
Fil d'Ariane
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2/4 Parmi les survivant.e.s des violences sexuelles, nous comptons :
— MSF Western & Central Africa (@MSF_WestAfrica) December 19, 2022
☑️92,8 % de femmes
☑️7,1 % d’hommes
☑️38,9% de mineurs
Nous constatons une demande croissante des services, mais seulement 1⃣ personne sur 5⃣ arrive dans les 72 heures après l'agression.#Tongolo #RCA pic.twitter.com/poe69s077C
Dans l'écrin de verdure du site, Camille tente de poser des mots sur son traumatisme. "J'étais dans une chambre avec mes frères et sœurs… Mon cousin est entré et a demandé à tout le monde de partir, lâche-t-elle du bout des lèvres. Une fois la porte fermée, il a plaqué sa main sur ma bouche", raconte-t-elle en imitant le geste, ajoutant, d'une voix à peine audible : "Je voulais crier pour ameuter tout le quartier, mais il m'en empêchait".
J'ai compris que si je ne parlais pas, il continuerait.
Victime de violences sexuelles intrafamiliales
Le projet Tongolo, piloté par Thomas Gaudriot, a recensé plus de 3 420 victimes de violences sexuelles entre janvier et novembre 2022. Dont "50% ont été agressées par un membre de leur entourage", note-t-il, précisant que dans cette moitié, "plus d'un quart sont mineures et 10% sont des hommes". Mais "ce n'est que le sommet de l'iceberg", redoute le chef du centre, confronté à la difficulté de recueillir des données précises et complètes à l'échelle du pays.
Murée dans le silence et terrorisée à l'idée d'être rejetée ou punie par ses proches, Camille sera à nouveau violée par son cousin. "Puis j'ai compris que si je ne parlais pas, il continuerait", dit-elle. Les parents du cousin la tiennent pour responsable de l'agression dans une société qui perçoit les victimes de viols comme "coupables et déshonorées", regrette Camille. "Ma tante m'a grondée et obligée à faire un test de grossesse. J'étais enceinte", lâche-t-elle.
La victime est toujours tenue pour responsable par un ou plusieurs membres de sa famille ou du voisinage.
Sylvie Gonekra, sage-femme à Tongolo
Quelques jours plus tard, elle se rend au centre pour avorter. "Le personnel médical a compris que ce n'était pas ma faute et la sage-femme qui m'a accueillie m'a fait beaucoup de bien, j'ai pu me confier. Sans elle, je ne l'aurais peut-être jamais dit à personne", explique Camille. Dans la plupart des cas "la victime ne vient pas pour dire ce qu'elle a subi mais pour avorter (...) elle est toujours tenue pour responsable par un ou plusieurs membres de sa famille ou du voisinage", déplore Sylvie Gonekra, sage-femme à Tongolo depuis six ans.
3/4 « Lorsque les patients arrivent dans les 72 heures, nous pouvons les aider à prévenir la transmission du #VIH et d’autres IST et leur donner l’accès à une contraception d’urgence », dit Thomas Gaudriot, coordinateur du projet #Tongolo à #Bangui #RCA pic.twitter.com/m5dBtRmXPX
— MSF Western & Central Africa (@MSF_WestAfrica) December 19, 2022
Si le fléau des violences sexuelles n'est pas directement lié à la guerre civile, qui a baissé d'intensité depuis quatre ans, "le conflit a fait augmenter la précarité qui favorise, entre autres, ces crimes", estime Thomas Gaudriot. Mais "très souvent le viol devient un attentat à la pudeur jugé en correctionnel", regrette Magalie Besse, directrice de l'Institut Francophone pour la Justice et la Démocratie Louis Joinet (IFJD), dénonçant une "approche patriarcale de la justice".
Pourtant, "le code pénal centrafricain a une définition classique du viol (une pénétration sexuelle sans consentement, ndlr) mais pour beaucoup d'acteurs de la chaîne pénale, si la victime a plus de 15 ans et qu'elle n'était pas vierge au moment des faits, elle n'a pas été violée", explique la responsable de cette ONG spécialisée dans les processus de justice et réconciliation des pays en guerre civile ou s'en relevant.
L'auteur est bien mieux protégé que la victime, ce qui la dissuade de porter plainte.
Une avocate centrafricaine
D'ailleurs, "les magistrats sont très souples avec les accusés, ils vont facilement accorder des remises en liberté provisoire ou décider de circonstances atténuantes", poursuit-elle. "Même les dossiers de victimes présentant des signes manifestes d'agression sexuelle n'aboutissent à rien, l'auteur est bien mieux protégé que la victime, ce qui la dissuade de porter plainte", assure une avocate centrafricaine sous couvert de l'anonymat.
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