En France, les municipales à l'épreuve de la parité

Les élections municipales françaises des 23 et 30 mars 2014 mettront à l'épreuve l'application de la parité, imposées aux communes dès qu'elles franchissent le seuil de 1000 habitants. Certes, en 10 ans, la présence des femmes a augmenté dans les conseils municipaux. Mais elle reste encore très minoritaire parmi les élus politiques locaux, 70 ans après le droit de vote accordé aux femmes en France.
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En France, les municipales à l'épreuve de la parité
La petite ville de Neffiès avec ses 1033 habitants doit désormais soumettre son conseil municipal à la parité - Wikicommons
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La parité progressera-t-elle aux prochaines municipales ? Pour l'instant, elle reste à la traîne dans les communes de France: plus de 86% des maires sont des hommes, alors que les conseils municipaux ne cessent de se féminiser. Au soir du scrutin du 30 mars, une nouvelle page de l'histoire des femmes en politique s'écrira avec la probable élection de la première maire de Paris. Avec Anne Hidalgo (PS) ou Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP), Paris viendra rejoindre le club encore restreint des capitales dirigées par des femmes (Hanna Beata Gronkiewicz-Walt à Varsovie, Ana Botella à Madrid, Yordanka Fandakova à Sofia, Halyna Hereha à Kiev, Fumiko Hayashi à Yokohama, Caroline Toha à Santiago du Chili, ou Ana Olivera à Montevideo).
                 
Plus d'électrices mais toujours moins de femmes maires

Mais dans les exécutifs locaux, les chiffres sont implacables quant à "la force de la domination masculine", selon l'universitaire strasbourgeois Michel Koebel. Aujourd'hui, la France compte 5.104 femmes maires, moins de 14% du total des dirigeants de ses 36.769 communes.
                 
Le taux de femmes maires est plus important dans les petites communes, celles de moins de 3.500 habitants (14,3%, soit 4.829 femmes). Il atteint 11,3% dans les communes de 30.000 à moins de 100.000 habitants (24 femmes maires) et 13,5% dans les villes de 100.000 habitants et plus avec cinq femmes (Hélène Mandroux (PS) à Montpellier, Martine Aubry (PS) à Lille, Adeline Hazan (PS)à Reims, Maryse Joissins (UMP) à Aix-en-Provence..), selon le ministère de l'Intérieur.
                 
Pourtant, 53% des électeurs français sont des électrices, selon l'INSEE (chiffres 2010). Une large majorité de Français (70%) souhaitent davantage des femmes maires et 54% veulent que leur propre commune soit administrée par une femme, selon un sondage Ifop pour Femme actuelle.
       
Dans les conseils municipaux, la parité progresse, mais parce qu'elle a été imposée. Le mouvement a été lancé par la réforme constitutionnelle de 1999 et par les lois de parité, à commencer par celle de 2000 qui obligeait au même nombre de femmes et d'hommes sur les listes et une alternance par tranche de six (trois hommes et trois femmes en ordre libre). Il faudra attendre la loi du 31 janvier 2007 pour que chaque liste ait le devoir de respecter une stricte alternance entre femme et homme dans les communes de plus de 3.500 habitants.
                 
Désormais, la parité est quasiment atteinte dans les conseils municipaux de ces communes (48,5% de femmes) observe le Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes dans son "Guide de la parité".
En France, les municipales à l'épreuve de la parité
Source : Ministère de l'Intérieur et INSEE (Cliquer pour agrandir)
 

“Leur engagement va déclencher des questions chez d'autres femmes. Elle se demanderont pourquoi pas moi ?“

24.02.2014reportage de nos partenaires de la rédaction de France3
Dans le village de Neffiès (Hérault, qui vient de franchir la barre des 1000 habitants, la parité pour les prochaines municipales semble être respectée par les différents candidats, dont le maire sortant. Pour celles qui ont accepté de figurer sur les listes électorales, les postes les moins prisés, tels que celui du Tourisme ou des fêtes du village, leur sont souvent attribués. En revanche, les finances, par exemple, sont octroyés généralement aux hommes. Les clichés sur leurs compétences persistent.

Dans les villes, beaucoup de femmes ne veulent plus se contenter des postes de simple conseillère. Elles veulent diriger. Un séminaire nommé "Femmes et pouvoir" donne des conseils à des femmes politiques issues de tous les partis. "leur engagement va déclencher des questions chez d'autres femmes. Elle se demanderont pourquoi pas moi ?", explique Julia Mouzon, l'organisatrice.
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Les plus hauts postes aux hommes, le reste aux femmes
                 
Le mouvement va s'accentuer lors des prochaines municipales. La loi du 17 mai 2013 a étendu la règle de stricte alternance aux communes de 1.000 habitants et plus, ce qui permettra l'élection de 16.000 conseillères municipales supplémentaires. Au plan de la répartition du travail exécutif dans les conseils municipaux, "le constat est sans appel", souligne l'universitaire strasbourgeois Michel Koebel qui a mené une étude sur le profil des élu-e-s. Selon cette enquête, en dehors du sport, la plupart des attributions les plus élevées dans la hiérarchie municipale sont confiées à des hommes et à l'inverse les moins convoitées aux femmes, à l'exception des adjoints aux affaires sociales, massivement des adjointEs.
                 
Le projet de loi sur l'égalité femmes-hommes actuellement en examen au Parlement introduit "le principe de parité entre la tête de l'exécutif local (mairie, conseil général ou régional) et son premier adjoint ou premier vice-président", se félicite la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Mais la loi ne sera pas encore promulguée en mars et une fois applicable, il restera à voir si les femmes ne demeureront pas cantonnées à la fonction de numéro 2.         

Les états-majors des grands partis sont discrets sur le nombre de femmes têtes de liste et ayant une chance d'être élues et ils reconnaissent "que ce n'est pas terrible". Europe Ecologie-Les Verts annonce "1/3 de têtes de liste féminines sur 70 listes autonomes dans les villes de plus de 30.000 habitants" avec peu de maires possibles sinon Hélène Flautre à Arras et Mireille Ferri à Bagnolet. Le Front National avance le chiffre de "20 à 25%", avec une ou deux femmes pouvant devenir maire.  
                 
"Nous savons que les choses vont très lentement", observe Yvette Roudy, ministre des Droits des femmes sous la présidence de François Mitterrand (1981 - 1995). "Nous avons 2.000 ans de machisme derrière nous et ça ne fait que 50 ans que les femmes se battent!", lance-t-elle.

Les autres fonctions électives encore plus mal loties. Malgré une hausse de la part des femmes au Parlement français, elles restent minoritaires. Seuls 27% des députés à l'Assemblée nationale en 2012 sont des femmes, contre 19% en 2007. Au Sénat, elles représentent 22% en 2011 (11% en 2001), selon la dernière étude de l'INSEE. La France fêtera le 21 avril 2014 le 70e anniversaire du droit de vote et d'éligibilité des femmes.
En France, les municipales à l'épreuve de la parité
Source : Ministère de l'Intérieur et INSEE (Cliquer pour agrandir)
 

La part des femmes élues dans le monde

La part des femmes élues dans le monde
Source : INSEE