Fil d'Ariane
Casimira Rodriguez est une femme « de pollera » comme on dit en Bolivie, littéralement une femme « de jupes », soit une Bolivienne qui s’identifie à la culture indigène, et qui porte l’habit traditionnel des cholitas : de petites chaussures, deux tresses portées dans le dos, et surtout, ces fameux jupons, multiples et colorés.
A retrouver sur ce sujet dans Terriennes :
> Les Cholitas, une autre révolution bolivienne
Mais Casimira Rodriguez c’est avant tout la première femme cholita à avoir été Ministre de la Justice en Bolivie. C’était en 2006. Evo Morales formait son premier gouvernement et celui qui est toujours président aujourd’hui tenait à une représentation paritaire au sein de l’exécutif, des femmes, et des indigènes. Casimira Rodriguez cumulait les deux caractéristiques.
D’origine très modeste, quechua, jamais elle n’aurait pensé occuper un tel poste, malgré sa qualité de Présidente de la confédération latino-américaine des employées de maison, poste qu’elle occupe lorsqu’Evo Morales l’appelle pour être à la tête de la Chancellerie. Depuis l'âge de 13 ans Casimira Rodriguez est domestique. Exploitée, elle fuit le premier foyer où elle travaille mais continue à exercer ce métier. Elle le connaît si bien ce métier, que très jeune, elle crée un syndicat pour les travailleuses de son département, puis elle se retrouve à diriger le syndicat national. Et finit par atteindre le sommet de la confédération latino-américaine de ce secteur en 2001. Aujourd’hui elle a retrouvé sa région natale, Cochabamba (sud-est de la capitale, au centre du pays), où elle travaille comme défenseure des droits des femmes.
Je crois que le fait d'être une femme, ça n'a pas plu aux fonctionnaires du ministère de la Justice, aux avocats.
Casimira Rodriguez, ancienne ministre de la Justice, syndicaliste
Voilà pour son CV. Mais au-delà d’être cette représentante acharnée des travailleurs, Casimira Rodriguez est une femme joyeuse, qui rit beaucoup et ne se décourage jamais. A 51 ans, elle doit encore subir les affronts de certains hommes qui refusent son autorité dans le département. Mais le mépris n’a jamais arrêté cette « féministe révolutionnaire », comme elle se décrit elle-même : "Je crois que le fait d'être une femme, ça n'a pas plu aux fonctionnaires du ministère de la Justice, aux avocats. (.../...) En plus nous voulions que désormais tout le monde puisse rentrer dans le ministère, sans contrôle d'identité. Mais on a dû renoncer. Et on a fait ce que beaucoup de mouvements révolutionnaires font quand ils arrivent au pouvoir, il a fallu se comporter comme des représentants de l'Etat, et j'ai pensé qu'on était mieux avant, de l'autre côté…"
Soledad Chapeton devient peu à peu une figure incontournable de la politique bolivienne. Elle est le nouveau visage de l’opposition, et vice-présidente du parti Unité Nationale (centre droit) depuis 2010. Elle est jeune (née en 1980), c’est une femme, elle est aymara, peuple originaire de la région du lac Titicaca, et qui plus est, elle est désormais à la tête d’une ville considérée comme « ingouvernable », El Alto.
El Alto est une ville de la périphérie de la capitale La Paz. Tous les jours, elle capte un peu plus de migrants venus des campagnes pour chercher du travail. Un recensement exhaustif serait difficile à mener, mais il semblerait que la commune compte désormais près d'un million d’habitants.
C’est une ville jeune, chaotique, dangereuse dans certains quartiers, gigantesque, qui n’arrête pas de s’étendre. C’est une cité rebelle aussi, qui, quand ses habitants se soulèvent, peut bloquer La Paz pendant des semaines. Et surtout, traditionnellement, elle vote pour le parti d’Evo Morales, le MAS (Mouvement pour le socialisme). Mais pas en 2015, lors des dernières élections municipales. Les « Alteños » ont choisi celle que l’on appelle ici « La Sole », une jeune femme de 36 ans, qui se présentait pour la seconde fois et qui promettait de mettre fin à la corruption qui gangrène la ville.
Pour une femme qui veut entrer en politique, le plus dur à faire, c'est le premier pas. Et beaucoup reculent tant c'est dur.
Soledad Chapeton, vice-présidente du parti Unité Nationale, mairesse de El Alto (1 million d'habitants)
Depuis elle a vécu ce que El Alto peut offrir de pire : l’occupation, en février 2016, de sa mairie par des manifestants, qui ont fini par mettre le feu au bâtiment, tuant ainsi six fonctionnaires municipaux. De cet événement elle a beaucoup parlé, et en est resté traumatisée. Mais elle tient à garder la tête sur les épaules, elle a encore beaucoup à faire en tant que maire de El Alto : "Si j'ai le choix, je préfère travailler avec des femmes plutôt qu'avec des hommes. Mais je ne suis pas non plus une féministe extrémiste. Je ne veux pas jeter les hommes. (.../...) Pour une femme qui veut entrer en politique, le plus dur à faire, c'est le premier pas. Et beaucoup reculent tant c'est dur. Il y a eu des conseillères municipales harcelées et même assassinées. Comme mairesse d'une grande villes, je vois beaucoup d'hommes mal à l'aise de traiter avec moi. Mais pour être sincère, je n'ai jamais utilisé le genre comme arme politique."
En Bolivie, Gabriela Montaño représente une nouvelle classe politique : une jeune génération, de gauche, aux idées novatrices, le contingent des nouveaux membres du MAS, le parti d’Evo Morales. Mais Gabriela Montaño n’est pas une simple « masiste » comme on dit ici, c’est avant tout la Présidente de l’Assemblée en Bolivie.
Réussir à rencontrer cette jeune femme n’est pas donné à tout le monde. Son agenda est surchargé, entre cessions parlementaires, réunions publiques et retours dans sa circonscription à Santa Cruz (centre est du pays). Mais une fois en sa présence, elle donne tout son temps, et surtout toute son énergie pour faire partager ses idées. Son principal cheval de bataille : les droits des femmes. Elle travaille d’ailleurs en ce moment à une réforme du Code pénal, un travail de titan, avec un volet pour élargir les possibilités d’avortement dans le pays. Une petite révolution dans une Bolivie encore très conservatrice.
Elle parle peu de ses deux filles, et plus généralement de sa vie personnelle, même si parfois elle utilise des métaphores de santé pour évoquer les changements politiques, elle qui a été médecin avant de se dédier entièrement à la politique. Elle n’a pas tout à fait le profil « ouvrier » habituel au MAS, mais pourtant elle adhère parfaitement aux idées de son président, qu’elle soutient coûte que coûte, malgré sa baisse de popularité actuelle.
Les femmes sont majoritaires à l'Assemblée et plus de 40% au Sénat. Cette présence quantitative se transforme en présence qualitative qui permet de changer les priorités.
Gabriela Montaño, présidente de l'Assemblée parlementaire de Bolivie
Cette féministe, anti-impérialiste, n’a pas peur des mots, elle dénonce sans cesse le patriarcat de son pays et se lèvera toujours pour les droits des femmes. Femme politique féroce, elle qui est déjà à la tête de l’Assemblée parlementaire atteindra certainement les plus hautes sphères de l’Etat : "On ne nous attaque pas directement nous les femmes, mais on s'en prend à ceux qui nous sont proches, notre famille, nos enfants, notre couple. Nous sommes jugées sur notre vie, comme jamais un homme ne le serait. Des députées ont dû faire face à des comportements très violents, même si nous ici au Parlement, il nous est plus facile de nous défendre, de porter plainte. Les femmes sont majoritaires à l'Assemblée et plus de 40% au Sénat. Cette présence quantitative se transforme en présence qualitative qui permet de changer les priorités."
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