Fil d'Ariane
Salomé (1923) réalisé par Charles Bryant et Alla Nazimova. Bien que productrice et interprête du film, son nom ne fut pas crédité en qualité de co-réalisatrice au générique.
Ces notes de musique nous donnent une idée de ce que pouvaient (peut-être) ressentir nos arrières arrières grands-parents. La communion image-musique fonctionne à merveille comme, sans doute, au début du siècle dernier. Appuyant un effet ici, arpégeant l'éclosion d'un sentiment là, nous voici transportés dans une poésie cinématographique primitive et délicieuse.
"Plusieurs femmes, qui sont dans ce cycle, précise Elvira Shahmiri, chargée de programmation et d’exploitation,
avaient monté leur propre structure. Ainsi, Mary Pickford, avait monté sa maison de production comme Alla Nazimova et Lois Weber. Alice Guy, c'était le studio Gaumont qui finançait ses premières oeuvres."
Y a t-il une thématique féministe dans ces films ? "Pas forcément. Mais Lois Weber parle dans certains de ses films de la question de l'avortement, du mariage. Alice Guy parle de la condition de la femme à plusieurs reprises dans des courts-métrages, de sa place dans la société mais cela ne revient pas forcément à chaque fois et cela n'est pas forcément revendicateur."
Aurélie Dubery, de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, complète : "Même le sujet de la femme abandonnée, qui est récurrent au début du siècle, ce n'est pas un sujet féminin. C'est un sujet en rapport avec la société et qui s'adresse à un public populaire".
Germaine Dulac fut l'une d'elles. A la fois réalisatrice, critique de cinéma, théoricienne, productrice, elle a pressenti très tôt le formidable essor et pouvoir de ces images animées. En 1927, elle écrit : "L'Avant-garde naît à la fois de la critique du présent et de la prescience de l'avenir".
Formule d'une concision lumineuse. Elle veut "exprimer l'invisible, l'âme des êtres et des choses" et n'hésite pas à se servir du cinéma pour réaliser des expériences inédites comme, par exemple, nourrir son "sens visuel". Elle écrit encore : "La vérité cinématographique sera plus forte que nous et bon gré mal gré s'imposera par la révélation du sens visuel". Dans "La souriante Madame Beudet" (1923), elle augmente les structures narratives en y injectant des associations visuelles pour mieux dénoncer la prison du mariage et ses effets nocifs sur la liberté des femmes.
Citons encore Olga Preobrazhenskaya qui signa Le village du péché en 1927 et qui est considéré comme le premier film féministe de l'ère soviétique.
En 1912, elle réalise un court métrage intitulé Un imbécile et son argent , le premier film jamais produit avec une distribution composée uniquement d'acteurs africains-américains.
La Fondation propose 3 films de Alice Guy, dont "Falling Leaves", 1912 (10 min). Le sujet est d'un romantisme irrésistible. Le programme annonce : "une jeune fille, Winifred, est atteinte de tuberculose. Le docteur annonce qu’elle sera morte avant que la dernière feuille ne soit tombée. Pour sauver sa sœur, la toute jeune Trixie va dans le jardin pour rattacher les feuilles aux arbres."
A retrouver dans Terriennes, le portrait d'Alice Guy :
> Alice Guy, pionnière oubliée du cinéma mondial
Ces merveilles cinématographiques retourneront dans les caves de la fondation Jérôme Seydoux-Pathé dès le 26 septembre. La société Lobster, spécialisée dans la restauration des premières bobines du 7ème art, partie prenante dans ce panorama-découverte, a eu la très bonne idée de remettre à neuf les films qui sont projetés. Elle propose un coffret de 4 DVD "Les pionnières du cinéma" (35 euros) soit 9 h de films accompagné d'un livret très complet de 28 pages.
Mais il est permis d'être désolé quand on sait qu'il n'existe, à ce jour, aucun ouvrage complet, aucune encyclopédie sur ces femmes artistes qui ont fait le cinéma elles aussi. Un éditeur (trice)audacieux (se), s'il ou elle se lançait dans une telle aventure, réparerait cette terrible injustice.
Bientôt ?
A retrouver sur ce sujet dans Terriennes :
> Cinéma : derrière la caméra, la place des femmes à réinventer