théâtre de révolutions et mouvements sociaux, une tradition qui devrait pourtant parler au chef de l'Eglise catholique, particulièrement sensible aux causes sociales, et que certains observateurs présentent déjà comme un pape révolutionnaire…

Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger ?

Le pape François


C'est d'ailleurs en altitude, à bord d'un avion qui le ramenait des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ) au Brésil, qu'il avait, déclaré le 29 juillet 2013 : "Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger? Le problème n’est pas d’avoir cette tendance, nous devons être frères."

A l'époque, la phrase avait choqué les plus conservateurs et emballé les progressistes. Deux ans plus tard, les espoirs d'une "révolution" au sein de l'Eglise catholique se sont quelques peu refroidis au vu de l'affaire "Laurent Stefanini", l'ambassadeur, gay, choisi par la France pour la représenter au Vatican, et dont le souverain Pontife ne veut pas, provoquant une dispute diplomatique entre Paris et le Vatican.
 

Périple papal en Amérique latine

Si le pape François ne fait qu'une escale en Bolivie, c'est parce qu'il effectue un périple de 8 jours en Amérique du Sud jusqu'en Equateur et au Paraguay : 24.000 km de parcours, 22 discours. Il s'agit du 9ème déplacement à l'étranger, de ce premier pape jésuite et latino-américain, âgé de 78 ans.

pape equateur
Des pèlerins lèvent leurs mains pour être bénis par le pape François lors d'une messe qu'il a donné le 6 juillet 2015 en Equateur, à Guayaquil.
©AP Photo/Fernando Vergara

Au programme, de nombreux thèmes : la participation de l'Eglise catholique au "débat démocratique", le respect de "l'identité culturelle de chaque pays", les cultures des peuples indigènes, la protection de l'environnement et des familles, l'injustice sociale, la lutte contre la corruption et les trafics.

> Lire notre article "Le message social du pape François en Amérique latine"

Et l'avortement ?

Sur la question de l'avortement, le Vatican a annoncé au printemps 2015 que l'Eglise accorderait un pardon exceptionnel aux femmes ayant avorté ainsi qu'aux personnes qui les ont aidées, cela à l'occasion du prochain Jubilé de la miséricorde, qui débutera en décembre prochain pour s'achever en novembre 2016.
Une initiative du pape qui ne remet cependant pas en cause la position de Rome sur le sujet.

En Bolivie, l'avortement reste interdit par la loi. En février 2013, la Cour constitutionnelle a rejeté la dépénalisation de l'IVG réclamée par les féministes, et soutenue par la députée Patricia Mancilla, membre du parti au pouvoir du président socialiste Evo Morales. 

Actuellement, le Code pénal bolivien prévoit une peine de deux à six ans de prison pour tout médecin ou personne pratiquant une interruption volontaire de grossesse. Les "Mujeres creando" ne sont pas prêtes de laisser leurs tenues de nonnes "engrossées" dans les armoires…