En France, les femmes votent depuis - seulement - 80 ans

C’était le 21 avril 1944, peu avant la fin de l'occupation allemande. Par une ordonnance du Gouvernement provisoire du général de Gaulle à Alger, les femmes devenaient électrices et éligibles. Un an plus tard, le 29 avril 1945, elles déposaient pour la première fois leur bulletin dans l’urne. 

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jupes femme votant

Détail de l'affiche de l'exposition sur l'ordonnance instituant le droit de vote des femmes (2022).

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"On est devenue l'égale de l'homme. A partir de ce jour-là, on a aussi été capables d'avoir des opinions politiques". Marcelle Abadie, 104 ans, se souvient de cet "événement", il y a 80 ans : le droit de vote accordé aux Françaises.

Bien droite dans son fauteuil, à Paris, Jacqueline Didier, 101 ans, se plonge dans ses souvenirs : "J’étais étudiante en histoire à Toulouse mais j’étais inscrite sur les listes électorales de Gourdon, chez moi dans le Lot" (sud-ouest). C'est accompagnée de son père que la jeune femme s'est rendue à la mairie. "Le jour du vote, il m’a expliqué comment ça fonctionnait : 'tu prends le papier-là et ensuite tu le mets-là'".

Elles avaient grandi en entendant que, de toute façon, la politique, ce n'était pas pour elles : c'était l'affaire du mari ou du père. Anne-Sarah Bouglé-Moalic

Les chiffres de participation des femmes à ce premier scrutin, municipal, en 1945, ne sont pas disponibles. Un peu plus de 26 millions de Français étaient alors inscrits sur les listes électorales, mais au moment du vote, de nombreux hommes étaient encore prisonniers de guerre ou déportés. 

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Fières de voter

"On sait que les femmes sont allées voter, même si beaucoup d'entre elles ne s'intéressaient pas forcément à la politique", rappelle Anne-Sarah Bouglé-Moalic, docteure en histoire à l'Université de Caen-Normandie et spécialiste de la question du vote des femmes en France. "Il faut comprendre qu'elles avaient grandi en entendant que, de toute façon, la politique, ce n'était pas pour elles : c'était l'affaire du mari ou du père". 

Autre critère important: le milieu social et culturel. Les voisines de Marcelle Abadie, à Pantin, banlieue nord-est de Paris, étaient femmes au foyer pour la plupart et ne sont pas toutes allées voter. "Je leur ai dit : 'vous avez tort ! On l'a demandé ce droit, maintenant qu'on l'a, il faut aller voter !'"

Un sentiment de fierté, c'est aussi ce qu'a ressenti Marcelle Abadie. Elle avait alors 25 ans, travaillait dans une compagnie d'assurance à Paris et n'entendait pas se faire dicter ses choix. "Je travaillais, je gagnais de l'argent et je faisais ce que je voulais", insiste-t-elle, précisant n'avoir jamais voté comme son mari, fonctionnaire de police. 

carte d'électrice

Exposition sur l'ordonnance de 1944 accordant le droit de vote aux femmes.

D'électrices à élues

Quelques mois après les élections municipales, les femmes ont à nouveau exercé leur devoir civique. Le 21 octobre 1945 ont eu lieu les premières élections législatives de l'après-guerre. "Trente-trois femmes ont été élues à l'Assemblée, soit un peu plus de 5%", indique l'historienne Anne-Sarah Bouglé-Moalic, dont Madeleine Braun, ancienne résistante, devenue en 1946 la première femme vice-présidente de l'Assemblée nationale. Depuis ce premier vote, Jacqueline Didier et Marcelle Abadie n'ont jamais manqué une élection.

Il faut attendre 1965 pour que la loi autorise les femmes à ouvrir un compte en banque à leur nom sans l'autorisation de leur mari. Michelle Perrot

La France a attendu la moitié du XXe siècle pour garantir les mêmes droits politiques aux femmes qu'aux hommes, bien après d'autres pays : l'Australie en 1901, la Finlande en 1906, la Norvège en 1913, le Danemark en 1915, l'Allemagne en 1918, les Etats-Unis en 1920, le Royaume Uni en 1928...

Yvonne Fina

Yvonne Fina, comme des millions Françaises, participe pour la première fois à un scrutin national le 21 octobre 1945, dans le 7e arrondissement de Paris. 

 


 

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Victoire d'étape

L'historienne Michelle Perrot, l'une des grandes spécialistes de l'histoire des femmes, souligne qu'une étape importante est franchie mais que le combat ne s'arrête pas aux urnes. Avec le Code civil de 1804, hérité de Napoléon, "c'est le mariage qui réduisait les femmes à leur position seconde". Malgré le droit de vote, elles "ne pouvaient pas signer de papiers officiels... Après le père, la femme passait sous l'autorité du mari, relève-t-elle. Il faut attendre 1965 pour que la loi autorise les femmes à ouvrir un compte en banque à leur nom sans l'autorisation de leur mari", rappelle encore l'historienne. 

Une fois les droits politiques des Françaises acquis, "le féminisme s'est intéressé aux droits du corps avec les luttes pour la légalisation de la contraception (1967) et pour la dépénalisation de l'avortement (1975)".

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