En exil, la journaliste et militante féministe iranienne Masih Alinejad toujours menacée

Exilée depuis près de dix ans aux Etats-Unis, Masih Alinejad mène un combat sans relâche contre le port obligatoire du hijab pour les femmes en Iran, notamment via les réseaux sociaux. Un combat qui, mené à distance, gêne encore. Visée par une tentative d'enlèvement en 2018, la journaliste et militante vient d'échapper à un attentat. 
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Masih Alinejad
Photo non datée de Masih Alinejad.
©Masih Alinejad via AP
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Un homme armé d'une kalachnikov a été arrêté à New York devant le domicile de Masih Alinejad. La journaliste et militante irano-américaine féministe, hostile à Téhéran, avait déjà été la cible d'un projet d'enlèvement en 2018. Peu avant, Terriennes l'avait rencontrée, alors qu'elle vivait déjà en exil à New York.

Point de mire 

Les 27 et 28 juillet 2022, Khalid Mehdiyev a été surpris autour du domicile de Masih Alinejad, à Brooklyn, l'un des cinq secteurs de la ville de New York. L'homme a finalement été interpellé par le FBI, qui a découvert dans sa voiture un fusil AK-47 et une soixantaine de munitions, selon la police fédérale.

Mon crime est de donner une voix aux sans-voix.
Masih Alinejad, journaliste et militante féministe 

Dans ces documents judiciaires, rendus publics quelques jours plus tard, Masih Alinejad n'est pas citée, mais l'intéressée a confirmé sur twitter, images de vidéo-surveillance à l'appui, que l'homme arrêté par la police new-yorkaise "avait tenté de rentrer chez (elle) à New York avec une arme à feu chargée pour (la) tuer".

"L'année dernière, le FBI a empêché la République islamique (d'Iran) de me kidnapper. Mon crime est de donner une voix aux sans-voix. Le gouvernement des Etats-Unis doit être dur avec le terrorisme", écrit la militante féministe sur les réseaux sociaux. En juillet 2021, la justice américaine avait inculpé quatre "agents du renseignement iranien", accusés d'avoir préparé l'enlèvement de Masih Alinejad en 2018. Ils avaient tenté de forcer des proches iraniens de la journaliste à l'attirer dans un pays tiers, pour l'arrêter, l'emmener en Iran et l'emprisonner.

"Allez au diable !"

L'été dernier, en signe de soutien, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'était entretenu avec cette activiste irano-américaine, réputée notamment pour ses positions contre le port du hijab des femmes en Iran, et ses déclarations et écrits ouvertement hostiles au régime de Téhéran.

Sur l'antenne de CNN, Masih Alinejad réagit avec colère à ce nouvel attentat déjoué : "Ils me suivent, j'ai un message pour eux. Je sais qu'ils écoutent, je veux leur dire : 'Allez au diable !' je n'ai pas peur de vous. Je n'ai qu'une vie. Vous voulez le pouvoir. Je veux ma dignité, ma liberté, comme des millions d'Iraniens. Je n'ai pas peur. Vous pouvez me tuer, mais vous ne pourrez pas tuer les idées." Elle appelle ensuite à la rupture de toutes relations entre l'Iran et les Etats-Unis, à commencer par le renvoi des diplomates.

Une intrusion "intolérable"

Sur twitter, Masih Alinejad se dit choquée "de se réveiller le matin et de voir son visage en couverture de journaux liés à un complot terroriste à New York, pour la DEUXIÈME fois..., écrit-elle. Les Américains ne sont pas en sécurité chez eux si notre gouvernement ne prend pas de mesures sérieuses face aux régimes terroristes tels que la République islamique d'Iran", insiste-t-elle.

A New York, l'association américaine United Against Nuclear Iran s'est félicitée de l'arrestation de Khalid Mehdiyev et a prévenu par la voix de son président, l'ancien ambassadeur Mark Wallace, que les "Américains ne tolèreront jamais que des éléments d'une puissance hostile menacent de perpétrer des attentats sur le sol des Etats-Unis".

L'Iran et les Etats-Unis n'ont plus de relations diplomatiques depuis 1980 à la suite de la Révolution islamique, l'année précédente. Dans les années 2010, le timide réchauffement entre les deux pays, à la faveur de l'accord international sur le programme nucléaire iranien, conclu en juillet 2015, avait été sapé par le retrait américain de ce texte en 2018, sous la présidence de Donald Trump, et par la reprise par Téhéran de l'enrichissement d'uranium.

Des négociations pour raviver cet accord ont été relancées en avril 2021 mais sont au point mort depuis mars dernier. Pour autant, le 1er août 2022, la diplomatie iranienne s'est dite "optimiste" quant à une reprise de ces discussions suite à un projet de compromis présenté par l'Union européenne et qu'a salué, le même jour à l'ONU, Antony Blinken.